L'Armagnac, plus vieille eau-de-vie de France, fête cette année ses 700 ans avec de nouveaux objectifs et rappelle en guise de clin d'oeil les multiples vertus que prêtait à cette liqueur un religieux du XIVe siècle.

«L'Armagnac est probablement encore plus ancien, mais la première trace date de 1310 quand Vital Dufour, prieur d'Eauze (Gers, sud-ouest de la France) entre 1307 et 1313, a écrit un texte sur les 40 vertus de l'Armagnac», affirme le président de l'interprofession de l'Armagnac Pierre Tabarin.Une délégation partira du Gers pour le Vatican début mars afin d'obtenir une copie du texte, conservé depuis 1531 dans la bibliothèque du Saint-Siège.

Selon l'ouvrage du religieux, l'Armagnac «aiguise l'esprit si on en prend avec modération», «arrête les larmes de couler», «guérit les hépatites si on en boit avec sobriété», «délie la langue et donne l'audace au timide» et «l'onction fréquente d'un membre paralysé le rend à son état normal».

Outre le déplacement à Rome, tout au long de l'année, les promoteurs du digestif gascon se rendront à New York, Chicago et Londres, pour conquérir de nouveaux adeptes et en Russie, devenu le pays où l'Armagnac s'exporte le mieux.

Contrairement au Cognac qui a séduit les rappeurs américains, «l'Armagnac n'a pas de consommation boîte de nuit», constate sans le regretter le patron de l'interprofession.

«Nous concevons une eau-de-vie d'auteurs», dit-il, pour le «gourmet attaché aux valeurs traditionnelles de la gastronomie française, attaché au terroir».

Sur les 16 milliards de bouteilles de spiritueux vendues annuellement dans le monde, l'Armagnac ne pèse pas lourd avec 6,5 millions de bouteilles (en 2008) soit 0,04% du marché mondial, contre 1% au Cognac, reconnaît le Bureau national de l'interprofession de l'Armagnac (BNIA), qui regroupe 800 viticulteurs.

Après une année 2009 qualifiée de «difficile» par le BNIA, même si les chiffres ne sont pas encore disponibles, l'objectif est de passer à 9 à 10 millions de bouteilles d'ici 2013 et de séduire les trentenaires.

L'Armagnac est avant tout un digestif, mais les professionnels voudraient aussi le voir consommé en apéritif, en accompagnement de certains plats, voire en cocktail, d'où la commercialisation en 2007 de la «Blanche d'Armagnac», l'Armagnac tel qu'il sort de l'alambic, sans vieillissement en fût de chêne, donc incolore.

«C'est dommage de réserver des Armagnac d'exception au digestif, c'est très agréable avant ou pendant un repas», souligne Sébastien Lacroix, le directeur de l'interprofession, basée à Eauze.

Dans le domaine de Lagajan, aux portes d'Eauze, Constantin Georgacaracos, sa femme et ses enfants distillent depuis sept générations et se plaignent des «taxes trop lourdes qui pèsent sur les bouteilles d'Armagnac».

«C'est soi-disant pour lutter contre l'alcoolisme, mais personne ne se saoule à l'Armagnac. On ne se débauche pas avec l'Armagnac. C'est un produit trop noble pour en boire trop», affirme le patriarche, appuyé sur un vieil alambic de 1907.