On n'est jamais si bien servi que par soi-même, paraît-il. Dans cet arrondissement jadis soumis à la Loi de tempérance où on ne trouve toujours pas de bar pour prendre l'apéro, on peut au moins apporter ses bouteilles au bistrot.

On entre dans le vestibule vitré du Wellington comme dans un passage temporel. Derrière, l'artère commerciale vieillotte du même nom. Devant, une salle aérée, meublée et décorée en noir et blanc. Entre les tables, l'espace est généreux, propice aux conversations. Il y a quand même des avantages à sortir dans des endroits où le pied carré coûte moins cher que sur le Plateau.

Proposé en entrée, le boudin aurait pu être un peu plus saisi à l'extérieur, un soupçon moins cuit l'intérieur, et plus assaisonné. Mais à tout prendre, cette saveur nette est de loin préférable aux excès de muscade trop fréquents dans cette charcuterie. Une mousseline de panais à la fois onctueuse et aérienne, des feuilles de chou de Bruxelles vert tendre et une savoureuse demi-glace complètent l'assiette. La cuisine pourrait s'arrêter là, les tranches de pommes vertes crues ne suscitent que la perplexité.

L'entrée de saumon mariné est une belle assiette qui aurait besoin de quelques ajustements. La chair souple, savoureuse et un peu salée rencontre avec bonheur les oeufs de poisson vifs, croquants et légèrement acidulés qui bordent l'assiette. Le lit de fenouil ramolli et insipide, mêlé de rares feuilles de roquette, n'est toutefois pas à la hauteur. Et l'oeuf frit annoncé à l'ardoise a des allures d'oeuf frit froid: aussi peu agréable à déguster qu'à prononcer. Tiède à l'extérieur, sans chaleur à coeur et niché dans une panure qui ne goûte que le gras de friture, cet accompagnement coulant est une victime de la mode. Un simple oeuf cuit dur, ou un peu mollet, serait préférable.

Plats principaux

La cuisson de la morue noire rôtie, avec sa chair qui se détache délicatement en lamelles, est impeccable. On ne peut malheureusement pas en dire autant du risotto à la courge et courgette qui l'entoure. Le «risotto» en question ressemble plutôt à un ragoût où les grains de riz trop cuits et trop rares se perdent dans le bouillon et les légumes. Des rubans de courgette, des pousses, et des graines de citrouille rôties goûtant un peu l'ail brûlé surmontent le tout. Le ragoût de riz et légumes est goûteux et pourrait être intéressant dans un autre contexte, mais la morue noire est un petit luxe (à 34 $, c'était d'ailleurs l'assiette la plus chère ce soir-là) qui mérite un écrin plus élégant.

Le plat de foie de veau fait honneur à l'hiver. Le vert éteint des poireaux n'annonce en rien le printemps, mais leur texture fondante et leur saveur fumée apportent un doux réconfort. La viande disparaît presque sous une avalanche de fines rondelles d'oignons panées. Amusant, mais on en sacrifierait volontiers quelques-unes contre un supplément de pomme de terre fondante. Alliant la tendreté du gratin dauphinois et la gourmandise de la patate brune, ce faire-valoir discret donne envie de réclamer un rappel. Le foie de veau est servi rosé. On aurait aimé qu'il le soit davantage, mais on ne nous a pas demandé notre avis au moment de la commande.

Inégal

Le service est aimable, mais un peu flottant. La base du menu étant assez constante, on s'attendrait à ce que les réponses aux questions viennent plus facilement. Même chose pour le service du vin. Il nous a fallu attendre un bon moment avant qu'on vienne déboucher le blanc pour l'apéro. Quant au rouge du plat principal, on l'a ouvert et laissé sur la table, sans offrir de nous en verser ou de nous amener de nouveaux verres. Le vin ne vient pas de la maison, c'est vrai, mais il n'en fait pas moins partie du plaisir de la table.

Le dessert «chocolat, banane, caramel et noisettes» est une tornade dans une verrine. Hélas pour les accros au cacao, les brownies sont trop sucrés et goûtent le chocolat au lait. Les noisettes nues, les filets de caramel et la crème à la banane offrent une alternance de textures intéressantes, mais l'expérience un peu décadente suggérée par l'énumération n'est pas au rendez-vous.

Le pain perdu et glace à l'érable, en revanche, est une réussite. La tranche poêlée, imprégnée d'un délicieux goût de beurre, repose sur un beau caramel roux et sa croûte bien croquante, presque brûlée, lui donne beaucoup de relief. Épongez un peu de glace à l'érable au passage et vous aurez une bouchée parfaite.

Montréal ne manque pas de restos «apportez votre vin», mais quand on fréquente assidûment cette formule, une nouvelle adresse est toujours bienvenue. Celle-ci aurait cependant besoin de quelques retouches pour devenir une véritable destination. Comme resto de quartier, par contre, ça ne fait pas de doute: le Wellington est un ajout appréciable dans ce secteur en pleine revitalisation.

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Wellington

3629, rue Wellington, Montréal

514 419-1646

restaurantwellington.com

Prix : Entrées entre 9 $ et 16 $, plats entre 19 $ et 34 $, desserts 8 $. Aussi disponibles en formule table d'hôte.

Décor : Épuré. Chaises noires, banquettes foncées, tables blanches sans nappes, photos noir et blanc accrochées aux murs.

Atmosphère : Clientèle de tous âges, grande table pour accueillir un groupe près de la cuisine.

Point positif : Un bistro «apportez votre vin» invitant dans un quartier en pleine revitalisation.

Point négatif : Le service est inégal et certaines assiettes ont besoin d'ajustements.

On y retourne? 
Si on passe dans le coin.