La dernière critique que j'ai écrite était sur un restaurant en quête de très nouveaux horizons. Celle de cette semaine l'est sur un restaurant qui mise sur l'éprouvé.

Des ingrédients éprouvés, des concepts éprouvés, des vins éprouvés. Au restaurant Le coureur des bois, sur les rives du Richelieu à Beloeil, dans l'hôtel Rive-Gauche, on s'en tient surtout aux valeurs sûres, pour le meilleur et pour le moins réussi.

Les vins ? Un paradis pour les amateurs en moyens. La meilleure cave classique au Québec, disent maintenant de nombreux connaisseurs. On l'a montée à coup de millions et en achetant notamment une bonne partie de celle du défunt Bistro à Champlain de Charest Champlain. Pensez Corton-Charlemagne, Yquem, Barolo, Côte-rôtie, La Tache en magnum... Beaucoup de grandioses bouteilles, de très grands vins au verre.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Les vins ? Un paradis pour les amateurs en moyens.

Au menu ? On utilise le plus possible des produits d'ici - dont on signale consciencieusement tous les producteurs - mais pour préparer des plats qui n'essaient pas de s'aventurer dans les méandres les plus éclatés de la gastronomie. Certaines idées sont un peu dépassées.

L'espace, la décoration ? Plutôt néo-rustique, avec des menus collés sur des planches de bois avec écorce tandis que les murs sont parés de photos de bûches, d'orignal... Vous voyez le topo.

Deux visites nous ont permis de faire deux expériences totalement différentes. Une à la table du chef dans la cuisine et une autre en salle. Les deux fois, on savait qui j'étais et on ne le cachait pas. Est-ce pour cela que le service était attentionné et souriant ? J'ose croire que non. Le restaurant, qui vient de recruter Hugo Duchesne - ancien de la Montée de lait, prof à l'ITHQ - à la tête de son équipe de sommellerie, veut être une grande table. Et on le voit en commençant par les vins, bien entendu, mais aussi toutes sortes de petites attentions, comme ce tabouret qu'on offre aux dames pour leurs sacs, comme dans certains établissements étoilés Michelin.

Est-ce que la cuisine suit ? Pas tout à fait.

Durant le repas gastronomique, les plats étaient inégaux. Une huître garnie de crabe et de billes de curaçao bleu perçant ? Un peu kitsch... Le macaron à l'encre de seiche pour accompagner le tartare de pétoncle aux fruits de la passion ? Sec et dur. L'espuma de chocolat noir en marge du boudin noir ? Très dense et sucrée, trop petit-déjeuner façon Nutella.

En revanche, certains plats se démarquent magnifiquement. Il y avait longtemps que j'avais mangé un foie gras poêlé aussi impeccablement caramélisé et c'était une bonne idée de le déposer sur une jolie pièce de cerf de Boileau, avec une sauce au cassis juste assez parfumée et acide. 

Lors d'une seconde visite, le repas fut moins copieux. En entrée, les huîtres Raspberry Point trônaient sur des cailloux dans une boîte de bois, une présentation un peu ringarde qui ne cachaient pas qu'elles étaient un peu petites. Mais elles étaient impeccables. Et la mignonnette proposée est plus réussie que la sauce citron vert et sirop d'érable.

De l'autre côté de la table, la soupe à l'oignon déconstruite était présentée sous forme de rondelles d'oignons frites, de flanc de porc et de croquette de Migneron que le serveur arrose d'un bouillon de pintade trop peu goûteux.

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En plat principal, on proposait ce soir-là une dorade poêlée servie avec de l'orge et des légumes, dont du fenouil frais. Le poisson était bien cuit et moelleux, l'orge et les légumes croquants tout à fait au point et les pousses de betterave offraient un joli contrepoint. Mais était-ce nécessaire d'ajouter et de la purée de poivrons jaunes et de la salsa de pois et de coriandre ? En fait, la plupart des plats pourraient perdre un ou deux éléments. Ils n'en seraient que plus élégants, plus modernes.

Le plat d'agneau grillé, bien rosé, profitait bien de la présence de betteraves et de champignons shiitakes confits au gras de canard. Mais pourquoi mettre une sauce groseilles sur la viande et un coulis de pois verts dans le fond de l'assiette ?

Malgré le superbe verre de Corton-Charlemagne grand cru 2012 siroté pendant tout le repas, le bilan repas était jusque-là un peu mitigé... quand sont arrivés de magnifiques desserts. Une barre de chocolat Snickers réinventée et un gâteau aux carottes.

Les tablettes de chocolat repensées, oui, c'est trop fait et refait, mais celle-là est franchement bonne. Chocolat, arachides, glace au caramel... On se régale, notamment grâce au contraste des textures. Idem pour le gâteau aux carottes qu'on arrose d'un dulce de leche chaud qui fait fondre la garniture de chocolat. Les à-côtés de courge et de crème sont-ils nécessaires ? J'aurais tendance à élaguer un peu, malgré le joli contrepoint amer de la courge.

Vous aurez compris que cette cuisine pourrait être peaufinée techniquement, et modernisée conceptuellement. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas trouver sur le menu quelques valeurs sûres permettant d'accompagner les grands crus qu'on se fait un plaisir de découvrir.

Le coureur des bois

1810, rue Richelieu, Beloeil

450 467-4477

Prix : table d'hôte le soir à 40 $, menu dégustation 85 $, entrées à la carte entre 6 $ et 19 $, plats entre 24 $ et 28 $.

Carte de vins : absolument spectaculaire, remplie de très grands crus, dont plusieurs au verre à prix solides. Occasions exceptionnelles de goûter à de grandes bouteilles. Le nouveau sommelier Hugo Duchesne veut ajouter tranquillement à la carte des bouteilles accessibles de type naturel pour compléter l'offre.

Service : attentionné et professionnel, courtois et efficace. Excellente connaissance des vins.

Ambiance : amateurs de vins de la région et même au-delà, amis et couples. Amateurs de cuisine et de bons crus qui ne cherchent pas le dernier lieu expérimental ou à la mode.

Plus : la carte de vins

Moins : la cuisine qui a besoin d'être modernisée et peaufinée techniquement

On y retourne : oui, en compagnie d'amateurs de grands crus, en prenant les plats les plus simples et les desserts...

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On y retourne pour les desserts, entre autres.