Je ne sais pas vous, mais moi, j'aime la mozzarella.

Sérieux. J'aime ce fromage frais d'un amour inconditionnel.

J'en mangerais 5, 10, 12 fois par semaine, si je m'écoutais.

Que ce soit la version faite de lait de vache servie avec tomates et basilic, le modèle nature au lait de bufflonne, la farcie à la crème - ce fantasme devenu réalité provenant de la région des Pouilles qu'on appelle burrata - avec ou sans sirop de cerise amère comme on la sert parfois à Bari, ou tout simplement le petit bocconcini nappé d'huile d'olive, avec quelques grains de fleur de sel qui craquent sous la dent... La mozzarella me ravit par son côté moelleux, tendre, son goût indéfinissable de terroir dans ses déclinaisons plus corsées, son onctuosité...

Pouvez-vous croire qu'il y a maintenant à Montréal un restaurant qui se spécialise dans ce fromage traditionnel de Campanie?

Le lieu s'appelle Mangiafoco - référence à l'un des personnages du conte Pinocchio dans la version originale de Goldoni -, il est installé rue Saint-Paul Ouest, à côté du bar Le Philémon avec lequel il a un point en commun: le propriétaire Jeff Stinco, oui, oui, le guitariste du groupe Simple Plan.

Le soir où j'y suis allée, le band au complet était d'ailleurs sur place pour célébrer l'anniversaire du batteur, Chuck Comeau. Et même si rien ne garantit qu'on croisera les musiciens en allant manger ou prendre un café digne de ce nom dans cet établissement, je suis convaincue qu'il y a pas mal plus de probabilités de tomber sur l'un d'eux que de faire un face à face avec Robert de Niro chez Nobu ou au Locanda Verde à New York.

Cela dit, ce restaurant est bien plus que l'occasion d'y voir des stars de la musique.

Il y a la mozzarella. Et la pizza. Et plusieurs autres petits plats italiens intéressants. On peut même parler du décor post-industriel signé Bruno Braën (Pullman, Le Saint-Gabriel, etc.), avec murs de brique, ampoules et fines herbes suspendues, et un convoyeur à pizza ajoutant une note ludique et utile pour transporter les plats du four à bois jusqu'à l'avant de la salle.

Côté mozzarella, le choix est vaste et intéressant.

On y propose la fior di latte, cette moelleuse mixture au lait de vache qu'on peut aussi manger en version fumée sur place, ce qui lui permet d'afficher un délicat parfum de torréfaction tout en gardant sa délicatesse. Il y a aussi la burrata - peau de mozzarelle farcie à la crème - et la mozzarella de bufflonne, dont le goût est plus acidulé et plus charpenté que sa cousine au lait traditionnel.

Tous ces fromages, de bonne qualité, importés d'Italie, nous assure-t-on, sont proposés seuls - par portion de 125g ou 250g -, mais on peut les combiner avec différents accompagnements, qui vont de la classique salade tomate-basilic aux artichauts marinés, en passant par la coppa - épaule de porc salée et séchée - et la bresaola, viande de boeuf séchée servie en fines lamelles.

L'idée ici est de rendre hommage au fromage en le laissant d'abord parler de lui-même. Et pour avoir mangé dans des dizaines de restaurants ici et aux États-Unis qui servent de la mozzarella, souvent de qualité ordinaire, sans savoir ce qu'ils font - la plupart du temps en noyant le fromage dans du vinaigre balsamique -, je m'avancerais à dire qu'ici, on le traite comme il faut. Cela dit, je n'ai pas essayé la garniture de pêche truffée. Peut-être de peur, justement, d'entrer sur ce terrain miné.

Mais la mozzarella n'est pas le seul intérêt de ce restaurant. Les boulettes de veau, par exemple, sont particulièrement légères et fondent sous la dent. Les calmars frits sont impeccables dans une pâte légère. Et les pizzas sont réellement bien faites.

La pâte pourrait être un tantinet plus croustillante, mais ce n'est, je crois, qu'une question de perfectionnement de la technique de cuisson dans le four à bois. Car on trouve déjà ce contraste crucial et si agréable du pourtour des pizzas napolitaines qui craquent sous la dent pour ensuite dévoiler une mie légèrement élastique et légèrement sucrée.

Côté garnitures, il faut essayer la classique magherita (sauce tomate, mozzarella fraîche et de bonnes feuilles de basilic). Personnellement, j'ai craqué pour la pizza au jambon et à la roquette, où une abondante verdure déposée à la toute dernière minute donne au plat une belle fraîcheur poivrée.

Seul bémol au repas: les desserts. Ni le tiramisu ni les cannolis ne réussissent à arriver à la cheville des plats salés. On est dans le cliché - le tiramisu est servi dans un pot Mason - sans personnalité particulière, sans complexité dans l'équilibre entre le goût de café et l'acidité du mascarpone. La crème est lourde. Tout tombe à plat, comme pour les cannolis, tubes frits farcis de crème à la ricotta, qui n'ont pas cette friabilité essentielle à leur charme vulnérable et contrasté.

La prochaine fois, on recommandera de la mozzarella... Ça doit se manger pour le dessert, non? Avec du sirop d'érable?

Mangiafoco

105, rue Saint-Paul O.

Montréal

514-419-8380

Prix: mozzarella entre 16$ et 28$... Accompagnements allant de 3$ (artichauts), à 12$ (tranches de truffe noire). Pizzas pour une quinzaine de dollars.

Carte de vins: sélection soignée qui fait une belle place aux vins italiens, prix variés, sommelière disponible pour aider à faire des choix, notamment au verre. Bon café, préparé avec une vraie machine à espresso et de la mouture fraîche.

Bruit: niveau assez élevé et fond musical - pas du Simple Plan - bien présent.

Ambiance: le propriétaire, Jeff Stinco, voulait un endroit très convivial où l'on peut aller manger une pizza en famille ou entre amis. Ce n'est pas un endroit coincé. On s'y sent un peu comme dans un bar.

PLUS: Le joli choix de mozzarella et les pizzas au four à bois. Et le fait que contrairement aux clichés, ce restaurant prend son travail au sérieux.

MOINS: Les desserts sont à retravailler.

On y retourne: oui, surtout que bientôt, ce sera aussi ouvert le midi.