Lorsque j'ai déménagé dans mon quartier, il y a de nombreuses années, il y avait pas loin de chez moi un excellent restaurant et une excellente boulangerie. Quelques années plus tard, les deux ont fermé. Je ne m'en suis jamais remise.

Pouvoir acheter des croissants et du pain d'une telle qualité en moins de deux minutes de la maison était un bonheur. Et nul besoin de préciser que ma première soirée sans bébé, c'est dans ce restaurant qu'elle a eu lieu.

Si le restaurant avait été remplacé par une autre table intéressante, je ne serais pas là à me lamenter. Ce qui a rendu ces fermetures d'autant plus regrettables, c'est que l'établissement qui a repris tous les locaux s'est avéré particulièrement décevant. On y offrait une cuisine du sud-ouest des États-Unis sans finesse. Ce restaurant a lui aussi depuis fermé, remplacé par un autre que je n'ai pas eu le courage d'essayer.

C'est à ce fiasco auquel j'ai douloureusement repensé, l'autre soir, en allant essayer un excellent petit restaurant de quartier.

Petite table discrète de Rosemont, installé rue Beaubien, à l'est de Papineau, le Jolifou du chef David Ferguson offre lui aussi une cuisine du sud-ouest des États-Unis depuis ses rénovations et son nouveau départ de l'an dernier. Mais chez lui, c'est bon, c'est frais, c'est bien fait avec des ingrédients naturels. Les vraies saveurs sont au rendez-vous. Et les prix sont raisonnables.

Pourquoi n'est-ce pas plein tous les soirs ?

Mon plat préféré ? Le ceviche de pétoncles, très frais, légèrement sucré, préparé avec du zeste d'orange. Ou alors les tacos au saumon, avec tortilla bien tendre et beaucoup de coriandre.

L'intérêt de ce restaurant réside sans nul doute dans la qualité des produits frais, mais aussi des épices et des sauces, et dans la recherche de combinaisons complexes et équilibrées dans les condiments.

Sur la table, au lieu des traditionnelles sauces piquantes industrielles, on ne propose que du fait maison : un chutney bien relevé appelé « méchante carotte » - excellent avec les beignets de morue salée - ou alors un « ketchipotle ». La marinade traditionnelle au maïs y est en outre préparée avec du maïs grillé, dont les accents fumés se démarquent clairement.

Le pico de gallo, une petite salsa classique avec tomates, oignons et jalapeños, est lui aussi parfaitement équilibré et rustique, dégusté avec des tortillas frites et un peu de guacamole, dont les morceaux d'avocats, encore un peu fermes, tombent sous la dent.

Les classiques mexicains réinterprétés ne sont pas seuls au menu. On peut aussi déguster de la viande, comme un agneau fumé bien fondant enrobé d'un « molle » - mélange d'épices - qui lui donne des airs de fête. On trouve aussi au menu de solides côtes de boeuf ainsi que du poulet de Cornouailles grillé.

Bref, on peut y manger solide, léger, avec des enfants, en tête-à-tête, avec des copains, ou alors seul, puisqu'il y a un bar. Un vrai resto de quartier où l'on a envie de retourner sans façon. Seule déception, les desserts, dont une soupe au chocolat avec des morceaux de pain perdu flottant, très sucrée, d'un style plutôt lourdaud. Idem pour le gâteau au fromage servi dans un verre avec une sauce au caramel.

Jolifou

1840, rue Beaubien Est, Montréal

514-722-2175

Prix: Entrées entre 8 $ et 12 $, à moins de choisir le homard ou le foie gras. Plats principaux entre 14 $ et 26 $, sauf pour la côte de boeuf géante à 42 $.

Carte de vin: La sélection de la maître d'hôtel Hélène Brault est efficace et bien variée et fuit les lieux communs onéreux. Plusieurs vins au verre.

Service: Efficace, courtois.

Style: Restaurant de quartier agréable, où l'on sert une cuisine de type «tex-mex» bien faite, avec des ingrédients de qualité. Le décor, qui a été refait l'an dernier, un peu rustique et rempli de touches rouges, n'est pas hautement design, mais agréable et beaucoup plus cohérent qu'avant.

Faune: Des gens viennent de partout à Montréal pour savourer la cuisine du chef David Ferguson et se mêlent aux gourmands du quartier.

+ Les saveurs franches, des produits frais et des confections maison.

- La séparation du restaurant en deux salles nuit à l'ambiance.