On aurait dit qu'il faisait 50 degrés Celcius à Montréal la dernière fois où je suis allée chez Kazu, ce nouveau petit pub japonais, ou izakaya, rue Sainte-Catherine Ouest. Et comme les lieux ne sont pas exactement climatisés comme un spa des Cours Mont-Royal et qu'en plus, la fumée de la cuisine ouverte, mal évacuée, remplissait l'air et faisait presque mal aux yeux de ceux assis au bar, je pensais être capable d'endurer le tout cinq minutes pas plus.

J'en suis ressortie une heure plus tard, ayant tout oublié de ces désagréments, encore et toujours ravie par la cuisine costaude et originale servie par ce miniature troquet.

Si vous ne savez pas où est Kazu, dans le nouveau Quartier chinois du centre-ville (autour de l'Université Concordia), la recette est simple: cherchez la file d'attente remplie de hipsters, d'étudiants, de voyageurs nostalgiques revenus du Japon, de serveurs des autres restos sérieux de Montréal et de mères de famille en goguette (plus rares). À l'angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Marc, la foule sera là, à attendre une place, tous les midis, tous les soirs où le restaurant est ouvert.

Ouvert depuis environ six mois, Kazu a en effet déjà une clientèle fidèle et enthousiaste qui l'a découvert, notamment, grâce aux sites de dépisteurs de bouibouis, comme chowhound.com, qui en vantent les vertus depuis les premiers jours. C'est un resto qui ne paie pas de mine, est minuscule, n'a aucun décor étudié, mais surprend par la qualité de sa cuisine, la chaleur souriante de l'accueil et l'originalité du concept.

Pour vivre l'expérience, on s'assoit au bar. Le midi, la formule est simple. Trois plats sont au menu et changent chaque jour. La nourriture est servie dans de grands bols blancs, simplement. Parfois, un oeuf flotte dans le ramen, fait de riche bouillon, de porc effiloché et de nouilles qui glissent doucement dans la bouche, douces et savoureuses. Un autre jour, un plat végétarien propose tofu et feuilles de chou asiatique, sur du riz chaud, avec une sauce aigre-douce qui lie les textures et températures contrastées, tandis qu'un «porc 48 heures», braisé longtemps comme son nom l'indique, s'abandonne avec ses parfums de soja et de mirin.

Le soir, le menu est plus long, mais on le découvre surtout sur des feuilles de papier, collées un peu partout au mur.

On trouve alors des giozas au poireau, dumplings sautés à la poêle, cette fois dotés d'une légère amertume qui les démarque des lieux communs. Ou alors, on opte pour la galette à la crevette, servie sur un bun moelleux avec une sauce qui joue des airs épicés sur fond salé, sucré, acide mais surtout joyeux, tandis que chaque bouchée est éclairée par de la salade hachée, craquante, fraîche... Option plus légère: une salade de thon et de saumon crus, que l'on mélange vigoureusement avec du riz, de la laitue, des marinades kimchi et une vinaigrette, pour créer une composition variée remplie de rebondissements inattendus autant côté goûts que textures.

La tradition, dans un izakaya, est de manger des petits plats - savoureuses brochettes, edamame, burgers de poulet, etc., chez Kazu on sert même ce controversé nato fermenté - en buvant. Ainsi, différentes bières japonaises (Kirin, Sapporo, Asahi) sont offertes, dont certaines en version pression. On peut aussi choisir du saké ou alors des boissons typiquement japonaises comme le Calpico, notamment, cette surprenante rencontre entre l'eau pétillante et le yaourt...

On est au Japon, chez Kazu, mais pas le Japon cliché des sushis et du teriyaki. On est chez des Japonais - le propriétaire et chef arrive presque directement du Japon, il s'est juste arrêté quelque temps pour travailler dans les cuisines du Toqué! avant d'ouvrir son restaurant - qui veulent de toute évidence nous faire découvrir un côté plus rustique, plus chaleureux, plus accessible de leur pays que les images léchées que l'on connaît.

Et ça marche.

Kazu

1862, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal

514-937-2333

Prix: La formule du midi - plat et soupe ou minisalade - coûte une quinzaine de dollars par personne. Le soir, on compte un peu plus, soit une vingtaine de dollars par personne, avant alcool. Comme avec les tapas, on choisit des plats à partager.

Carte de vins: On opte pour la bière japonaise, le saké ou le soju - sorte de vodka nippone - ou alors on se laisse tenter par des boissons et cocktails, alcoolisés ou non, parfois baroques, généralement dépaysants, qui ont l'air sortis tout droit d'Harajuku ou de Shibuya.

Style: Ancien bar traditionnel pas particulièrement chic transformé en izakaya japonaise, où le propriétaire et sa femme nous accueillent chaleureusement - en japonais - pour nous servir une cuisine nippone beaucoup plus rustique et costaude que les omniprésents sushis dont on commence à se lasser.

Plus: Les saveurs variées des plats, les textures inattendues, l'impression d'être en voyage et la gentillesse de toute l'équipe.

Moins: Un grand problème d'évacuation d'air dans la cuisine ouverte, ce qui fait qu'on respire pas mal d'odeurs de cuisson. Dommage, car les places les plus amusantes sont au bar, où on voit les cuisiniers travailler (fort!).

On y retourne? Absolument.