Les occasions de trinquer ne manqueront pas dans les jours qui viennent. En effet, c'est la semaine prochaine que s'ouvre le 17e Mondial de la bière, où l'on pourra déguster pas moins de 500 produits de tous les pays. Lesquels préférez-vous? Pour percer le mystère des goûts et des couleurs, nous nous sommes amusés à faire une petite enquête zéro scientifique mais 100% ludique: dis-moi ce que tu bois, et je te dirai qui tu es...

Êtes-vous plutôt du genre Coors Light, Stella Artois ou Boréale? Votre truc, c'est la micro locale ou l'importée? Pour percer le mystère des goûts qui ne sont pas nécessairement innocents, le publicitaire Dany Renauld, coprésident de l'agence Brad Marketing, qui compte Labatt parmi ses clients depuis plusieurs années, nous a gentiment prêté son pif, son flair, bref, révélé ses impressions, pour tenter de décortiquer ce que nos choix de houblon révèlent de notre subconscient le plus profond. À vous de voir s'il a vu juste...

Amateurs de Molson Dry, Bud Light, Coors Light et autres bières industrielles

«Le gars qui boit de la Bud, dit le publicitaire, c'est un gars qui aime le football, à la télé, avec ses chums.» Notez: «Un gars.» Peu de femmes, donc, dans cette catégorie. «Il a entre 25 et 29 ans, a fini ses études ou encore est à l'université. Il boit ces bières parce qu'il en aime le goût. C'est facile à boire, pas typé, contrairement à une Guinness ou à une Leffe brune.» Ce n'est plus le jeune pubère qui boit n'importe quoi pour l'effet. Il boit sa Coors Light parce qu'il aime ça, parce que ce n'est pas cher et que ça désaltère. «C'est un gars qui commence dans la vie. Il a sa première job - genre avocat, mais pas juge -, une auto, une blonde - mais est-ce qu'il vit avec elle? Pas encore.»

Vrai ou faux?

Chez Molson, on rétorque ne «pas avoir de buveur type», mais plutôt «une identité propre à chaque marque». En gros, chaque marque véhicule certaines valeurs (le hockey pour la Molson Ex, la fête pour la Molson Dry, etc.), et le consommateur choisit cette bière «parce qu'il partage ses valeurs», affirme la porte-parole Marie-Hélène Lagacé.

Amateurs de Belle Gueule, Boréale, Tremblay et autres bières de microbrasseries

«On ne regarde pas un match de hockey avec une caisse de six Boréale», constate le publicitaire. Les amateurs de ces bières, on les trouve plus souvent attablés à une terrasse de la rue Saint-Denis, en plein après-midi. «Ce sont des gens qui lisent Le Devoir, et non Sports Illustrated. Ou bien Foglia, mais pas François Gagnon.» Notez: «Des gens.» On trouve donc peut-être davantage de femmes dans cette catégorie, qui boivent aussi leur bière à l'apéro, avant de passer au vin pendant le repas. Le côté «local» séduit certainement cette clientèle: «Ce sont probablement des gens qui mangent davantage bio, font attention à leur santé, ne consomment pas de produits de masse.» Du coup, les microbrasseries «ratissent plus large», croit le publicitaire: on s'adresse ici à des amateurs de 25 à 40 ans, prêts à payer un peu plus cher pour une bonne bière. «Des universitaires, des artistes, des gens qui travaillent dans les sciences sociales, mais pas des cols bleus.»

Vrai ou faux?

D'après la dernière étude de marché des Brasseurs du Nord (Boréale), la clientèle est effectivement «instruite, a un revenu plutôt élevé et est très partagée hommes-femmes», constate Laura Urtnowski, la présidente. L'apport féminin est intéressant: «Les femmes sont plus nombreuses à boire des bières de microbrasserie, dit-elle, mais elles en boivent moins que les hommes.» La clientèle est aussi plus urbaine; ce sont des gens qui ont voyagé, qui font aussi preuve de curiosité, pour la bière comme pour l'alimentation en général. «On a moins de jeunes de 18 à 25 ans et davantage de gens de plus de 25 ans, dit-elle. Les jeunes sont en général étudiants en sciences humaines, en arts et en sciences pures plutôt qu'en administration et en sciences appliquées.»

