Découvrir que son quartier compte un bon petit restaurant sympathique où l'on peut manger à toute heure, sans facétie, est toujours une bonne nouvelle.

C'est le cadeau qu'ont eu les résidants de l'ouest d'Ahuntsic en début d'année, avec l'ouverture du St-Urbain, rue Fleury, à l'angle de l'artère qui en a inspiré le nom.

On y mange fort bien. C'est simple et joli. Sympathique. Pas trop cher.

La cuisine ne se distingue ni par sa complexité ni par sa créativité débridée.

Mais c'est un lieu où les valeurs sûres sont bien déclinées, préparées en cuisine par une équipe professionnelle qui ne s'est pas improvisée aux fourneaux et qui soigne présentation et finition. On ne viendra peut-être pas de l'autre extrémité de l'île pour y manger une cuisine unique. Mais ce restaurant fera probablement beaucoup de jaloux chez les résidants de tous ces autres quartiers résidentiels montréalais souffrant d'une pénurie d'adresses intéressantes.

Dès l'arrivée, la carte écrite à la craie sur un tableau noir nous annonce que le menu n'a rien de fixe ni de coulé dans le béton et suit les saisons et les arrivages.

Le soir où nous sommes allés, par exemple, il y avait parmi les entrées une salade de betteraves de trois couleurs, qui avaient l'air d'avoir été choisies, comme on l'espère, parce qu'elles étaient au marché ce jour-là. Cuites finement afin de garder un peu de croquant, assises sur un fenouil émincé en vinaigrette, elles auraient pu être uniquement fraîches et simples. Le chef avait décidé de donner un peu de complexité classique à l'assiette en y ajoutant une boule de fromage de chèvre frais frite et en brossant une sorte de réduction onctueuse à l'orange amère. C'était frais et à point.

La salade de roquette au parmesan et aux radis, bien touillée, se proposait quant à elle sur le ton frais du jardin que l'on attend lorsqu'on veut, plus tard, mordre dans un risotto. Est-ce le chef français Inaki Aizpitarte, chantre du radis venu en visite à Montréal récemment, qui a donné envie aux chefs d'ici de redonner une belle place à ces mini-légumes-racines? Peu importe. Juste pour leur texture et leur goût poivré, les radis méritent toute notre attention.

En plat principal, un poisson nommé cobia - un poisson de fond de mer à la chair blanche et grasse, qui n'a pas la finesse de la morue noire ou du bar du Chili mais s'en rapproche - était grillé et servi avec des haricots verts fins, déposé sur une grosse tranche de fenouil braisé et une généreuse louchée de sauce vierge, donc faite d'un concassé de tomates, avec huile d'olive et câpres. Si la sauce était joliment remplie des saveurs méditerranéennes, le poisson, pour rendre l'assiette parfaite, aurait peut-être gagné à être un peu moins cuit et les haricots un peu plus jazzés.

Le risotto aux crevettes et aux asperges, mouillé au vin blanc et ponctué de morceaux de chorizo, penchait peut-être un tout petit peu trop du côté salé et aurait pu être légèrement plus crémeux et plus al dente. Mais avec ses gros morceaux de légumes craquants et ses crevettes de roche - des crevettes sauvages pêchées en Floride - aux saveurs légèrement vanillées, qui résistaient à peine sous la dent, il réconfortait savoureusement.

Au dessert, les beignets en forme de ressorts géants étaient amusants et bien croustillants. On aurait même pris deux fois plus de la parfaite sauce au caramel salé dans laquelle il fallait les tremper, avec les mains, avant de tout croquer.

En revanche, si le brownie servi dans une petite poêle en fonte avec une boule de glace à la vanille était copieux et original dans sa présentation, il ne ressortait pas du lot avec sa texture légèrement trop cuite.

Mais qu'importe. Lorsque tous les morceaux tombent à peu près en place, autant côté service que saveurs, pour un prix raisonnable, et que le repas est marqué par le professionnalisme et l'absence de toute prétention, on repart heureux. Et ce fut le cas.

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Le St-Urbain

96, rue Fleury ouest

Montréal, 514-504-7700

www.lesturbain.com

> Prix: Le soir, on compte entre 7$ et 13$ pour les entrées et entre 18$ et 24$ pour le plat. Desserts à 5$. Menu gastronomique à 50 $, avec six services format tapas. Le midi le menu est entre 13$ et 19$.

> Carte de vin: Carte courte constituée uniquement d'importations privées, jolie sélection à prix raisonnables. Plusieurs possibilités au verre.

> Genre: Un restaurant de quartier, pour le midi et le soir, ouvert par un gars d'Ahuntsic, le chef Marc-André Royal, qui a l'avantage d'être un diplômé de l'ITHQ, ayant fait ses classes autant au 357C qu'au Per Se, à New York, en passant par quelques bons restos de Colombie-Britannique et un étoilé londonien.

> Décor: Modestement contemporain. Jolies chaises et lampes de style IKEA, immense tableau noir, gravures au mur.

> Ambiance et faune: Rien de compliqué ni de prétentieux: jeunes parents du quartier ayant trouvé une gardienne ou jeunes couples bo-bo attendant leur premier bébé, amateurs de bons repas pas trop chers, exilés du Plateau...

> On y retourne? Si on est dans le coin, oui c'est certain.