Colère de producteurs de légumes: les autorités veulent leur interdire l'emploi de produits naturels pour traiter leurs salades, radis ou concombres, en lieu et place de substances phytosanitaires chimiques plus polluantes.

«Avec ces produits, je n'ai plus de problèmes de mildiou. Et voilà qu'on nous les interdit, à cause des complexités de la réglementation», déplore Denis Digel, qui produit quelque 600 000 salades par an à Sélestat, dans le centre de l'Alsace.

Pendant des années, le maraîcher protégeait ses salades à l'aide de produits chimiques, qu'il appliquait à trois reprises. Depuis deux ans, il se contente d'une seule pulvérisation de Sémafort, un produit dit «phytostimulant», à base d'algues, d'extraits végétaux et de phosphites. La substance, fabriquée en Allemagne, est censée renforcer les défenses naturelles de la plante.

«C'est trois fois moins cher à l'hectare, et nettement plus efficace. Les rendements sont supérieurs. Et en plus, cela permet de réduire l'impact négatif sur la nature», énumère-t-il. Il souligne que le gouvernement a justement demandé aux agriculteurs, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, de diviser par deux d'ici 2018 leur consommation de produits phytosanitaires.

En France, ces produits alternatifs - dont le Sémafort - sont encore peu répandus, sauf dans l'est où un regroupement de 460 producteurs les teste avec succès depuis 2007 au sein d'une «station d'expérimentation» dénommée «Planète légumes», soutenue par la Chambre d'agriculture d'Alsace.

Procédure longue et coûteuse

Or, le ministère de l'Agriculture a adressé en juin aux producteurs concernés une mise en garde sur l'emploi des phosphites. Il souligne que les produits contenant ces substances ne peuvent être commercialisés qu'en tant que «produits phytopharmaceutiques». S'ils le sont en tant qu'engrais - c'est le cas du Sémafort -, ils doivent être "retirés du marché sans délai".

«Nous n'avons aucune opposition de fond à l'usage des phosphites, qui sont d'ailleurs autorisées au niveau européen. Simplement, tout produit à base de phosphite ne peut être commercialisé que s'il a obtenu une autorisation de mise sur le marché» (AMM), précise à l'AFP un expert du ministère.

Or obtenir une AMM, en France, relève d'une procédure longue et coûteuse, souvent hors de portée des petites ou moyennes entreprises qui commercialisent les phytostimulants. «Pour le Sémafort, cela coûterait quatre millions d'euros, c'est hors de portée de son fabricant», calcule Fabien Digel, directeur de «Planète légumes» et frère du producteur de Sélestat.

Les maraîchers réunis au sein de «Planète légumes» sont d'autant plus en colère que leurs voisins et concurrents allemands vendent en toute légalité en France des légumes traités aux phosphites: outre-Rhin, ces produits sont homologués pour une somme modique. Et ils ne le sont ni en tant que phytosanitaire, ni en tant qu'engrais, mais bien en tant que «phytostimulants».

L'ancien ministre et actuel député (UMP) du Bas-Rhin François Loos a pris fait et cause pour les maraîchers, et a écrit au ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire pour lui demander des les rencontrer.

«Je pense qu'il y a une campagne en France pour empêcher l'arrivée de ces produits sur le marché», dit à l'AFP M. Loos. «Je ne sais pas si c'est un lobby, mais en tout cas je demande au ministre d'avancer».