Il fut un temps où cet espace de la rue Drummond, au centre-ville, abritait l'une des meilleures tables en ville, Les Caprices de Nicolas, rendez-vous des amateurs de cuisine d'auteur. Puis, Ariel y a installé ses pénates, histoire d'offrir une cuisine plus bistronomique, d'inspiration méditerranéenne, celle provenant du côté de l'Italie ou de la France.

Aujourd'hui, la table se nomme Tangia et propose une cuisine marocaine. Le propriétaire de l'établissement et de ceux qui l'ont précédé, Dan Medalsy, lui-même originaire du pays du citron confit et de l'huile d'argan, en est maintenant aussi le chef.

Il y prépare donc la cuisine de son enfance, celle du Maroc séfarade, avec tout le cumin, les olives, l'ail et la coriandre que cela suppose.

Comme on n'est plus chez Ariel, la décoration a été refaite pour imprégner les lieux d'un esprit du Maghreb exotique. Les théières pour le thé à la menthe traditionnel ont été polies, les lampions allumés. L'atmosphère est douce et l'accueil, chaleureux. Le genre de lieu où l'on connaît rapidement le nom des clients, où l'on se retrouve un peu à la maison.

Les plats ne sont pas tous aussi savoureux les uns que les autres, mais l'impression générale qui se dégage à la fin du repas est néanmoins heureuse.

Pourquoi?

Car la «salade cuite» très traditionnelle, entrée incontournable dans tout repas marocain qui se respecte, ce plat préparé avec des tomates et des poivrons grillés pratiquement confits ensemble avant qu'on les mange tartinés, est impeccable.

Car le houmous l'est tout autant. Juste assez citronné. Bien charpenté. La salade de carottes écrasées à la coriandre et au cumin? Elle taille bien sa place aussi sur le plateau d'amuse-bouche. Car même si l'on a l'impression qu'elle est bien sucrée à la première bouchée, les saveurs plus complexes entrent en jeu et lui donnent fière allure.

La salade de crudités? Pas compliquée, elle réunit de la menthe, du persil, des tomates, du concombre, du jus de citron et de l'huile d'olive, mais aussi du citron confit, le détail marocain qui distingue la composition des autres salades de ce type du pourtour méditerranéen. Tout est coupé en format brunoise et se mange aisément. C'est frais. Et un joli contrepoint aux autres mises en bouche, plus onctueuses et riches.

D'ailleurs, on peut tout de suite dire ici que toutes les premières entrées se mangent avec du pain et qu'il est bien moelleux, avec une croûte craquante, mais légère. L'amie d'origine marocaine avec qui je mangeais s'est ensuite étonnée de voir dans la corbeille des crêpes traditionnelles, les mouflettas. Chez elle, on les mange sucrées. Ici, elles remplacent le pita qu'on est habitué de retrouver sur les tables libanaises ou le naan indien. Charnues, un peu élastiques, elles volent la vedette.

Le seul point faible de ce premier service? La salade d'aubergine. On la grille et on l'écrase avec du miel, des amandes et de l'huile d'argan, mais on dirait que le légume n'est pas assez cuit. On cherche aussi le sel, des parfums de grillade, du citron, peut-être même de l'ail. On dirait qu'elle a été oubliée seule avec elle-même, la pauvre.

Le repas continue et on nous sert des mini pastillas, ce plat feuilleté mettant en vedette du poulet cuit avec des oignons, des amandes, du safran et du gingembre, puis saupoudré de sucre et de cannelle.

L'idée de présenter cet incontournable sous forme de bouchée qui se mange sans fourchette est sympathique. Et la farce est exquise. Toutefois, ici, il y a un peu trop de pâte. On préférerait que la balance penche un peu plus en faveur du savoureux mélange de chair effilochée qui se blottit à l'intérieur des couches de brick craquantes.

En plat, dans un restaurant marocain, le couscous est incontournable. Celui de Tangia est bien fait et servi avec le tajine de poulet aux olives qu'on avait demandé. Car on peut faire des demandes spéciales: poulet au citron, aux olives, boeuf... (Un jour, je me promets de demander du veau aux prunes vertes, un plat typique goûté une seule fois dans ma vie et dont je rêve depuis...). Les grains de la semoule se détachent bien. Les légumes sont encore légèrement tendus sous la dent. La chair de volaille, tendre. La sauce, joliment relevée. On l'apporte dans un petit saucier, en à côté. Pour tout dire, on en aurait pris beaucoup plus.

Au dessert, on apporte une tarte au citron qui est bien faite, mais ne surprend pas. En revanche, le nougat glacé, préparé avec amplement de pistaches, de miel et d'un peu de fleur d'oranger, fond dans la bouche en douceur et en arômes ensoleillés.

On termine le repas avec un thé à la menthe, évidemment, qui est servi comme il se doit dans une théière argentée. Remarquez le petit personnage en feutrine qui protège la poignée pour ne pas que l'on se brûle. Un détail charmant pour terminer un repas qui l'était tout autant malgré ses petites imperfections.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Après Les Caprices de Nicolas, puis Ariel, le Tangia s'installe au 2072, rue Drummond.

Tangia. 2072, rue Drummond. Montréal. 514 282-9790. tangia.ca

Notre verdict

Prix: menus découvertes à 16 $, 45 $ ou 55 $ par personne. Plats à la carte.

Carte de vins: vaste et assez classique de toute évidence celle des anciennes incarnations des lieux. Donc, une carte de bistro français chic.

Service: sympathique et convivial. Le soir où nous sommes passées, le chef lui-même prenait les commandes.

Ambiance et décor: ambiance chaleureuse. Jolie terrasse. On est loin des atmosphères survoltées de la rue Crescent voisine mais plutôt dans un havre doux.

Plus: La salade cuite et le nougat glacé.

Moins: La salade d'aubergines...

On y retourne? Oui.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Tangia est le genre de lieu où l'on se retrouve un peu à la maison, écrit notre critique.