J'écoutais l'autre jour à la radio un critique gastronomique américain parler de son métier. De la recherche de verbes pour décrire l'effet, l'action de manger, les gestes qui surviennent lorsqu'on mange un plat. Il parlait aussi de l'importance des adjectifs pour expliquer le plongeon dans le bol ou l'assiette, mais surtout de la nécessité, quand on parle de nourriture comme de tout autre sujet, de trouver une histoire.

Quelle est l'histoire à raconter, pourquoi devrais-je parler de cette table plutôt que d'une autre? Qu'y a-t-il de particulier dans ce lieu qui fait que le lecteur devrait s'intéresser à ce que je vais lui raconter? Est-ce une trouvaille? Est-ce un espace spectaculaire? Est-ce un établissement prétentieux qui n'est pas à la hauteur de ce qu'il projette? Ou l'inverse?

Chez Elda, nouvel établissement du boulevard Saint-Laurent, l'histoire se cache, je crois, derrière un bar, un comptoir. Un zinc parisien original en bois et en métal des années 50 venu de France en bateau, nous a raconté le copropriétaire, Gabriel Rizzotti. Tout étroit, avec son sceau certifiant ses origines, ce meuble donne le ton au lieu. On est à Montréal, dans le Mile End, dans l'espace occupé jadis par Kilo, mais on est aussi un peu au royaume de Queneau ou de Doisneau dans ce restaurant de quartier abordable où le bar invite au dialogue, ouvre la conversation, et le rôle du restaurant à plus que nourrir. Le père de Gabriel est agent en vin, chez Beau-Vin. Ses bouteilles pas chères annoncées à l'ardoise participent aussi au style.

On est ici pour manger et boire sans chichi, pour faire partie d'un quartier et d'une ville, pour parler sans WiFi ni 4G.

Le menu conçu par Grégory Paul, chef propriétaire du restaurant Le Mile-Ex, qui est partenaire dans le projet et supervise la cuisine, n'est pas très long et est rempli de plats disparates qui illustrent les métissages de nos goûts culinaires.

On aime par exemple comment les tartines à l'artichaut nous évoquent la Méditerranée avec le houmous à la harissa, mais tout ça se passe sur du pain naan, parce qu'à Montréal, le Maghreb n'est jamais loin de l'Inde ou même des pays nordiques. L'autre plat sympathique réunit en effet blinis maison, gravlax - donc saumon mariné - et crème gingembre-soya-sésame. Pourquoi rester en Russie ou en Scandinavie quand nos papilles peuvent très bien aussi faire une escale au Japon? Les combinaisons suivent la route et s'agencent joyeusement. Dommage que les tortillas des tacos de porc ne soient pas plus tendres, plus parfumées, parce que là encore, une rencontre nord-sud entre le sirop d'érable du porc effiloché et le cheddar, d'un côté, et le jalapeno, de l'autre, apporte du soleil sur notre réalité climatique. Vous vous souvenez de ça, le soleil?

En plat principal, on proposait au menu du jour des moules poulettes, donc avec une sauce à la crème et à l'échalote. Évidemment, on est à Montréal, pas en Normandie, et dans un restaurant qui veut garder ses prix abordables, donc les moules sont fraîches, mais pas parfaites. Certaines goûtent plus le varech que d'autres. Avec sa riche sauce approfondie avec quelques lardons, le plat réussit quand même à nous réconforter, à apporter richesse et rêves maritimes. Des vacances au pays des Parapluies de Cherbourg en bouchées sous la pluie.

La tartelette à l'encre de seiche, avec beurre de chèvre, maquereau fumé et citron doux et multiples pousses vertes, en revanche, ne transporte pas autant. Trop sec? Trop dense? On cherche plus de légèreté et de contrastes, de l'acidité parfumée aussi, peut-être.

La grande déception du repas, c'est le dessert, qui arrive en bloc et lourd. Le baba aux agrumes ressemble à un quatre-quarts, puisque le côté spongieux de la pâtisserie, cette capacité d'absorber le fameux rhum, brille par son absence. Et cela n'est nullement compensé par une présentation spectaculaire avec meringues fruitées, crème et pousses vertes.

La panna cotta au café se présente dans un plat presque ridiculement énorme et s'avère peu élégante, peu savoureuse, servie en pavé trop gélifié avec, notamment, du pop corn et un crumble de chocolat. C'est trop gros et pas assez fin.

On comprend que l'assiette est conçue pour être partagée. Et que c'est effectivement ce qu'on a envie de faire dans cet espace convivial si joliment animé. Mais il faudra la retravailler. Pour prolonger la soirée au bar, on a, de loin, préféré la conversation et le vin fortifié.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

La tartelette à l'encre de seiche, avec beurre de chèvre, maquereau fumé et citron doux et multiples pousses vertes.

Elda, 5206, boulevard Saint-Laurent, Montréal, (438) 387-6050, chezelda.com

Notre verdict

Prix: Plats en tous genres, à partager ou pas, entre 6 $ et 17 $. Desserts de 6,50 $ à 9 $.

Carte des vins: Sympathique et variée, et de jolis crus pas chers mais pas «cheap».

Service: C'est le copropriétaire Gabriel qui a veillé sur nous les deux fois. Il est sympathique et plutôt efficace, raconte toutes sortes de choses, s'intéresse aux clients. Exactement ce qu'on veut quand on s'assoit au bar ou quand on retourne à une adresse de quartier.

Atmosphère: Grand espace ouvert dont seulement la moitié est occupée par la salle à manger, le reste étant une cuisine pour le resto, mais aussi pour le service traiteur des copropriétaires du Mile Ex. Le ton est donné par un bar parisien original des années 50. Le genre de lieu qui donne envie de s'asseoir au bar, de prendre un verre de blanc, de commander des acras et de jaser avec le barman.

Plus: L'atmosphère et les bas prix.

Moins: Les desserts trop lourdauds.

On y retourne? C'est déjà fait.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Le menu de l'Elda n'est pas très long et est rempli de plats disparates qui illustrent les métissages de nos goûts culinaires.