Au menu, du congre, du tacaud, du poisson-perroquet... Quatre jeunes cuisiniers ont été distingués mercredi à l'UNESCO pour leurs plats de poissons durables par le chef Olivier Roellinger, qui constate une prise de conscience croissante de la nouvelle génération.

Emmanuel Charles, 29 ans, second de cuisine au restaurant La Butte à Plouider, en Bretagne, est l'un des lauréats récompensés par ce concours à l'occasion de la Journée mondiale des océans. Il a cuisiné un poisson peu connu et mal aimé: le tacaud, qui appartient à la même famille que la morue et le merlan.

Ce poisson, qui vit en Atlantique Nord, peut être consommé toute l'année, selon l'ONG SeaWeb qui a établi un guide pour permettre aux professionnels de s'y retrouver dans les espèces à privilégier. En Atlantique nord-est, origine de la plupart des espèces consommées en France, 40% des stocks de poissons sont surexploités.

«Dans le restaurant où je travaille, on a une clientèle de pêcheurs. Parfois, ça coince un peu quand on leur propose du tacaud, parce que c'est une espèce qu'ils rejettent à la mer la plupart du temps», explique Emmanuel Charles à l'AFP. «Mais c'est à nous de travailler la recette pour rendre le poisson attrayant!», poursuit le jeune homme.

À l'initiative de ce concours lancé en 2011, le chef breton Olivier Roellinger, installé à Cancale, veut redonner leurs lettres de noblesse à des poissons souvent négligés, à l'instar de ce qui s'est passé avec les légumes oubliés, réhabilités par les chefs.

Consommateur «friand» de cuisine durable

«Lorsque vous aurez fait comprendre aux gens que manger du congre, du tacaud, du chinchard, du lieu, du maquereau, c'est délicieux, vous allez préserver l'océan et le porte-monnaie de chacun!», s'exclame-t-il. «C'est ça, d'avoir un brin de talent, ce n'est pas faire bon avec du caviar et du homard!»

Si certains poissons sont méprisés, c'est parce qu'ils se conservent moins bien que les autres, explique-t-il.

«Ces poissons, comme ils ne valent pas cher, on ne les traite pas dignement. Or ils mériteraient d'être encore mieux traités!», souligne le chef, qui vante la «lucidité» de la nouvelle génération.

Le concours, qui s'adresse aux élèves ou apprentis cuisiniers de moins de 25 ans et aux professionnels de moins de 35 ans, s'est ouvert pour la première fois à des candidats venus de toute l'Europe.

Le Letton Haralds Sauss, récompensé dans la catégorie Europe du Nord et de l'Est, a cuisiné un esturgeon d'élevage. Le Français Martin Quéré a choisi le congre, tandis que le lauréat d'Europe du Sud, le Portugais Jorge Metade, des Açores, a élu le poisson perroquet.

«J'ai choisi ce poisson parce qu'il abonde dans ma région, tout le monde l'aime, et il sauve de la famine beaucoup de familles pauvres», a expliqué le jeune homme de 21 ans, sensibilisé au développement durable dans son école hôtelière de Ponta Delgada.

L'Espagnol Marcos Sarrion, de Valence, a choisi la lotte pour un plat typique de sa région. «La lotte est un poisson très laid. Son apparence n'incite pas à le choisir, mais comme dit ma mère, la beauté est à l'intérieur! Et puis c'est un poisson de saison», justifie le jeune homme.

François Pasteau, chef du restaurant L'Epi Dupin à Paris et président de SeaWeb Europe, constate que le consommateur est de plus en plus «friand» d'une cuisine durable.

«Si vous lui proposez de la vieille au restaurant, la prochaine fois qu'il en verra sur l'étal du poissonnier, il en prendra, ou alors il en commandera!», ajoute ce chef aux convictions écologistes, qui évite par exemple d'utiliser du bar, l'un des poissons dont la consommation est actuellement déconseillée par l'ONG SeaWeb.