En quittant Le Hangar, nouvel établissement du chef - mais surtout restaurateur - Louis-François Marcotte, je me suis demandé ce qui avait bien pu arriver à sa cuisine depuis l'ouverture, à Verdun au milieu des années 2000, du charmant petit Simpléchic.

En fait-il trop, entre ses trois restaurants, son traiteur, la télé, les livres de cuisine et les mille projets?

Est-ce moi qui suis devenue plus exigeante face à ce style de cuisine «brasserie revisitée», devenu depuis omniprésent à Montréal?

Est-ce que le chef a perdu l'art de s'entourer des bons cuisiniers pour prendre le flambeau là où son horaire hyper chargé l'empêche d'être?

Et puis, après y avoir pensé longuement, j'en suis venue à me poser une autre question: et si cette diminution de la finesse, de l'originalité, de la précision de la cuisine signée Marcotte n'était pas, tout simplement, le reflet de nos attentes?

Après tout, les salles à manger du Local et du Hangar ne sont-elles pas pleines pratiquement tout le temps?

Tous ces tartares de saumon d'élevage, il y a quelqu'un qui les sert, mais il y a aussi bien des gens prêts à en manger...

Et si Marcotte, me suis-je aussi demandé, n'avait pas envie de jouer le jeu de la restauration fine montréalaise? Pas envie de concurrencer ceux qui préparent eux-mêmes leurs charcuteries avec de la viande bio, qui n'achètent que des poissons issus de la pêche durable, qui essaient de renouveler leur menu avec des produits simples réinventés constamment... Et si, dans le fond, l'idée était plutôt d'offrir les environnements cool, animés, où l'on présente simplement une idée bon marché de l'urbanité qui plaît à tous?

Si tel est le plan, alors le Hangar est un succès.

D'abord, le lieu est aéré, lumineux grâce à d'immenses fenêtres. Une section lounge permet de prendre confortablement un verre en fin de journée. Les plafonds sont vertigineux, la décoration minimaliste correspond aux goûts du jour. Bref, le lieu, même s'il n'a pas la gueule du Local, a bien des atouts. Et, en plus, il est situé dans un quartier intrigant, les abords du canal Lachine, l'extrême sud du centre-ville, nouvelle frontière urbaine.

Ajoutez à ça un service accueillant, des prix raisonnables, une carte remplie de plats qui ne feront peur à personne - des huîtres, des tartares, des braisés...

Bref, on se croirait déjà dans ce quartier hybride 450-centre-ville imaginé par les promoteurs du Dix30 pour Griffintown. Avec tomate-mozzarella et pizza en prime.

Détails fâcheux

Pourquoi se compliquer la vie plus que ça, diront les fans?

Pourquoi? Parce que si vous êtes du genre gourmet pointilleux, comme moi, alors là des tas de détails accrochent.

L'entrée de tomate farcie aux anchois et à la ricotta, par exemple, propose une tomate qui n'a ni la fermeté d'une tomate fraîche ni la mollesse sucrée d'une tomate lentement cuite au four à feu très doux. Même si le salé océanique de l'anchois est bien amorti par la ricotta côté farce, et que les noix de pin remplissent avec brio leur rôle croquant, à chaque bouchée mi-cuite, on se demande de quoi avait l'air la tomate au départ.

Même constat pour le tartare de saumon au yuzu et à la sauce soja. Quand on propose un plat visité et revisité tant de fois, on s'attend soit à de l'originalité, soit à la perfection dans la réalisation, ou encore mieux aux deux. Là, on se demandait, à chaque bouchée comme pour la tomate, de quoi avait l'air le produit frais en commençant. Lors d'une autre visite, la version tataki avec salade de fenouil et julienne de radis s'était avérée beaucoup plus fraîche et structurée, notamment grâce à l'acidulé de la vinaigrette au pamplemousse et au contrepoint croustillant des échalotes frites.

En plat principal, encore un problème de finesse et de précision pour un risotto lourd, trop collant - pas du tout all'onda. Oui, le plat était savoureux, bien imbibé de jus de viande, mais quand on sert des gésiers, le risque de perdre toute élégance est grand si le plat manque de délicatesse, de fraîcheur. Et c'est ce qui arrive, malgré la pluie de persil haché un peu partout.

Les pappardelle au lapin? Même côté brouillon. Mêmes pièges qui n'ont pas été évités. La viande n'est pas moelleuse. Les pappardelle ne sont pas assez al dente et on aurait pu utiliser des pâtes de meilleure qualité sachant résister bravement, mais tendrement sous la dent. Les tomates confites réussissent à apporter quelques notes acidulées, mais la composition demeure bancale.

Au dessert, l'impression générale de bâclage continue, avec une tarte aux pacanes au caramel à l'érable balourde, où le caramel goûte la cassonade plus que l'érable...

Sans créma, cette mousse dorée qui doit coiffer tout bon espresso, même le café semblait avoir abandonné toute velléité de perfection, à l'image de tout ce repas aux airs d'exigences minimales.

Le Hangar

1011, rue Wellington, Montréal

514-878-2112

www.resto-lehangar.com

>Prix: Entrées 5$ à 10$, plats 16$ à 46$, desserts 6$ à 8$.

>Carte de vins: Comme au Local, la cave à vin est pilotée par la sommelière Élyse Lambert, qui s'est distinguée dans plusieurs concours internationaux.

>Service: Professionnel et courtois.

>Ambiance: Très animée, l'ambiance ressemble à celle du Local et varie, là aussi, selon qu'on est le midi, avec les gens d'affaires, ou le soir, quand la clientèle formée de professionnels du centre-ville et du Vieux-Montréal rajeunit un peu.

+ Une atmosphère animée, ouverte à tous.

- L'impression qu'on a diminué les exigences en cuisine.

>On y retourne? Pas tout de suite.