On en trouve comme ça partout en ville, de ces petites maisons ethniques cachées dans des rues improbables, comme un secret bien gardé. C'est le cas de La rose des sables, cette petite maison tunisienne vraiment sympa. Allez-y tôt en soirée, en semaine, admirez la candeur du lieu. Ici, il n'y a pas de grand chef. Le soir de notre visite, une dame préparait tous les plats qui sortaient de la cuisine. La cuisine ménagère est d'abord et avant tout une affaire de femmes dans la plupart des pays du monde. On aime bien, ça nous rappelle notre mère.

Pas de chef, pas de frime. Ni de faune particulièrement bien mise et qui aime se faire voir. Ce serait même plutôt le contraire. On essaie de se la jouer sobre, il y a comme un petit silence qui s'élève audessus de la musique. Ce troquet bien mignon et agréable est installé rue Beaubien, au milieu de nulle part. Et c'est tant mieux. Il faut même faire attention, on risque de passer devant sans le voir tellement sa façade est austère.

Or, à l'intérieur, il y a tout ce qui évoque les vacances en Tunisie : des plafonds et des murs couverts de tissus polychromes, des lampes orientales en verre coloré, des cages d'oiseaux vernissées, des appliques en peaux de mouton séchées et des éléments de décoration qui imitent les fenêtres des maisons de Sidi Bou Saïd. L'effet est à la fois exotique et encombré, mais on le préfère largement aux ambiances japonisantes qui nous donnent chaque fois un frisson (de froid).

Une cuisine bien parfumée

À la carte, c'est encore et toujours le grand débordement de la cuisine maghrébine, parfumée, savoureuse, colorée.

La tunisienne se distinguant sensiblement de la marocaine et de l'Algérienne, malgré des lieux communs comme le couscous. Du reste, c'est peut-être ici le plat le moins original de la carte même s'il est bien fait et très goûteux. Le bouillon manquait un peu de sel cependant, il était assez peu relevé pour ce que l'on attend de cette cuisine, habituellement plus pimentée que ses voisines. Cela dit, la semoule était aérienne, l'agneau bien braisé et fondant, montrant un assaisonnement appuyé. Une fois le liquide absorbé par la semoule, on avale tout cela avec une certaine grâce.

Chaque jour, la maison propose des plats différents qui s'accompagnent de salade, de brick (le beignet farci craquant dans tous les sens du terme, de la cuisine tunisienne), d'un dessert et de thé à la menthe, qu'on ne sert pas comme c'est la coutume, avec des noix de pins. Dommage pour ce petit détail. Mais les plats sortent vraiment de l'ordinaire, ils sont presque baroques tant ils sont riches en sauce, aromates, épices et légumes. C'est un pur plaisir de les découvrir, surtout que l'on connaît assez peu ces spécialités. Par exemple, le Jelbana à l'agneau, est en fait une sorte de ragoût aux petits pois, relevé de curcuma, de harissa, et parfois d'artichauts.

C'est le genre de plat dans lequel on est encouragé à tremper son pain (délicieux du reste et sans doute cuit dans les boulangeries nord-africaines des alentours). L'assiette est copieuse, la viande fondante et un peu grasse, mais nous n'en laissons qu'un fragment tellement c'est bon. Ça, c'est pour le vendredi.

À chaque jour, son menu

Les samedis, on propose la Mermez, une autre sorte de ragoût d'agneau, celui-ci cuisiné avec des poivrons rouges, des tomates et des pois chiches. Encore là, les aromates prédominent, du carvi surtout avec ces notes un peu âcres et anisées, mais aussi l'ail et la coriandre.

Chaque jour, on présenteune variété différente de ce genre de fricassée à cuisson lente, idéale avec le pain détrempé. La salade qui précède le plat est un mélange méditerranéen de tomates mûres, de concombre, de poivrons et d'oignons, simplement nappé d'huile d'olive. Puis viennent les soupes.

La chorba rappelle un peu la harira marocaine, en plus relevée. On s'en ferait bien un petit lunch, tellement c'est sain, simple et parfumé. En finale, des dattes fourrées ou des petits gâteaux à la semoule et au miel, irrésistiblement kitsch et affriolants.

En un mot, voici une petite table convaincante et épatante, à l'écart des modes et du temps, juste un lieu de rencontre parfaitement adapté au quartier.

La Rose des sables

1815, rue Beaubien Est, Montréal

514-593-6655

> Prix : les entrées entre 4$et 8$, les plats du jour en formule de trois services à partir de 25$. Comptez environ 60$ tout compris pour deux, taxes et service compris.

> Faune: Faut s'y attendre, c'est la faune du quartier. En jeans, t-shirt, en famille, en tête à tête, parfois des regards amoureux, mais la plupart du temps, des regards sur les tables des voisins avec même des conversations.

> Service : Fait avec gentillesse et enthousiasme, même si c'est parfois un peu lent.

> Vin: On l'apporte! C'est pas beau ça?

+ L'originalité, le soin et la belle allure de tous les plats qui sortent de cette cuisine.

- Si vous arrivez tard, il risque de ne plus y avoir de brick à l'oeuf et franchement, c'est l'une des principales raisons d'aller manger chez le Tunisien.

> On y retourne? Oui! Sans hésitation.