Quand l'auberge Hatley a été détruite par le feu, en 2006, tout le monde s'est demandé ce qui se passerait à North Hatley. L'auberge serait-elle reconstruite ou perdrait-on ce précieux Relais&Château où Jacques Chirac aimait aller en vacances? Où irait travailler son chef, Alain Labrie?

Six ans plus tard, on connaît les réponses. L'auberge n'a pas été rebâtie et ne le sera pas. North Hatley a un autre Relais&Château, le Manoir Hovey. Et Alain Labrie a maintenant son propre restaurant à Sherbrooke, La Table du chef.

Installé dans une ancienne demeure cossue du coeur de la ville avec vue sur le lac des Nations, le restaurant s'articule autour de plusieurs pièces aux murs ocre, éclairées par des lampes de verre coloré. Rien d'à la mode ni de classique. Le style est plutôt passe-partout.

À table, le menu est tout à fait dans le même esprit que ce que le chef Labrie préparait à North Hatley. Foie gras poêlé, vichyssoise... On joue avec des classiques français, on ajoute quelques notes exotiques, on intègre des produits de la région. Le résultat est efficace, mais sans coup de coeur ni éclat. De la cuisine honnête, sérieuse, avec parfois, cependant, quelques faux pas.

Pourquoi, par exemple, ouvrir le menu dégustation avec un carpaccio de tilapia aux ananas mariné au citron? Un poisson d'élevage venu de loin, sans goût, apprêté avec un fruit tropical, alors qu'on est en plein mois d'août et que le Québec est au zénith de sa production agricole. Les marchés débordent de fruits frais. Pourquoi? Ce plat est-il si exquis, avec son huile d'olive à la menthe, qu'il mérite cette anomalie? Non. C'est frais, mais on cherche les combinaisons gagnantes des meilleurs ceviches, où poissons et fruits de mer participent réellement au mariage.

La vichyssoise, accompagnée d'une langoustine, d'huile de homard et d'une salade de fins haricots verts ponctuée de saumon fumé, bien que difficile à manger, est nettement plus complexe et intéressante.

En plat principal, la lasagne au confit de canard, où la viande effilochée est généreusement répartie sous de fins carrés de pâte fraîche, s'avère savoureuse et chaleureuse grâce à une sauce tomate qui intègre beaucoup de jus de canard. Cela lui donne une belle profondeur. On se dit qu'on aura envie de manger de tels plats à l'automne, avec beaucoup de sauce tomate maison.

Ceux qui aiment les plats ultra-simples apprécieront le filet de boeuf Angus aux pleurotes érigés, un classique français parfaitement bien exécuté. Très tendre, la viande se combine élégamment à la sauce aux champignons et au jus de veau. Le lapin de Stanstead profite lui aussi d'une cuisson lente qui le rend presque fondant, et on ne peut qu'apprécier l'accompagnement de chanterelles - champignons que l'on trouve partout dans ce coin de la province.

D'autres plats qui jouent dans des notes forestières, saucières, s'avèrent aussi bien satisfaisants. Des cailles avec purée de céleri-rave aux lardons de M. Théberge, réputé dans la région. Un filet de veau avec sauce au porto. Un foie de canard poêlé au miel et aux fruits secs, un plat honnête, mais peut-être un peu racoleur. On en ressort l'estomac lourd plutôt que souriant.

Au dessert, on retrouve les classiques, comme un fondant au chocolat, qu'on accompagne toutefois d'arachides pour lui donner une petite note personnelle. La crème brûlée, elle, fait plus conformiste. Le dessert le plus intéressant: une composition à base de petits fruits rouges d'été, donc fraises, framboises et compagnie, avec une mousse de fromage de chèvre très frais et un sorbet aux griottes, ces petites cerises acides et bien parfumées. Les éléments se complètent, se relancent, c'est léger et rempli de saveurs. Une belle idée, comme il y en avait plusieurs dans ce repas.

La Table du chef

11, rue Victoria

Sherbrooke

819-562-2258

www.latableduchef.ca



Prix: Le midi, table d'hôte de 14$ à 20$, desserts à 5$. Le soir, menu - entrée et plat - de 37$ à 46$ avec possibilité de supplément pour certaines entrées (au foie gras, par exemple). Menu dégustation à 63$.

Carte de vins: Carte intéressante, longue, très variée, et sommelier attentionné, de bon conseil, qui connaît ses produits et est prêt à faire essayer différents crus au verre. Il y a d'ailleurs des vins au verre choisis pour le menu découverte.

Service: On s'attend à un peu plus de professionnalisme courtois - souplesse, patience - à l'accueil, dans un restaurant de cette catégorie. Mais sur place, les serveurs sont efficaces.

Atmosphère: C'est le grand restaurant chic, pour ne pas dire bourgeois, de Sherbrooke, et beaucoup de groupes s'y retrouvent, les soirs de week-end, pour célébrer des occasions spéciales. On peut aussi y aller le midi et rencontrer les professionnels travaillant à proximité.

Plus: Voilà une des bonnes tables sérieuses de Sherbrooke, une ville qui en compte peu.

Moins: Tout pourrait être un peu mieux. La déco, le service, la cuisine, qui n'est jamais totalement moderne, jamais totalement classique, comme si elle se cherchait.

On y retourne? Le midi peut-être, sur la terrasse.