Ça va mal au royaume du bleuet: la récolte s'annonce mauvaise au Saguenay-Lac-Saint-Jean, cette année, et les prix sont au plus bas maintenant que le Québec souffre de la concurrence internationale. Depuis quelques années, des pays comme le Chili et l'Argentine se sont lancés dans la culture de bleuets, un fruit maintenant largement reconnu pour ses propriétés antioxydantes.

«En cinq ans, la production mondiale a doublé et nous avons des concurrents de plus en plus importants», dit Jean-Eudes Senneville, président de Bleuets sauvages du Québec, organisme de Saint-Félicien qui regroupe producteurs et transformateurs. La Chine s'est aussi lancée dans la production de bleuets, mais son marché intérieur devrait absorber la production pour le moment, estime ce spécialiste.

Manque de chance, la récolte de bleuets sauvages s'annonce nettement inférieure à la moyenne au Saguenay-Lac-Saint-Jean, la principale région productrice. L'année dernière, la récolte avait atteint 74 millions de livres; Jean-Eudes Senneville espère en obtenir le tiers cette année. Les gelées du printemps sont responsables de cette importante baisse.

C'est un autre coup pour l'industrie du bleuet, puisque 85% des bleuets sauvages sont destinés à l'exportation, surtout au Japon et en Europe, explique M. Senneville. «C'est certain qu'on ne pourra pas fournir tous nos clients cette année, dit-il. Ils vont devoir se tourner vers d'autres fournisseurs.»

Pour les consommateurs québécois, cette rareté voudra aussi dire une hausse des prix, indique le président du Syndicat des producteurs de bleuets du Québec, Daniel Simard. «Seulement 5% des bleuets sauvages sont destinés au marché du frais. Le reste est transformé et vendu aux grandes entreprises.»

Le bleuet sauvage, plus petit que son cousin cultivé, est aussi plus fragile et se conserve moins longtemps, explique Daniel Simard, qui conseille de manger les fruits dans la journée suivant leur achat.

Bonne nouvelle: ils sont particulièrement savoureux cette année, car, comme les autres petits fruits, les bleuets qui ont survécu au gel ont profité de la canicule. La récolte commence dès cette semaine au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Bleuets cultivés

Les nouvelles sont bien meilleures dans la plupart des autres régions où l'on produit les bleuets en corymbe. Les fruits sont abondants, si bien que, contrairement aux petits bleuets sauvages, les gros bleuets cultivés - qui sont plus gros que d'habitude - devraient être vendus à bon prix cette année. Autour de 28$ la boîte de 5 kg, estime Lise Lapointe, productrice de la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent.

«Les gens pensent encore que les gros bleuets sont fades parce qu'on récolte ceux qui sont importés avant qu'ils soient mûrs pour qu'ils restent beaux durant le transport, explique la productrice. Alors, ils ne goûtent rien. Ici, les bleuets sont récoltés à maturité.»

Lorsque Lise Lapointe a commencé la culture du bleuet, il y a 30 ans, il y avait deux producteurs dans sa région. Il y en a aujourd'hui une quarantaine.

Statistique Canada confirme cette popularité du bleuet: il y a 10 ans, on avait récolté 200 tonnes de bleuets en corymbe au Québec, alors que la récolte a dépassé 1200 tonnes l'année dernière.

En superficie, on calcule aussi une augmentation de 50% pour les bleuets sauvages par rapport à l'année dernière, pour tout le Canada. Il s'agit du fruit dont la culture connaît la croissance la plus importante au pays.