C'est pour rompre la monotonie que les wine bars ont vu le jour aux États-Unis et au Canada. Au Québec, il y a bien eu quelques essais, quelques improvisations sur le thème, quelques copies du concept, mais peu ont survécu.

Ça risque de changer avec ce petit bistro chic du Plateau, bien nommé Les Cavistes. Les patrons semblent bien connaître le vin. Ils l'importent eux-mêmes et ne l'emprisonnent pas dans cette tour d'ivoire pour initiés que semblent devenus la plupart des restos chic de la ville. Avouons que c'est intimidant, ce vocabulaire érudit, ces jolies métaphores qui sortent de la bouche des sommeliers. Il y a de quoi paniquer.

 

Les Cavistes réagissent, proposent, vous font tester quelques vins avant que vous ne choisissiez. Ils commentent avec aisance ce qui devrait être et rester simple: le plaisir de boire du vin en mangeant.

Côté menu, les plats semblent d'une simplicité biblique dans les appellations: jarret, joue et macreuse sous la rubrique braisés, et le reste dans un répertoire bel et bien français avec quelques notes ici et là qui pourraient être québécoises, surtout à cause des produits et des intitulés.

En général, il s'agit d'une cuisine robuste, vitaminée. Plusieurs grillades, du poulet, des plats qui vont bien au vin en somme. Cette cuisine est aussi très bien faite dans un registre plutôt classique qui ne réinvente pas le genre, mais ce n'est pas son but.

On le voit tout de suite avec des entrées aussi rassurantes que ces pétoncles U10, dont la cuisson est parfaitement maîtrisée; on les sert avec des asperges à peine cuites (en décembre, c'est tout de même intrigant), dont le parfum est un complément idéal à la chair doucereuse des mollusques. La pieuvre a vilaine réputation, mais on doit la maltraiter convenablement pour qu'elle se fasse aimer. Il en va de ce genre de mollusque comme de certains humains.

Entre la mer et la terre, il y a réellement comme un continuum. La chair de la pieuvre tranchée est remarquablement tendre et floconneuse, cuite à la braise; un rien l'habille. On l'a travaillée avec une pointe d'acidité qui ne nuit pas au petit vin blanc qu'on nous recommande pour l'accompagner. Pas besoin de réfléchir, ça se mange sans effort.

Nous sommes donc confiants et nous n'hésitons pas un instant à choisir une bavette de bison et de la joue de porc braisée. Les présentations sont léchées, avec les petits traits de sauces réglementaires ces jours-ci, une purée de courge ici, un trait de caramel de balsamique par là, et des légumes tendance afin de soutenir toute cette protéine bien riche, des topinambours pour le bison, des rattes dorées et des betteraves jaunes pour la joue. Les deux pièces de viande sont nappées de sauces denses et courtes, vineuses, aromatiques et totalement jouissives.

Seule ombre au tableau, la bavette, demandée rosée, arrive sanguinolente et repart illico pour un traitement différé. C'est sans doute à cause des partys de bureau... Ils vous remplissent un resto et vous saturent le service. Ça ne durera pas, faites-moi confiance.

Nous n'avons pas été impressionnés par les desserts trop riches, trop sucrés, trop crémeux, un brin arrivistes comme cette «guedille» (sic) à la crème glacée. Et ce tempura de chocolat trop «fashion», et surtout trop gras, pour présenter un réel intérêt gastronomique.

Pourquoi accentuer une carte d'inspiration classique et s'égarer dans des choses saugrenues? En revanche, nous avons été impressionnés par la qualité générale, le lieu, les patrons, le concept complètement nouveau. Ce resto a tout pour devenir le chouchou de l'année!

Surveillez-le bien.

 

LES CAVISTES

4115, rue Saint-Denis

514-903-5089

- Prix : Les plats vont de 18$ à 30$ ; les entrées coûtent autour de 12 $, les desserts de 6$ à 8$. Bref, c'est une bonne affaire si on ne se laisse pas trop tenter par les petits crus venus de partout. Sinon, comptez environ

150$ pour deux, taxes et service compris, si vous n'exagérez pas.

- Faune : Vous l'imaginez en pleine forme, fringante, hyperactive. Elle est chez elle, décontractée, elle parle haut et fort et porte même des paillettes. Il y a même quelques têtes connues au beau milieu.

- Genre : Bistro chic, sympa.

- Décor : Très tendance, dépouillé et bien éclairé, avec beaucoup de bois sur les murs et de grandes tables et banquettes. Tabourets le long du bar. Jolies salles de bains !

- Service : Courtois, efficace malgré la cohue, et bavardant de tout et de rien (mais surtout de vin) avec une bonhomie toute montréalaise.

- Vin : Excellente carte qui, tel le menu, change régulièrement. Le soir où nous y étions, il y avait peu de blancs (7), un champagne (proposé à 33$ la demi-bouteille) et 35 rouges (allant de 18$ à 83$).

Les vins achetés sur place sont tarifés AVANT taxes, ce qui fausse un peu la donne étant donné l'habitude de la SAQ de les vendre à un prix incluant déjà les taxes.

La boutique attenante au resto propose des plats pour emporter et des vins de plusieurs pays, introuvables ailleurs et proposés à tous les prix.

On y retourne? Oui, sans doute. Ne serait-ce que parce que cet endroit est tout à fait le seul du genre en ville.

Par la qualité générale, le lieu, les patrons, le concept complètement nouveau. Ce resto a tout pour devenir le chouchou de l'année! Surveillez-le bien.