Sacré quartier tout de même, Hochelaga-Maisonneuve! Lieu de rencontre (et juxtaposition) de plusieurs mondes: petits bourgeois dans la trentaine, ouvriers et assistés sociaux qui se croisent et se toisent. En tout cas, les nouveaux commerces qui s'établissent par ici s'adressent davantage aux premiers qu'aux seconds.

Sata sushi, un petit bar à la japonaise et lieu très convivial qui se consacre exclusivement aux sushis, s'est installé dans le quartier il y a cinq ans. Dans un décor simple avec beaucoup de bois, quelques miroirs dans des cadres baroques, on n'y trouve que quelques tables, une banquette et des tabourets, réunis autour d'un vrai bar où l'on peut simplement se faire dire «irrashaimase».

J'aime beaucoup cette adresse, tenue avec souplesse, mais où la nourriture est faite à la minute où vous la commandez et où les compositions, si elles ne sont pas toujours authentiquement nippones (les sushis y sont moins sauvages, moins perturbants), sont néanmoins parfaitement adaptées à nos limites culturelles. Ici donc, pas d'oursin ou de méduse séchée, ni de tentacules de pieuvre bouillis, rien que du saumon, du thon, des pétoncles, mais aussi du crabe et du homard.

Deux femmes itamae (rarissimes en Asie), l'une tatouée de haut en bas, l'autre coréenne, préparent, découpent et assemblent les petites bouchées d'une impeccable fraîcheur dès le moment où vous les commandez. Ce n'est pas surprenant que l'endroit attire des amateurs, sans parler des habitants du quartier qui en commandent pour aller les manger devant le match de hockey. Que vous pouvez voir parfois sur place aussi, comme le soir où nous y étions.

Il y a quelque chose d'important en cuisine: on tâtonne, on a envie, on a de la bonne volonté, mais on craint toujours le bâclé des franchises à sushi qui poussent comme des champignons partout en ville. Et puis, au bout du compte, on est émerveillé et ravi quand on apprend quelque chose de cette cuisine si originale, quand elle sort des sentiers battus. Et les sushis qui sont présentés ici - surtout à la carte, les combos étant surtout destinés aux néophytes - sont exceptionnellement fins et modernes.

Du goût en miniature

Nous commençons avec des sushis «tenus dans la main», les nigiris, coiffés d'un petit pétoncle et garnis de quelques tranches de ciboules, présentés sur une belle assiette blanche. Puis de makis aux asperges et assaisonnés avec un peu de sauce teriyaki. Ensuite, du thon blanc gratiné sur une feuille de soja. Magnifique. Un peu croustillant, étonnant même. Avec ce plat, des algues wakame émincées finement et assaisonnées aux graines de sésame rôties. On continue avec des makis enroulés dans des feuilles d'algues nori, mais farcies de chair de crabe, pétante de fraîcheur, dans lequel on a mis un peu de concombre, de l'avocat, de la mayonnaise épicée et de la noix de coco. Le résultat, encore une fois, détonne avec les lieux communs. C'est si beau, ces miniatures, délicates, subtiles et pourtant tellement goûteuses.

Du reste, vous vous prenez vous-même au jeu des baguettes avec lesquelles vous faites des maelströms de doigté pour tenir ces bouts de riz humide, de chair de poisson et de légumes marinés. C'est un peu comme si on nageait au milieu d'un récif de corail, avec toutes ces couleurs, ces textures. On regarde ces sushis les yeux écarquillés. Puis voici encore des pétoncles, mais avec de la patate douce et de l'avocat, relevés d'une pointe d'épices indéchiffrable. Et du homard frais, moite, qui contraste avec un peu de tempura croquant, du caviar, de la laitue, enroulée dans ces bouchées de riz vinaigré qui sont toutes différentes les unes des autres.

Nous nous régalons et l'itamae nous jette un regard complice derrière son comptoir, fière de nous présenter des sushis qu'elle assemble à mesure qu'on les commande, ce qu'il faudrait toujours faire au fond. Nous terminons sur un B-52, cette version inventée quelque part sur le boulevard Saint-Laurent par un cuisinier particulièrement inspiré, un sushi de saumon grillé, de thon cru, un brin d'épices, des légumes, du teriyaki. C'est tout simplement délicieux!

Nous ne pouvons que soupirer d'aise devant cette maison qui fait preuve d'une petite ambition, assez joliment tournée autour d'une cuisine en minuscule, goûteuse et nord-américanisée, mais faite avec soin et précision.

3349, rue Ontario E., 514-510-7282

Prix: Les combos de 14 à 64 morceaux sont proposés entre 10$ et 48$. Les duos typiques à la carte: entre 3$ et 7$. On peut compter une centaine de dollars avec le saké pour deux, les taxes et le service et une sélection impressionnante de bouchées.

Faune: Imaginez-la un peu jeune, dégingandée, sans postures. Une assez bonne pulsion générale.

Service: Efficace, sympa, comme si on se connaissait bien.

Vin: Courte carte, quelques sakés et bières. Ce qu'il faut.

+ Une salle de bain parmi les plus attrayantes que j'ai vues. On aurait presque envie de s'y installer pour lire un bouquin.

- On ne voit pas les poissons dans le comptoir, opaque, qui sépare les itamae des clients. Bon! C'est vrai que nous ne sommes pas à Tokyo!

On y retourne? Oui, chaque fois qu'on aura une envie de chair marine.