Dans un quartier résidentiel de Madrid, un restaurateur a concocté un protocole sanitaire de son invention pour immuniser clients et salariés contre la grippe H1N1, une idée marketing pour attirer familles et hypocondriaques affamés.

Malgré la chaleur très estivale, le directeur de l'établissement, Miguel Angel de La Cruz, a voulu anticiper dès le 31 août les effets de la deuxième vague de la grippe H1N1, un «virus plus dangereux pour le chiffre d'affaires que la crise économique», en mettant en place des règles basiques d'hygiène.Une fois installé à table, le client du Mesa y Placer (table et plaisir, ndlr) reçoit en guise d'apéritif une dose de gel hydro-alcoolisé garantissant des mains désinfectées pendant quatre heures et une serviette vierge de toute sorte de microbes, tendue par un serveur dont la température corporelle a été contrôlée en début de service.

Même le menu est plastifié pour commander sans risque de contamination un plat préparé aux bons soins d'un personnel de cuisine portant des masques.

«Nous allons affronter un automne très compliqué. Nous avons donc cherché à anticiper l'impact de la grippe H1N1 qui a complètement paralysé le secteur au Mexique, et donner des gages de tranquillité», explique M. de La Cruz.

Des gages symboliques, à l'efficacité restant à prouver, pour un coût modique de 50 centimes d'euros par client.

«Nous sommes les seuls à avoir mis en place ce protocole. Ce n'est pas notre seul attrait mais cela peut faire la différence avec la baisse des températures cet automne conjuguée à la crise qui pèse sur les budgets», estime-t-il.

Pour le moment, aucun protocole n'a été conseillé au secteur par le ministère de la Santé qui rappelle sur son site internet trois mesures élémentaires: éternuer et se moucher dans un mouchoir qu'on jette après utilisation, se laver les mains fréquemment et ne se rendre qu'en cas de réel besoin dans les hôpitaux.

«Dans l'autre restaurant de notre groupe, situé dans un quartier plus touristique, les Japonais, très pointilleux sur l'hygiène, formaient une partie non négligeable de notre clientèle. Ils sont moins nombreux à venir et avec ces mesures, on espère leur retour», ajoute M. de la Cruz.

Si les clients adhèrent à ces nouvelles mesures, c'est plus par hygiène que par peur de la grippe. «Une loi anti-tabac sauverait plus de vies qu'une dose de gel désinfectant mais c'est toujours ça de pris», estime José Carlos, un fonctionnaire de 43 ans.

Sur la place très touristique de Santa Ana, dans le centre de la capitale des tapas, où se frayer un chemin jusqu'au comptoir pour commander une bière est un sport national, les patrons s'interrogent sur les mesures à prendre.

«On devrait recevoir des livrets d'information du ministère de la Santé pour informer les gens, mais pour le reste, c'est la grande incertitude, on attend», explique Hugo Vasquez, un des responsables de la brasserie Naturbier.

«Notre chiffre d'affaires n'a pas été trop affecté par la crise grâce aux touristes et la grippe H1N1 nous effraie plus que la récession car les étrangers risquent de venir moins souvent par peur», ajoute-t-il.

Mardi, malgré les gros titres des journaux sur la grippe H1N1 et les spéculations sur le nombre de personnes à vacciner en priorité, les clients entassés dans les bars sirotaient avec insouciance leur pression, attrapant avec leurs doigts des tranches de «jamon iberico» bien gras et jetant leurs serviettes usagées par terre.

«On ne va pas s'arrêter de vivre pour une grippe ni changer nos habitudes», affirme Marina, 42 ans, trinquant à sa santé.