Le restaurant «La Bouitte» dans les Alpes françaises, tenu par René Meilleur et son fils Maxime, a été couronné de trois étoiles lundi par le prestigieux Guide Michelin, qui a sacré à nouveau le célèbre chef parisien Yannick Alléno.

Les Meilleur, autodidactes de 64 et 39 ans, accèdent au pinacle de la gastronomie française en rejoignant le club des 26 restaurants «trois étoiles» de France de cette édition 2015.

Et ce, près de quarante ans après la création de «La Bouitte» - «petite maison» en patois savoyard - qui au départ proposait raclettes et fondues aux skieurs.

«Ca nous pousse au sommet, c'est assez incroyable», a réagi René Meilleur. «Je voulais m'arrêter cette année, grâce à Michelin je viens d'en reprendre pour 65 ans!»

Dans le chalet qui accueille aussi un hôtel à près de 1500 m d'altitude, à Saint-Martin-de-Belleville, dans la Valllée de La Tarentaise, ils composent une cuisine ancrée dans le terroir, «généreuse, authentique, pleine d'émotions», et de «produits exceptionnels», souligne le Michelin.

«Leur maîtrise des poissons locaux est extraordinaire», a loué Michael Ellis, directeur international du Guide Michelin, citant en exemple «les écrevisses pattes rouges, la féra du Lac Léman, la truite, l'omble chevalier».

Loin des sommets enneigés, l'autre star de cette édition est Yannick Alléno, 46 ans, qui a repris en juillet les rênes du restaurant Pavillon Ledoyen sur les Champs-Elysées.

Le chef, qui avait déjà décroché trois étoiles en 2007, conserve ainsi la récompense obtenue sous le règne de son prédécesseur Christian Le Squer.

Alléno «au sommet de son art»

Nommé «cuisinier de l'année» par le Gault et Millau en octobre, Alléno a été distingué pour son travail sur les sauces, réalisées par une technique d'«extraction», permettant d'obtenir à partir d'un produit un jus ultrapur, au goût intense.

«On a vraiment trouvé un Yannick Alléno au sommet de son art. Les techniques sont extraordinairement maîtrisées. La concentration de saveurs, les explosions de parfums sont tout simplement remarquables», a salué Michael Ellis, citant un soufflet d'anguille fumée avec une réduction  de cresson, et un pain de brochet brioché à l'extrait de céleri.

Originalité de la carte chez Ledoyen, elle présente d'abord le plat principal, puis les entrées.

L'annonce de la sélection 2015 du guide rouge a revêtu un caractère particulièrement solennel, se tenant de façon inédite au ministère français des Affaires étrangères, dans une démarche visant à promouvoir le rayonnement de la gastronomie nationale, inscrite au patrimoine mondial par l'Unesco.

Deux maisons se font exclure cette année du prestigieux club des trois étoiles: l'Arnsbourg, à Baerenthal (nord-est), à la suite du départ de son chef Jean-Georges Klein et La Côte Saint-Jacques, en Bourgogne (centre-est).

Du côté des palaces parisiens, Alain Ducasse au Plaza Athénée se voit décerner deux étoiles, et non les trois escomptées, pour son audacieux concept de menu «naturalité» composé autour d'une trilogie poissons, légumes, céréales.

«Bib gourmand»

La valse des chefs a aussi coûté leur deuxième étoile aux restaurants parisiens Lasserre et l'Abeille, qui ont vu Christophe Moret passer de l'un à l'autre.

À côté des 26 restaurants trois étoiles en France (ils sont au total 111 dans le monde), le Michelin a distingué 80 deux étoiles (dont 7 nouveaux) et 503 une étoile (37 nouveaux), soit 609 tables étoilées au total.

Le guide propose aussi 646 tables «Bib Gourmand», dont 102 nouvelles, qui proposent une cuisine de moins de 32 euros en province et 36 euros à Paris.

Malgré les critiques et controverses qui accompagnent la verdict du Michelin chaque année, le guide est guetté fiévreusement par le monde de la gastronomie, car les étoiles sont synonymes de réservations en hausse.

L'enjeu est d'importance pour la France, première destination touristique mondiale (84,7 millions de touristes étrangers en 2013) puisque la gastronomie est une motivation majeure des visiteurs.

Laquelle est confrontée à une concurrence internationale accrue et à l'émergence de guides comme les 50 Best, classement de la revue britannique Restaurant très décrié en France, qui ne place que cinq tables françaises dans sa dernière édition, et aucune dans le top-10.