Quand j'ai des conversations avec des amateurs de bonne chère sur les meilleurs restaurants à Montréal - et cela m'arrive passablement souvent -, il n'est pas rare que des gens d'affaires m'affirment qu'à leur avis, la meilleure table est celle du Milos.

La qualité des produits importés par le propriétaire, Costas Spiliadis, et le service professionnel sans froideur ont valu à ce restaurant grec de l'avenue du Parc une réputation impeccable. Simplicité, qualité, sobriété...

Ce printemps, M. Spiliadis a décidé d'appliquer cette formule gagnante autrement. À quelques pas de son Milos spécialisé en poissons et fruits de mer à la grecque, il a décidé d'ouvrir une nouvelle enseigne, spécialisée cette fois dans les plats de viande et la cuisine non plus des Cyclades, mais de l'arrière-pays hellénique.

Le nouveau Cava est installé dans une ancienne banque, angle Parc et Saint-Viateur, qui fut brièvement occupé, il y a quelques années, par le Petit Milos, du même propriétaire. Troquet de cuisine grecque familiale et épicerie fine, cet établissement a rapidement été fermé et Cava offre aujourd'hui un concept totalement différent.

Le décor est moins campagnard, beaucoup plus urbain tout en tons de marrons, plutôt masculin. La cuisine est restée au même endroit, mais le plafond vertigineux est revenu en force dans le décor. Et si on y propose des plats cuisinés et des salades façon mezze, ce sont surtout les steaks qui s'imposent comme mets incontournables.

D'ailleurs, impossible en entrant de ne pas remarquer les pièces de viande bio du Kansas en train de vieillir à sec derrière des vitrines au fond du restaurant.

Pour se sentir en Grèce, il faut donc choisir soigneusement ses plats, comme cette entrée de graviera - fromage de brebis crétois - délicatement fondu sur des champignons sautés, accompagnés de nigelle. Un plat simple, mais savoureux et riche qui plaira aux amateurs de poêlées forestières.

Le millefeuille de betterave au fromage de chèvre - une combinaison classique proposée en tranches étagées - ou la salade de chou blanc, avec Stilton, pancetta et agrumes, sont pour leur part pas mal moins grecs voire plutôt tendance urbaine du moment. Qu'importe. Voilà deux plats tout simples, sans originalité débordante, mais bien faits, légers, bien équilibrés, qui se dégustent aisément avant d'entamer le coeur du repas. Le steak.

Car c'est bien cela qui est spécial chez Cava. Le steak. Très persillée, concentrée, tendre, servie en tranche très épaisse cuite précisément tel que demandé, la viande est savoureuse et fond dans la bouche. Même ceux qui ne raffolent pas de boeuf se laissent prendre au jeu et se rappellent, à chaque bouchée, pourquoi la grosse viande rouge saignante compte encore tant d'adeptes.

Le soir où j'y ai goûté, seuls le filet mignon et le bifteck de surlonge étaient au menu. J'ai opté pour le surlonge, que l'on fait griller avec une main experte, accompagné tout simplement de sel, de poivre et de romarin. Le tout arrive en pièce gigantesque (à 47$) qui aurait pu être partagée au moins à deux, surtout que la viande est accompagnée d'une purée de pommes de terre à l'huile d'olive et de quelques asperges (choix surprenant en plein mois de novembre).

À côté d'une assiette aussi carnivore qu'impressionnante, le mijoté d'épaule de veau, malheureusement, a de la difficulté à se démarquer. Pourtant, la viande très tendre s'abandonne sous la dent, entre la tomate fondue, les copeaux de chèvre sec et une bonne dose d'orzo, qui lui donne, notons-le, des airs plus romains que grecs.

Au dessert, on peut opter pour le classique fondant au chocolat fort bien préparé avec un coeur réellement moelleux, qui pourrait avoir des airs de déjà vu si ce n'était de la soignée glace à la cardamome qui l'accompagne. Une combinaison délicate de chaud-froid et d'épices. On peut aussi s'aventurer vers la Grèce en goûtant aux svigous - des beignets - servis avec de la compote de griottes, mais aussi une glace appelée kaimaki et parfumée au mastic. Qu'est-ce que le mastic? La sève d'une plante méditerranéenne vaguement apparentée à celle utilisée pour la fabrication de la térébenthine. Délicieux? Disons qu'on peut classer cette saveur parmi celles qui ne font pas l'unanimité, comme la réglisse noire ou la coriandre. Intéressant? Ça oui. Pas banal. Et rempli d'identité, dans un menu qui, même s'il propose de bons plats, en manque justement un peu.

Cava

5551, avenue du Parc, Montréal 514-273-7772

Prix: Très variés. Par exemple, les entrées vont de 7$ pour une fondue de feta ou 8$ pour un mille-feuille de betterave à 25$ pour une assiette de jambon pata negra.

Carte de vins: Beaucoup de vins français classiques et jolie carte grecque aussi, à prix assez élevés.

Style: Restaurant qui propose officiellement une cuisine de l'arrière-pays grec, mais semble aussi chercher à suivre les tendances du moment avec des plats carrément à la mode, comme une salade betterave-chèvre, des steaks bio du Kansas et un fondant au chocolat. On cherche parfois le fil conducteur. Surtout quand on propose du jambon pata negra totalement espagnol.

Service: Chaleureux et serviable, mais on cherche le professionnalisme du restaurant frère, le Milos, notamment côté sommellerie.

Une huile d'olive de très bonne qualité à table.

Des incohérences au menu, notamment ces «champignons printaniers» servis en automne ou une assiette de «légumes de saison» qui commence par des asperges en plein mois de novembre.

On y retourne? Pas tout de suite.

Avec qui? Un ou une amateur de steak qui aime la classe du Milos.