Nous aimons beaucoup les petites tables de quartier. Excentrées, souvent négligées, elles devraient pourtant être le baromètre gastronomique d'une ville. En Europe et, dans une moindre mesure, dans des villes comme Los Angeles, New York ou même Québec, elles le sont presque toujours. À Montréal, elles devraient faire preuve d'une rigueur absolue et d'un soin de tous les instants si elles veulent survivre. On ne peut pas exploiter un resto de quartier inopinément à Montréal.

Le Vespa incarne bien l'esprit de ces bistros populaires: sobre, étroit, chaleureux dedans et attirant dehors. La petite salle est séduisante avec ses chaises de bois alignées sur les grandes fenêtres, ses murs couverts de mosaïque bleue ou de peintures vaguement cubistes et sa cuisine ouverte. Et malgré son côté un peu bruyant, on a réellement envie de s'y attarder avec des amis pour prendre un pot. On se rendra vite compte qu'on en restera là. Car rien n'est plus décevant dans ce monde de l'imitation que le brouillon d'une cuisine.

 

Chez Vespa, on ne sent pas de chef, les plats sont convenus, voire improvisés, descendant le courant. C'est du déjà-vu absolu, et pire, ça se présente dans des assiettes mollement soumises. Ça manque d'assaisonnements, de charpente, de fraîcheur et de tonus. Une cuisine neurasthénique à laquelle il manque de tout.

Au menu, on trouve trois principales sections, des pizzas, des pâtes et des plats de viande surtout, pollo et vitello, des classiques de la cuisine qui mêlent parfois les produits de la terre et ceux de la mer sans être réellement d'une province ou d'une autre. La cuisine italienne, comme chacun le sait, ne tolère pas la médiocrité, encore moins la caricature. C'est une cuisine nerveuse, sans clinquant, minimaliste presque. Elle doit être faite à partir de produits très frais, sans maquillage, et comme la transparence des goûts est fondamentale, on ne peut pas non plus tricher sur la qualité des ingrédients.

Le malheur, c'est que le monde de la cuisine a une manie persistante: imiter. En un mot, ne fait pas la cuisine italienne authentique qui veut. Après cette expérience au Vespa, je ne suis pas surpris que les Italiens eux-mêmes réclament l'imposition d'une AOC sur une catégorie de restaurant à l'extérieur de l'Italie qui respecterait le b.a-ba de leur cuisine. On a sa réputation à défendre après tout!

Les entrées présentent des clichés d'une certaine cuisine italienne de banlieue, souvent prise dans des livres de recettes improbables. Une salade de tomates (insuffisamment mûries, à quoi bon?), coiffée de mozzarella commerciale avec une vinaigrette faite d'une huile sans parfum ni goût (un instant nous avons cru l'avoir complètement perdu), presque oxydée. Nous en laissons la moitié.

De plus, pour proposer des pâtes à presque 20$, il faut être assez gonflé. Mais il faut surtout être à la hauteur, et comble de malchance, ce n'est pas le cas ici. Par exemple, les pappardelle sautées aux tomates et olives noires. Fades, sans squelettes, comme anémiques. Puis, des ravioli au fromage, trop cuits et servis - étrangement du reste - avec une sauce bolognaise. On propose aussi de les prendre avec du pesto (À Gènes, on vous coffrerait pour moins que ça) ou une sauce aux tomates toute simple. Mais c'est à la crème que les ravioli au fromage sont habituellement servis. Une sauce onctueuse qui convient à la fois à la règle cardinale du service des pâtes qui veut qu'une sauce lisse soit servie avec des pâtes longues et tubulaires et avec les pâtes fraîches, et qu'une sauce plus rugueuse nappe des pâtes striées. On vous propose de saupoudrer du Parmigiano (qui n'en est pas), on demande de l'huile d'olive pour ranimer un peu tout ça, elle est rance et servie en bouteille transparente, encore poisseuse sous nos doigts. Sans doute ne l'a-t-on pas essuyée après l'avoir utilisée pour le précédent convive.

En finale, nous commandons sans grand enthousiasme un tiramisu, seul de sa catégorie qui soit fait sur place, nous avoue-t-on candidement. Bof! Trop sucré, et nappé bien inutilement - presque un étang - de sauce rouge au goût de fraises artificielles et de sauce au chocolat. Ça, c'est le secret de «comment ruiner un dessert à peu près correct»! Pas fort!

VESPA

1212, rue Saint-Zotique Est

Tél.: 514-490-1212

- On y retourne? À votre avis?

- Prix: Entrées à moins de 10$, plats autour de 15$-20$, desserts à 5$. Comptez environ 80$ à deux, avec quelques verres de vins.

- Faune: Distinctement locale.

- Service: Charmant et efficace.

> Vin: Carte ordinaire, rien d'original.

(") L'ambiance, je suppose. Quand il y a du monde...

(-) Servir de l'huile d'olive neutre en condiment, c'est incompréhensible, mais la laisser rancir - et la servir - c'est carrément outrageant.