Avec ses plats relevés aux noms singuliers comme «le fromage de soja de la grand-mère grêlée», la cuisine chinoise du Sichuan est longtemps restée dans l'ombre de la vibrante gastronomie cantonaise.

Mais une récente reconnaissance de l'Unesco pourrait bien changer la donne.

Le chef Yu Bo est un des maîtres de cette cuisine à Chengdu, la capitale de la province du Sichuan (sud-ouest), une ville aux innombrables maisons de thé connue pour sa douceur de vivre, très méridionale, loin du rythme trépidant des métropoles comme Pékin ou Shanghai.

Son établissement fait pleinement vivre la tradition culinaire de la région, avec des plats comme le canard fumé aux feuilles de thé et de camphre, de petits gâteaux fourrés au boeuf séché en forme de pinceaux de calligraphie ou du concombre de mer au riz sauté et foie gras.

«La cuisine du Sichuan a tellement de saveurs et de préparations différentes que les gens de n'importe quel pays peuvent en profiter», affirme Yu.

La cuisine du Sichuan est l'une des huits grandes de Chine, servie jusque dans des établissements de Londres et New York.

En février, l'Unesco a décerné à Chengdu le titre de «Ville de la gastronomie», la qualifiant de «berceau de nombreuses traditions culinaires et lieu d'une communauté vibrante de professionnels de la gastronomie qui promeuvent activement l'innovation».

Le poulet impérial (gongbaojiding), le porc cuit dans l'eau puis sauté, les raviolis sichuanais à la sauce d'ail sont quelques-uns des autres trésors de Chengdu, qui font saliver les gastronomes et sont servis dans des gargottes ou des restaurants plus huppés.

Cette distinction de l'Unesco, que Chengdu partage désormais avec la ville colombienne de Popayan, a été créée en 2004 afin de soutenir le développement culturel, économique et social des villes.

Wang Zhonglin, vice-maire de Chengdu, a affirmé que l'objectif était désormais de devenir «une capitale gastronomique de renommée internationale».

Des campagnes de promotion sont prévues, y compris à Paris, ainsi que des jumelages avec d'autres cités réputées pour leur cuisine, selon Ye Lang, porte-parole pour la municipalité de Chengdu.

Pour les critiques gastronomiques, la cuisine sichuanaise souffre cependant des clichés, certains ne l'associant qu'aux piments et à l'envoûtant mais redoutable poivre du Sichuan, qui anesthésie la langue.

Pourtant, soulignent-ils, elle est beaucoup plus riche.

Fuchsia Dunlop, critique gastronomique vivant à Londres et spécialiste de la cuisine du Sichuan, évoque ainsi le plaisir que procurent ses saveurs -- un mélange de fumé, sucré et salé.

«Tout réside dans le contraste et la sensation», résume-t-elle.

Cependant, ajoute-t-elle, les ambitions gastronomiques de Chengdu, destinées à attirer les touristes, pourraient se heurter à la modernisation de la ville.

Car les petits restaurants et les vendeurs ambulants des quartiers traditionnels ont été emportés par la rénovation urbaine et les tours, privant Chengdu d'une partie de ses charmes.



«Il ne reste plus grand-chose. Si vous allez en Italie, vous pouvez passer du temps dans de superbes vieilles villes et profiter de la nourriture, en Chine, il n'y a plus que la nourriture», dit-elle.