L'Eau à la bouche ne fait pas partie de ces restaurants luxueux qui nous éblouissent par leur majesté ou par la beauté de leur environnement lorsqu'on arrive. Pour ça, il y a Langdon Hall dans le sud de l'Ontario, ou alors La Pinsonnière ou le Manoir Hovey.

Ici, on est plutôt au bord d'un chemin de campagne, adossé à une colline, et on cherche un peu l'entrée de cette table réputée après avoir garé la voiture dans un grand stationnement asphalté. Le lieu, qui comprend aussi un hôtel et un spa, doit être plus impressionnant l'hiver, quand toute la région se couvre de blanc et devient, le temps d'une saison, comme une carte postale, avec ses maisons douillettes et leurs lumières dorées et flatteuses, invitantes.

L'intérieur du restaurant n'est pas grandiose non plus, mais donne une meilleure idée de ce qui fait le charme de l'établissement. Peintures de fleurs sur les murs, planchers de tuiles de terre cuite, plafonds bas couverts de tissus de style Laura Ashley qui atténuent le bruit. On est dans un petit cocon d'une autre époque aux éclairages tamisés et à l'atmosphère feutrée, celle qui prévalait avant que le minimalisme sur fond écru et acajou et l'enthousiasme pour les décibels ne s'emparent de l'imagination de tant de décorateurs.

Certains, donc, diront que c'est passé. D'autres, au contraire, qu'on est dans un univers vintage qui revient à la mode et qui a, surtout, l'immense qualité d'être authentique.

Côté service, l'accueil frappe par sa gentillesse, mais aussi une très légère désinvolture, puisque la table n'est pas tout à fait prête et qu'il ne semble pas y avoir de salon ou de bar où attendre élégamment.

Dans l'assiette, la cuisine de la chef Anne Desjardins est raffinée, soignée, sans grande surprise créative, mais sans faux pas non plus. On trace la ligne droite et on la suit.

En amuse-bouche, par exemple, on nous sert un petit canapé de foie gras au torchon. Un classique tout simple, mais toujours bon, que l'on décore d'une pensée.

Une première entrée décline le pétoncle princesse, donc tout petit, de quatre façons différentes, dont une tempura sans surprise, mais aussi une version crue à la fraise, amusante, fraîche, et plus originale qu'une autre composition au concassé de poivrons rouges.

L'assiette de tomates s'avère plus surprenante.

On combine en effet une tomate pelée avec une glace très riche au balsamique décorée d'une réduction de vinaigre. L'assiette est complétée par de longues lanières de céleri et des cubes de gelée du même légume. Audacieux, ce plat légèrement maladroit - notamment parce que la glace est trop riche pour accompagner les légumes tout en fraîcheur - n'en demeure pas moins fort intéressant.

En plat principal, l'assiette de joue de veau braisée se démarque, généreuse et impeccable, grâce à une viande savoureuse jamais costaude et à un petit morceau de filet grillé, très tendre. Des pousses de roquette ajoutent une vitalité poivrée, tandis que haricots fins et tomates séchées apportent croquant et légère acidité. Tout a sa place.

Le plat de bar rayé, pour sa part, se compose de poisson, de moules, de palourdes et de bourgots, qui se donnent la réplique sous une «espuma» au thé des bois, à peine mentholée, qui réveille les saveurs maritimes.

Pour terminer le repas, un joli plateau de fromages québécois permet de goûter notamment au Hercule, une pâte cuite de Charlevoix qui est devenue le chouchou de la restauration haut de gamme.

Et le dessert? Le chef l'appelle «bleu lavande», parce qu'il combine la saveur de la lavande, infusée dans une crème brûlée glacée, avec celle du bleuet, qui se glisse dans un sorbet très fin - ce qu'on ne peut pas dire du lourd sablé, un peu dur, qui sert de fondation à la composition.

Une belle idée qui pourrait être mieux réalisée si on se donnait peut-être des exigences un peu plus élevées, là et dans tout le reste du repas, d'ailleurs.

L'Eau à la bouche

3003, boul. Sainte-Adèle

Sainte-Adèle

450-229-2291

www.leaualabouche.com

Prix: Menu sept services avec accord de vins: 160$ par personne. À la carte: entrées de 17$ à 26$, plats de 30$ à 48$. Desserts: de 9$ à 16$. L'établissement compte aussi un bistro, dans un autre immeuble, où on sert des repas à 20$.

Carte de vins: Belle carte très variée, assez classique, mais très internationale. Peu de vins au verre sur la carte officielle, mais il vaut la peine de demander au sommelier ce qui est ouvert.

Style: Restaurant très classique, à l'ancienne, sans cuisine au guéridon ou cloche d'argent, néanmoins traditionnel, avec lumière tamisée et atmosphère feutrée. On n'y découvrira pas les dernières tendances à la mode, mais on s'entend parler!

+ Le caractère authentique des lieux. On n'essaie pas de suivre les modes et on fait bien les choses.

- Un manque de précision dans les détails qui empêche d'être entièrement transporté par le charme de l'expérience, surtout aux prix demandés.

On y retourne: Je ne crois pas.