La première fois que j'ai mangé la cuisine de David Biron, au défunt Duel, j'ai été charmée par ses airs asiatiques. Placé en compétition devant son comparse Laurent Godbout, il devait alors préparer des petits plats sur un thème précis, comme le font les chefs dans les concours télévisés. Et les convives du restaurant de la rue Amherst devaient voter pour déterminer le gagnant à chaque plat.

Je me rappelle une soirée sympathique, où les accents d'agrume de la cuisine du chef de Québec, venu du Yuzu, complétaient bien les plats plus français du chef Godbout. Je crois, d'ailleurs, que M. Biron avait gagné la compétition à plusieurs services.

 

Depuis, Duel, victime d'un incendie, a fermé. Et a ouvert au même endroit, au début de l'année, un restaurant appelé Biron où seul David est aux cuisines. Toutefois, dans ce nouvel établissement, exit la finesse fraîche et allumée que j'avais associée à ce chef au temps de l'ancien concept. Place, plutôt, à une cuisine beaucoup plus lourde où l'on cherche, en vain, précision et équilibre.

Le lieu, pourtant, est tout à fait agréable. On a gardé certains éléments de l'ancien restaurant, comme la longue table avec, à chaque place, une vitrine ronde où quelques légumes font office d'oeuvre décorative. Très blanc, très frais, l'aménagement est moderne sans être victime de la mode. On s'y sent bien.

Le service, ensuite, est courtois et plein d'attentions, généreux, et côté ambiance aussi, ce resto est sympathique. Le soir où nous y étions, c'était plein et vivant.

Bref, à première vue, tout est là pour qu'on ait envie d'y retourner.

Puis arrivent les plats.

D'abord, on nous offre en amuse-bouche une mousse de tofu très verte, au basilic thaï, à la coriandre et à la sauce ponzu. C'est joli, c'est frais, mais cette trempette légère n'a pas assez de liant ni assez de profondeur pour compléter agréablement les petits pains de riz vapeur, très basiques, que l'on doit y plonger. On se rabat sur la sauce à base de mirin, d'huile de sésame et de grains de sésame grillés, qui, elle, savoureuse et riche, se prête mieux au jeu.

Ensuite, dans la première entrée, les morceaux d'escolar cru disparaissent dans une riche purée de poireau où le seul goût qui se distingue est celui de la moutarde, alors que, pourtant, le serveur nous avait annoncé une très longue liste d'ingrédients. Le poisson blanc et gras aurait besoin d'un contrepoint acide introuvable. La brouillade à l'huile de truffe, déposée sur le tout, fait partir l'assiette dans une autre direction, plus française, mais contribue à arrondir pour ne pas dire amortir encore plus l'ensemble alors qu'on cherche des angles droits.

Le plat de langue de boeuf de Kobe, servi avec des calamars sautés à l'ail, sur une purée de patates douces, le tout saupoudré de chapelure japonaise, était un peu plus précis, bien que lui aussi lourd, riche et copieux pour une entrée. Plutôt que de rebondir entre les papilles, par sa complexité et le nombre de saveurs mises en cause, chaque bouchée s'écrase, mollement.

Le premier plat principal avait été recommandé par le serveur: une «pizza sushi» faite d'une galette de riz déposée sur du nori, puis frite en tempura, sur laquelle sont déposés saumon cru, crabe, oeufs de saumon, etc. Le tout est arrosé de mayonnaise au wasabi et saupoudré de tobiko (minuscules oeufs de poissons volants).

Autant du point de vue technique - lourdeur et inélégance de la galette de riz frit notamment - que du point de vue de l'équilibre des saveurs et des textures, l'assiette ressemblait à un exercice plutôt qu'à un produit fini, croulant sous une montagne de poisson cru un peu abandonné à lui-même. Quand on se rabat sur chaque petite feuille de roquette parsemée autour d'un plat pour trouver un peu de verdure et de légèreté fraîche, c'est qu'il y a un problème de charpente sérieux.

Constatant mon désarroi, le serveur a gentiment proposé de m'apporter un autre plat, un flétan nettement plus heureux grâce à la cuisson impeccable du poisson et à la présence de légumes venant, enfin, apporter un peu d'espace pour respirer. Bons points pour les tomates cerises marinées dans le saké, les asperges et les haricots grillés.

Toutefois, que dire du plat de pétoncles (cuits tout à fait correctement) à la mousse de bacon (lourde et trop salée) avec mousse de pomme de terre au yuzu et épinards frits? Que là encore, le gras et le sel ont pris le dessus sans que la moindre acidité ne parvienne à ponctuer la démarche.

Et même si j'ai entendu le mot yuzu prononcé dans la présentation de pratiquement chaque plat, je n'ai pas réussi à le goûter une seule fois.

Au dessert, la poutine asiatique revient sur un thème connu: la déconstruction et la réinvention d'un plat de la cuisine ménagère. Cette fois, les frites sont des bâtonnets d'ananas cuits façon tempura, servis avec des cubes de gâteau au fromage et un caramel au... yuzu. Mis à part le fait que ce type de déconstruction commence à avoir été vu et revu, le concept pourrait être délicieux si la tempura était réellement légère et croustillante. La même chose pourrait être dite de la tarte au caramel, bonne idée sur papier mais lourde (la croûte) et inélégante (avec son caramel très collant et épais) en réalité.

 

Biron

1429, rue Amherst , Montréal, 514-528-1429

www.restaurantbiron.com

Prix: Entrées entre 7$ et 14$, plats entre 18$ et 32$. Formule à 45$ incluant un verre de vin.

Carte de vins: Jolie carte avec quelques choix au verre. Côté service, toutefois, les plus exigeants pourraient être déçus.

Service: Accueillant, courtois et efficace. Une faiblesse en sommellerie.

Décor: Beaucoup de blanc. Moderne et frais.

Genre: Restaurant allumé servant une cuisine fusion se voulant d'inspiration asiatique.

+ L'ambiance vivante des soirs de week-end.

- Une cuisine maladroite qui se donne des objectifs complexes et ne les atteint pas.

On y retourne? Seulement si le chef décide de faire un virage radical en direction du minimalisme, de l'épuration, de la simplicité, après avoir refait quelques devoirs techniques.