La première fois que j'ai mangé la cuisine d'Alexandre Gosselin, c'était il y a cinq ans, chez Ô Chalet, sur le boulevard René-Lévesque, en face de Radio-Canada. On était encore dans les premiers pas de cette tendance néo-rustique qui s'est depuis largement imposée sur la restauration montréalaise et qui consiste à réinventer des plats nord-américains typiques avec finesse et bons ingrédients.

Dans un décor brun et orange, très sous-sol, Gosselin, dans la jeune vingtaine, s'était tout de suite démarqué, même parmi les grands, avec des escargots remis au goût du jour, très post-années 70, des plats ponctués au lard, du pouding-chômeur renouvelé. Charmée, l'équipe des pages gourmandes de La Presse lui avait alors demandé de nous parler de pâté chinois réinventé, ce qu'il avait fait en nous livrant une recette combinant maïs, canard et purée de céleri-rave. On ne l'a jamais oublié. Nous voilà en 2010 et Gosselin n'a pas arrêté. Après Ô Chalet, on l'a retrouvé chez Simpléchic à Verdun, puis au Local. Plus récemment, il s'est posé chez Bar & Boeuf, dans le Vieux-Montréal, où il s'est associé à deux autres jeunes entrepreneurs de la restauration, un sommelier et un maître d'hôtel, pour ouvrir un restaurant où l'on « sort » mais où la cuisine demeure créative et d'une grande finesse. C'est cette même équipe qui vient d'ouvrir BBQ, dans la rue Saint-Paul, une autre destination combinant bonne cuisine et long menu de cocktails, pour soirées allumées et élégamment arrosées.

Cocktails et steak-frites

Murs de briques, banquettes rouges, cuisine ouverte... Le décor de BBQ ne surprend ni ne gêne. On est loin de la créativité du décor d'Ô Chalet, mais on n'est pas non plus dans le bon marché déprimant.

Le premier signe montrant qu'on est dans un lieu pas comme les autres est le menu de cocktails. Gin-coriandre, Nesquick... Si vous voulez éviter la banalité côté 5 à 7, vous êtes sur une bonne piste.

Au menu nourriture, l'originalité n'est pas aussi flagrante sur papier, mais dans l'assiette, on retrouve la touche Gosselin. Une assiette tomate-mozzarelle, par exemple, se transforme en salade de petites tomates sucrées, toutes de couleurs et de formats différents, accompagnées de grains d'edamame craquants et coiffées d'une mousse-écume à la mozzarelle, légère et amplement infusée de basilic. Frais et chouette.

Aussi, une salade au bleu et aux noix impose une personnalité distincte avec des cubes de pain brioché, des morceaux de maquereau fumé et des copeaux de pancetta croustillants. On ne réinvente pas la roue mais on la repeint avec de nouvelles tonalités.

Pour le plat principal, comme on est dans un BBQ, on choisit le hamburger, qui arrive repensé avec de la chair de côtes levées de porc, effilochée et pannée. Le résultat est à la fois goûteux, fondant comme peut l'être la viande de côte levée, légèrement craquant. La garniture de salade de chou et de carottes râpées ajoute une certaine fraîcheur. La sauce barbecue maison a un peu de mordant. Est-ce nécessaire d'avoir en plus de la roquette et du fromage?

Autre classique : l'établissement propose toutes sortes de steak-frites, essayé en version onglet. Cuisson comme on l'avait demandée. Qualité formidable (la viande provient de la ferme Eumatimi, près de Drummondville, où les bêtes sont élevées à petite échelle, sans hormone). Seul bémol, des frites maison très charnues et donc pas très croustillantes. Mais peut-être est-ce uniquement une question de goût.

Autre problème, celui-ci impardonnable : des feuilles de laitue flétries dans le mesclun qui accompagne le plat. Dommage, car la vinaigrette à la sauce soja donne à la verdure une robustesse en bouche qui se marie bien avec la viande.

Au dessert, la recherche d'originalité se poursuit avec un dessert alliant mousse au chocolat, croquant au noisette et glace au Bailey's. Est-ce utile de signaler une certaine lourdeur dans la crème au chocolat ? Peut-être pas : il n'en est pas resté une seule bouchée.

BBQ

372 St-Paul Ouest, Montréal 

514-284-0444