Amateurs de Chouape, Dieu du ciel! , Charlevoix et autres bières artisanales

«Je caricature, mais c'est celui qui commande une Blanche de Bruges dans le film Cruising Bar. L'amateur un peu prétentieux, qui se la joue un peu», croit le publicitaire. Ce sont des gens qui choisissent leur bière comme ils choisissent un vin, qui se font conseiller par les serveurs, toujours dans des petits pubs de la rue Saint-Denis. «Des gens urbains, épicuriens, probablement encore plus de filles. Je les imagine au Barouf.» Quand ils reçoivent, ils ont toujours quatre ou cinq sortes de bière dans leur frigo. Ils font des accords bière et mets, boivent peu mais bien et sont très attachés aux produits made in Québec. Ce ne sont pas des gens de party mais plutôt des amateurs qui aiment déguster. «C'est le prof de cégep, l'universitaire, le philosophe. Le jeune dans une asso étudiante en histoire. Il a entre 25 et 40 ans, il lit Le Canard enchaîné ou Libération», extrapole le publicitaire.

Vrai ou faux?

La clientèle de la brasserie Dieu du ciel!, à Montréal, est assez vaste: «On a des gens de 25 à 60 ans, de toutes les couches sociales, mais le gros de la clientèle a de 25 à 35 ans et des études universitaires», constate Stéphane Ostiguy. Ce sont des gens qui sortent beaucoup, sont dans le coup, en majorité des hommes (à 60%), épicuriens, «qui ont envie de goûter autre chose, d'aller au-delà du goût fade des bières traditionnelles». Même son de cloche du côté de la brasserie La Chouape, de Saint-Félicien: «Nos clients sont des amateurs, de jeunes professionnels urbains et majoritairement masculins.» Ce sont aussi des gens plus à l'aise financièrement «parce que veut, veut pas, notre produit est plus cher», constate Marie-Ève Séguin, la copropriétaire.

Amateurs de bières importées - tchèques, et polonaises - qu'ils achètent à la SAQ

«Pour aller jusqu'à la SAQ, c'est un aria, il faut être fanatique», décrète le publicitaire en souriant. Ou bien il s'agit ici de gens qui ont voyagé, qui sont nostalgiques, donc tout heureux de retrouver un produit dégusté à l'étranger. Ou encore ce sont des buveurs de microbrasserie typique, qui décident de faire une soirée thématique. «Il fait de la choucroute et fait le détour par la SAQ pour aller chercher de la bière allemande. C'est quelqu'un dans la trentaine, qui boit toutes sortes de choses et goûte aussi à toutes sortes de choses.»

Amateurs de Stella, Heineken, Corona et autres bières commerciales importées

Ce sont d'ex-buveurs de Bud et autres Coors Light, qui sont rendus ailleurs. «L'amateur n'est plus à l'École du barreau, il est devenu avocat, dit le publicitaire. Il a entre 27 et 35 ans, il est bien établi dans son premier emploi.» Pas snob, mais «sophistiqué», il est donc prêt à payer un peu plus cher pour quelque chose de «distinctif». «Lui, il n'est pas sur une terrasse de la rue Saint-Denis, mais plutôt au 737 ou au Café des Éclusiers. Un peu plus jet set, résume-t-il. Il écoute de la musique lounge, électro, ambiance.» L'amateur (amatrice?) porte toujours des vêtements dernier cri, ne se sépare pas de son iPhone, écoute Saint-Germain, lit La Presse et L'actualité, fait du ski à Bromont l'hiver, va dans un chalet l'été, imagine-t-il.