Depuis l'ouverture du restaurant à la fin des années 80, Laloux a connu bien des hauts et des bas, mais n'a jamais perdu son fil conducteur.

Ce restaurant a brillé, s'est cherché, a tenté des expériences, mais il a surtout su, à travers tout cela, rester un lieu de grande classe. Grâce à son décor indémodable tiré à quatre épingles, grâce à une personnalité et une marque fortes, grâce à des équipes qui prennent la relève quand certains joueurs étoiles ne réussissent pas à remplir leurs promesses.

Au printemps 2009, Laloux a vécu un coup dur avec le départ d'un tandem qui lui seyait à merveille, formé de Marc-André Jetté et Patrice Demers, aujourd'hui sur le point d'ouvrir un autre restaurant, Les 400 Coups, dans le Vieux-Montréal.

Le Laloux a ensuite tenté de se rattraper avec Éric Gonzalez, mais le mariage n'a pas tenu et M. Gonzalez est maintenant bien installé au Saint-Gabriel.

Est arrivé au Laloux au début de l'année le jeune Seth Gabrielse, présenté comme un protégé de Rasha Bassoul, qu'on a adoré au Anise, au début des années 2000.

Gabrielse avait peu d'expérience, mais il s'est lancé. Il est toujours là. Et il est à sa place. Et, en fait, on espère qu'il restera au Laloux un moment. Car s'il est sur la bonne voie, il n'est pas encore tout à fait arrivé là où on aimerait. On sent les maladresses techniques. On s'interroge sur certains mariages qui manquent encore un peu de mise au point. Mais bien encadré par une solide équipe en salle et une pâtissière, Michelle Marek, qu'on voit solidement progresser elle aussi, d'année en année, ce chef pourrait bientôt nous ramener le Laloux qu'on aime avec son décor parfait, sa cuisine impeccable et son accueil de grande classe.

En entrée, par exemple, les crevettes nordiques - choix écologiques, on note - sont servies en verrine, avec une écume verte un peu crémeuse à l'estragon et des chips de topinambour. L'ensemble est joli et léger, on aime le contraste de texture apporté par les croustilles et la rencontre des saveurs maritimes et herbacées. Toutefois, il manque d'entrée de jeu des notes acides, qui n'arrivent qu'avec la salade de pommes et de céleri, une fois qu'on a bien plongé la fourchette sous les crustacés.

Les pétoncles semi-fumés, de leur côté, sont délicats et fondent dans la bouche avec leurs évocations automnales. Une très belle réussite. Par contre, on se perd un peu dans la complexité de l'accompagnement, combinant oeufs de poisson, câpres et salsa à l'ananas. La combinaison marche en bouche, grâce au choc des textures, du salé et du sucré et des pointes acidulées du fruit, mais on a un peu l'impression d'être sur une corde raide et que le moindre déséquilibre dans la construction des bouchées pourrait nous amener là où on ne veut pas.

Mon plat préféré: le flétan aux haricots noirs dont la cuisson aurait pu être plus moelleuse, mais qui formait une union parfaite, à la fois réconfortante et ensoleillée, avec des haricots noirs, une sauce verte à la coriandre et une salade de juliennes d'olives bien piquantes.

Le ris de veau aux raisins rôtis, toutefois, s'est avéré fort décevant, surtout parce que les ris étaient nettement trop cuits et pâteux. Dommage, car voilà une bonne idée de ramener la panzanella (une salade de pain italienne) dans les plats de viande riches, surtout lorsqu'on la réveille par un trait de vinaigre de xérès.

Au dessert, on peut choisir le pot au chocolat, au caramel et au sel de Maldon, une recette maintenant classique laissée au restaurant par le chef Demers. La version reprise par Michelle Marek demeure toujours aussi délicieuse et croquante. Il vaut la peine toutefois d'essayer les autres créations de la pâtissière, comme ce gâteau à l'huile d'olive, juste assez sec mais pas trop, servi avec une exquise crème au romarin et un sorbet à la rhubarbe, qui se déguste comme un après-midi printanier dans la garrigue.

LALOUX

250, av. des Pins Est, Montréal 514-287-9127

www.laloux.com

Prix: Entrées entre 6$ et 17$, plats entre 19$ et 27$. Desserts 8$.

Carte des vins: Carte fort intéressante montée par les sommeliers Francis Archambault et David Vincent, avec beaucoup d'importations privées choisies méticuleusement et souvent à prix raisonnables. Gros plus: une belle liste de vins au verre.

Service: Impeccable et très professionnel, mais sans froideur.

Atmosphère: Le restaurant installé dans un décor de bistro français chic traverse les années avec classe et réussit à rester à jour. On est loin des univesrs «à la mode», mais on n'est pas du tout dans une ambiance poussiéreuse non plus. Pour adultes modernes qui prennent les restaurants au sérieux.

Plus: L'accueil, la qualité des vins et des desserts et ce sentiment que la cuisine veut aller quelque part de frais, d'éthique et de savoureux.

Moins: La cuisine a encore besoin d'être peaufinée.

On y retourne? Oui, mais dans quelques mois.