Si vous faites partie des très nombreux gourmands déçus de ne pas avoir réussi à obtenir une réservation à l'ultra-populaire cabane à sucre du Pied de cochon, une autre possibilité s'offre à vous : La Cabane, dans le Vieux-Port de Montréal.

Elle aussi est tout à fait temporaire. Là aussi, le menu a été concocté par un jeune chef dynamique, Danny St-Pierre, voué à redonner à l'expérience des sucres ses lettres non pas de noblesse, mais de réelle gourmandise. Sauf que là, il y a encore de la place, surtout le jour, pendant le week-end (c'est ouvert jusqu'au 11 avril seulement). Et comme cette cabane est installée dans le Vieux-Port, dans un immense hangar aménagé pour l'occasion, on peut y aller à pied ou en métro. C'est plus facile, quand on prend un verre de vin, que de revenir de Saint-Benoît-de-Mirabel.Évidemment, l'expérience n'est pas la même. À La Cabane, on est en ville. Et le chef, malheureusement, n'est pas toujours sur place. Il veille sur son restaurant à Sherbrooke, Auguste, et est plus un conseiller au menu qu'un cuisinier sur place qui inspire les troupes. Mais le repas n'en est pas moins fort réussi.

Dès que l'on arrive dans l'enceinte, on constate comment on l'a rendue chaleureuse avec des tables en troncs tranchés et, sur les murs, des panaches de cervidés et des photos de paysages campagnards, hivernaux... Des images vintage de cabanes à sucre sont aussi projetées sur un écran en peau suspendu.

Premier plat : on nous apporte une assiette de cretons de canard au foie gras, des tartelettes au boudin et au ketchup aux fruits et des légumes dans le vinaigre. Les oreilles de Christ, ces croustilles de lard, arrivent aussi d'entrée de jeu. Pour créer un équilibre avec le gras très salé, on les trempe dans une mousse de betterave. Une jolie combinaison.

Ce premier plat donne le ton : on reste près des classiques, mais on réinvente, on raffine, on cuisine avec de bons produits.

Même le beurre est adouci avec des morceaux de sucre d'érable. On rêve d'en apporter à la maison pour en mettre sur du pain grillé le matin.

Le second plat est spectaculaire et nous parvient en deux temps. D'abord, on apporte une assiette creuse remplie de viande de flanc de porc effilochée, de tomates fraîches, de persil très vert et de cubes de fromage cheddar bien vieilli. Ensuite arrive un pichet de velouté aux pois secs, portant avec lui les parfums traditionnels de lard fumé. On verse le potage très chaud sur le contenu de l'assiette. Le fromage ramollit. Les autres saveurs s'enrichissent mutuellement. Tradition et modernité se rencontrent dans notre bouche. Une belle idée.

Le plat principal est une «cassolée», une sorte de cassoulet à la québécoise avec des saucisses, des haricots, des pilons de poulet cuits très doucement et des morceaux de flanc de porc frits et croustillants. Riches, ils craquent et fondent en bouche, en même temps. Un des grands moments du repas. À côté, des croûtons garnis d'un effiloché de maquereau fumé à l'érable et d'oeufs mollets - qui pourraient l'être plus - et de la salade de céleri-rave aux pommes ajoutent un contrepoids plus léger et frais.

Pour terminer le repas, rendu là bien copieux, on apporte une assiette de dessert combinant trois éléments : la maintenant classique barbe à papa au sucre d'érable (mangée pour la première fois, il y a plusieurs années, chez le chef Daniel Vézina), un grand-père au sirop, sorte de beignet sphérique imbibé de sirop d'érable, et enfin un verre de granité à la pomme sur laquelle on a versé de la tire d'érable. Eh oui ! Le jeu de la tire se fait dans l'assiette et la neige a du goût, celui, légèrement acide et parfumé, de la pomme. Là encore, une création intéressante et rafraîchissante du chef St-Pierre.

Évidemment, comme il se doit à la cabane à sucre, on en sort repu. Le soir, il y a de la musique et un coin lounge pour relaxer et peut-être même prendre un cocktail appelé Jack Rabbit ou mojito à l'érable. Le jour, on y va avec les enfants.

Et pour la balade tirée par des chevaux, on n'a pas à aller bien loin. Le Vieux-Montréal a toutes les calèches qu'il faut pour ça.

La Cabane

Vieux-Port de Montréal, Quai Jacques-Cartier (juste au pied de la place du même nom)

514-914-9661, www.lacabane.ca

Prix : 50 $ par adulte, 15 $ par enfant, avant taxes et service.

Carte des vins : carte de cocktails à l'érable, une dizaine de vins, de 25 $ à 80 $ (un château La Cabanne Pomerol).

Concept : Le traiteur Agnus Dei cuisine le menu de cabane à sucre moderne et urbain conçu par le chef Danny St-Pierre.

Ambiance : Le midi de week-end où nous y sommes allés, c'était très calme, parfait pour débarquer en famille. Le soir, la salle se remplit et l'atmosphère devient plus resto-lounge avec ton musical allumé.

Service : Gentil et courtois, mais on ne sent pas beaucoup l'amour de la cuisine dans l'attitude des serveurs.

Décor : Très réussi. On a transformé avec succès une immense salle en cabane à sucre élégante grâce à des photos, à de jolies tables de bois aux airs rustiques, à des projections et à quelques panaches qui, là, sont justifiés.

Une cuisine vraiment créative et juste. Beaucoup de belles idées.

On aimerait que le chef soit sur place ou que les serveurs soient plus proches de la nourriture, plus investis, et avoir moins l'impression d'être chez un traiteur qui travaille de façon téléguidée.

On y retourne ? Sûrement.

C'est une très bonne nouvelle que la cabane à sucre sorte enfin du carcan commercial et médiocre dans lequel elle s'était enlisée.