Longtemps cantonnée aux restaurants de sushis, la cuisine japonaise se manifeste aujourd'hui de multiples façons à Montréal, pour notre plus grand bonheur. Le bistro Thazard, ouvert il y a quelques mois dans le Mile End, ajoute une nouvelle couleur à cette palette.

Le plateau de charcuterie de la mer, idéal à partager en entrée, est représentatif de l'esprit des lieux. La sélection est changeante. On peut aussi bien y retrouver des morceaux de poisson (fermenté, en escabèche ou façon jerky, par exemple) que des croquettes dans un bouillon ou de la saucisse de pieuvre. Des pousses et de fines tranches de légumes marinés complètent cet éventail diversifié. Certaines préparations, comme la saucisse, se révèlent étonnamment familières. D'autres, comme ce foie de calmar découvert lors d'une première visite, peuvent être plus intenses. Toutes, à part un jerky de saumon décevant, étaient intéressantes.

Le guéridon que le personnel roule de table en table offre aussi des bouchées pour l'apéro, comme des sushis étagés ou du maquereau bien gras passé à la torche.

La plupart des assiettes se prêtent bien au partage, quoiqu'en les voyant arriver, on est parfois tenté de les garder pour soi. C'est ce que j'aurais fait avec la jolie salade tiède à base de légumes racines, garnie de tofu frit et agrémentée de purée d'aubergine et miso, à la fois vive et nourrissante. La poutine, à l'inverse, gagne à être partagée. Ingurgiter ce monticule nappé de beurre miso, même entrecoupé de kimchi, ne vous laisserait pas grand appétit pour autre chose. Et bien que manger ces frites engluées de fromage élastique avec des baguettes soit très amusant, le spectacle n'est pas très flatteur. Mieux vaut impliquer tous les convives.

Les autres plats, heureusement, sont plus légers. Même le classique poulet frit japonais est accompagné de fraîches verdures. Et les présentations, d'une délicatesse toute nippone, ne contribuent pas seulement au plaisir de l'oeil, mais aussi du palais. Réticent à saccager cette belle harmonie, on est naturellement porté à goûter les éléments un à un, avec lenteur et attention.

Le tataki de saumon est orné d'une gelée de shiso orangée qui donne un joli fini luisant et une texture extrêmement onctueuse à la chair du poisson. Des traits de balsamique au gingembre et d'huile au matcha permettent de rehausser chaque bouchée.

Le tentacule de pieuvre un peu ferme, adossé à une section de chou asiatique grillé d'une main légère, trace une ligne franche sur la vaisselle noire. De petites croustilles de patate douce ajoutent du relief à la composition.

L'ergonomie, par contre, laisse parfois un peu à désirer. Une vinaigrette servie dans une cuiller chinoise se renverse avant qu'on ait décidé où la mettre. Un riz noyé de sauce devient difficile à attraper avec des baguettes.

Dans l'ensemble, toutefois, la proposition du Thazard vaut largement le détour. Un bel endroit animé, qui donne l'impression de faire une vraie sortie sans pour autant sacrifier la qualité ni l'originalité de la cuisine, ce n'est jamais de refus. D'autant plus que ladite cuisine est ouverte jusqu'à 2h du jeudi au samedi. Détail non négligeable: l'expérience est accessible. On peut aussi bien y aller pour la totale, et essayer autant de plats que notre appétit le permet, qu'y manger un savoureux bol de ramen tonkatsu sur le pouce.

Thazard

5329, boulevard Saint-Laurent, Montréal

514 802-8899

thazardmtl.com

> Prix: Assiettes, de format entrée ou un peu plus: 7 à 14$.

> Carte de vins: Courte mais soignée. Intéressant choix de bulles et de vins blancs, presque tous en importation privée, avec un effort pour offrir des options à prix raisonnable - la liste démarre à 37$. Déception, par contre, au rayon des sakés, où plusieurs produits annoncés manquent à l'appel.

> Service: Sympathique.

> Décor et ambiance: Banquettes rouges et dorures dépolies, ampoules nues et tables massives ancrées au sol: l'espace a des allures de local antique renippé au goût du jour. La clientèle jeune et stylée s'y intègre parfaitement.

(+) Une cuisine aux racines japonaises qui réserve de jolies surprises.

(-) La musique devient très forte très tôt, même quand l'endroit est à demi vide.

On y retourne? À la première occasion.