Il y a des restaurants qui innovent, créent, apportent à Montréal des idées nouvelles et inédites.

Et puis il y a ceux qui suivent, qui refont à peu près la même chose que le voisin en s'inspirant du succès de l'un et de l'autre. En marketing, en France, on appelle cela le «me too», comme dans «moi aussi».

Parfois, ces restaurants font très bien le travail, parfois c'est raté.

Je mettrais Grange dans la catégorie «ramasse correctement ensemble les tendances du moment».

Première tendance: c'est un bar à vin. Grange, d'ailleurs, est le nom d'un célèbre cru australien. On y va ainsi pour goûter à de bonnes bouteilles pas trop cher. Pour découvrir de nouveaux vins au verre. Généralement, pour que cette formule fonctionne bien, il faut que tous les serveurs soient un peu sommeliers ou du moins capables de parler vin sérieusement. Chez Grange, ce n'est malheureusement pas le cas. Cela dit, la carte est intéressante. Et variée.

Deuxième tendance : en ce moment, il y a deux modes déco à la limite de la surexposition dans le monde de la restauration: le rustique et le faux baroque. Grange a choisi le néo-rustique, avec panache de chevreuil surplombant la salle (sur une base recouverte de chemises de chasse), fausses peaux de vache sur les tabourets, bois au mur... À vous de décider si vous êtes déjà tanné.

Troisième tendance: les menus minimalistes qui mettent de l'avant des choses simples qui se doivent d'être parfaites, comme «plateau de fromage» ou «assiette de cochonnailles». Chez Grange, on adopte l'approche. Pour accompagner le vin, c'est intéressant, et les produits sont bien choisis, mais il ne faut pas s'attendre à y faire des découvertes de petites charcuteries artisanales uniques. Le plateau charcuterie propose, par exemple, de la viande des Grisons, du chorizo, du prosciutto... Classique. Très classique. Pour ne pas dire un peu ennuyant.

Quatrième tendance: la cuisine réconfortante. Un midi, nous avons goûté à un mijoté de fruits de mer qui mettait bien en valeur les pétoncles, calmars et petites crevettes dans une sauce légère. Et le dessert? Une sorte de pot de crème au chocolat déconstruit (encore là, deux tendances fortes: le pot de crème et la déconstruction) était fait de chocolat noir de bonne qualité, tandis que les noisettes grillées, la chantilly et les brownies en à-côté, venaient apporter un complément de textures intéressant.

La tendance manquante? Celle du sel de bonne qualité, présenté dans un petit bol plutôt que dans une salière remplie de Sifto. Et c'est un problème car il manque de sel dans la plupart des plats, que ce soit la salade d'endives à la vinaigrette au bleu (pour amateurs de bleu seulement), le fenouil mariné, les rillettes ou le gratin d'asperge au fromage 1608.

Malgré ces détails, cependant, l'expérience reste agréable, surtout que l'atmosphère de l'endroit est relax et dans la mesure où on accepte qu'on ne sera pas épaté, mais tout simplement contenté.