Christophe Morel a de quoi être fier. Il est le seul chocolatier canadien (et un des trois seuls au monde) à avoir eu accès à une partie de la première récolte de Pure Nacional, LE chocolat à offrir aux connaisseurs en ce moment. M. Morel en a fait 2000 tablettes en édition limitée et quelques boîtes de fèves de cacao enrobées, pour lesquelles les maniaques de chocolat n'hésitent pas à parcourir des centaines de kilomètres.

«Un client a fait l'aller-retour Québec-Montréal pour acheter cinq tablettes, puis un autre m'en a commandé à partir de la Colombie-Britannique», raconte le chocolatier, qui n'en revient pas de l'engouement rapide pour ce produit.

L'histoire du Pure Nacional rappelle une peu celle du carmenère, ce cépage décimé par le phylloxera dans le Bordelais, à la fin du XIXe siècle, puis redécouvert au Chili, il y a une vingtaine d'années.

On croyait que le cacao cultivé anciennement en Équateur était éteint, jusqu'à ce qu'un Américain, Dan Pearson, tombe sur d'étranges cacaoyers au Pérou, complètement par hasard, il y a deux ans. Après analyse, le département américain de l'agriculture (USDA) a conclu qu'il s'agissait de Pure Nacional, un des cacaos les plus rares et les plus prisés.

Fêves blanches

Une des particularités du Pure Nacional est sa couleur. Alors que la plupart des fèves de cacao sont mauves, celles de ce cacaoyer hors norme sont souvent blanches (dans 40% des cas). Les fèves blanches contiennent moins d'anthocyanes amères, ce qui permet d'obtenir un chocolat bien velouté et peu acide.

«Sa couleur est très claire et gourmande, pour un chocolat noir, décrit Christophe Morel. Parce qu'il est conché pendant 60 heures (NDLR: le conchage, étape de malaxage du chocolat qui permet le développement des arômes, dure normalement entre 12 et 48 heures), il ne reste presque plus d'acidité. C'est un chocolat très aromatique avec de belles notes de fruits. On n'en mange pas des tonnes à la fois.»

Le «maniaque» de chocolat et professeur à l'Université Concordia Jordan L. LeBel a pour sa part été déçu par les premiers échantillons de Pure Nacional qu'il a goûtés. «J'ignore si c'est à cause du battage publicitaire, mais j'ai trouvé que le chocolat ne livrait pas ses promesses. Il y a d'autres chocolats beaucoup moins chers qui sont tout aussi savoureux.»

Pérou, Suisse, Canada

Dans le canyon Marañón, dans le nord du Pérou, 186 fermiers cultivent des cacaoyers Pure Nacional sur leurs terres. Les fèves sont triées puis transportées à un village situé à plusieurs heures de là, où elles sont séchées, fermentées et torréfiées. Puis on les envoie à Lima, d'où elles sont ensuite exportées en Suisse.

Le chocolat est transformé là-bas en chocolat de couverture mi-amer à 68% de cacao, que l'on a baptisé Fortunato No. 4, en l'honneur du fermier sur la terre duquel M. Pearson a fait la miraculeuse découverte. Le «No. 4» correspond au quatrième des 14 échantillons testés, celui qui représentait l'expression la plus pure du Pure Nacional.

Et comment ce chocolat rare s'est-il retrouvé entre les mains de Christophe Morel, à Montréal? «Les Américains qui l'ont découvert cherchaient un bon chocolatier au Canada pour le travailler, explique-t-il. Ils sont venus me voir. J'ai adoré l'histoire. Même sans connaître le prix, j'ai acheté tout de suite. Heureusement, le goût était à la hauteur de l'histoire!»

Christophe Morel compte même se servir de cet exceptionnel chocolat d'origine en finale du concours de Meilleur ouvrier de France, qu'il passera au mois de mai, à Clermont-Ferrand.

Dans son «laboratoire» M. Morel a déjà mis au point des ganaches et des macarons avec le précieux ingrédient, mais devra attendre la prochaine récolte, l'an prochain, avant de pouvoir commercialiser ces nouveaux produits. En attendant, la tablette du millésime 2010 de Pure Nacional est disponible au Birks Café et dans une vingtaine de points de vente, au coût de 19,95$. Pour toutes les adresses: morelchocolatier.com

.

Photo: La Presse

Pure Nacional, LE chocolat à offrir aux connaisseurs en ce moment.