Quand la personne avec qui je mangeais a demandé au serveur qui était St-Cyr, elle s'attendait à un récit de miracle et de bondieuserie. La réponse l'a fait éclater de rire: «Quoi, une effeuilleuse?»

Nommé en hommage à Lili St-Cyr, cette danseuse américaine qui a fait connaître le burlesque à Montréal dans les années 40, le restaurant installé dans le nouvel immeuble 2-22, angle Saint-Laurent et Sainte-Catherine, n'a pourtant aucunement le ton ou l'atmosphère d'un bar de danseuses ni d'aujourd'hui ni du temps de la fameuse Lili.

Seul le lieu géographique, malgré l'immense processus de transformation qu'il traverse, est incontestablement lié à cette sous-culture de la métropole. Pour le reste, la décoration du nouvel espace est plutôt chic et très actuelle, à des lieues de tout esprit boudoir. Beaucoup de bois chocolat comme le veut la mode, de lignes droites et de jolis cristaux qui pendent du très haut plafond. Aussi, la cave à vin en verre divise le restaurant en deux. Et autant les cabarets laissaient entrer peu de lumière, autant ce restaurant est ouvert avec ses vitrines sur la rue Sainte-Catherine, passante et animée.

Dans l'assiette, il se cherche encore. Beaucoup de plats sortent tout droit de la carte d'un bistro classique, notamment le steak-frites et les hamburgers. D'autres plats s'aventurent sur un terrain plus créatif. Malheureusement, de façon plus ou moins heureuse.

Si les crevettes de roche frites servies avec un aïoli sont sympathiques, croustillantes et joliment présentées dans leur petit panier, l'entrée de pétoncles avec de la pomme tombe à plat, maladroite. Et que dire d'une entrée de fromage de chèvre frais persillé servie avec ce qu'on annonce comme un sorbet à l'huile d'olive et qui goûte en fait la glace à l'ananas et à la noix de coco. Le tout est sucré, balourd, incompréhensible et pas du tout sauvé par la décoration d'huile de persil.

Mêmes types de problème avec l'entrée de maquereau où un poisson plus frais aurait peut-être mieux servi cette recette aux carottes, radis et fenouil relevés au piment d'Espelette et baignant dans une sauce dominée par l'amertume du citron confit. (Et fallait-il mettre l'huile persillée là aussi?)

De façon générale, mieux vaut rester sur les sentiers battus, comme avec un foie gras au torchon et brioche ou un plat de pâtes à la sauce tomates savoureuse bien que légèrement amère. Les frites aussi sont croustillantes, servies bien chaudes.

Et si vous choisissez le plat de poisson - merlu, bar rayé et cardeau au moment de nos visites -, il sera travaillé avec beaucoup d'ingrédients: des haricots verts, du céleri rave, de fines tranches de carottes frites, de la tomate confite ou alors au four, des gousses d'ail encore dans leur peau, de l'aubergine grillée. Et le tout sera peut-être encore décoré d'huile de persil... Beaucoup d'éléments, donc, pleins de saveurs, qui ont généralement un certain plaisir à être ensemble, mais qui se retrouvent dans une certaine confusion, sans jamais parvenir à créer des plats élégants.

Au dessert, la déception continue avec une étrange crème brulée déconstruite, où une très généreuse portion de crème soufflée se retrouve en sandwich entre des tuiles caramélisées. La sphère glacée au chocolat praliné, de son côté, était sans intérêt, sucrée, lourde, sans aucune finesse ni profondeur. Un simple carré de Valrhona ou de Geneviève Grandbois aurait probablement été plus complexe et intéressant et pas mal moins cher. Comme le reste du repas, les desserts ne sont pas à la hauteur des prix demandés (11$ et 12$!) ni des attentes des convives dans une ville où on peut trouver aisément beaucoup mieux.

Malgré le génial succès qu'est la Société des arts technologiques et son FoodLab pas loin, et malgré l'intérêt de la nouvelle vitrine culturelle qu'est l'immeuble du 2-22, où est situé le St-Cyr, certains se sont opposés au projet de retaper le légendaire carrefour Saint-Laurent-Sainte-Catherine. Ces gens qui craignaient que Montréal ne perde un peu de son identité avec la disparition d'un univers de boîtes peut-être «trash» mais rempli d'histoire et de personnalité. Malheureusement, ce restaurant apporte de l'eau au moulin de ceux qui redoutaient une insipide édulcoration.

Le St-Cyr

22, rue Sainte-Catherine E.

Montréal

514 587-6222

www.lestcyr.com

Prix: Entrées entre 12$ et 15$, plats principaux entre 27$ et 32$ et desserts entre 11$ et 12$.

Carte de vins: Carte recherchée et variée mais peu de bouteilles à prix raisonnables et quelques grands crus à plus de 1000$. Étonnant.

Service: Gentil, mais pas aussi professionnel qu'on s'y attendrait vu les prix et l'attitude générale du restaurant. Quand on a de la difficulté à ouvrir la bouteille de vin...

Atmosphère: Le midi, le lieu s'anime avec des convives qui travaillent dans les bureaux des environs. Le soir, certains sont en route ou reviennent d'un spectacle puisqu'on n'est pas loin de la Place des Arts, du Métropolis, du TNM...

Décor: Très élégant. Boiseries sombres et sobres. Cristaux tombant du plafond qui donne un air un peu féérique au lieu. Mur jaune derrière le bar qui donne un petit coup de vitamine.

Joli décor et lieu intéressant proche des salles de spectacle.

Une cuisine maladroite à prix trop élevés.

On y retourne? Non.