Deux experts français pensent avoir trouvé une solution contre les maladies affectant les huîtres d'élevage en les croisant avec une souche sauvage, un procédé selon eux prometteur mais auquel ne croit pas l'Institut français pour l'exploitation de la mer (Ifremer).

Guy Lebrun, ancien ingénieur agronome, a déposé avec Robert Crusson, aquaculteur et expert auprès de la FAO, un brevet «protégeant un procédé d'obtention d'huîtres hybrides résistantes qui pourrait constituer une solution de rechange à la mortalité des naissains et juvéniles».

Ils ont testé des échantillons d'huîtres plates (Ostrea edulis), espèce dont la présence en France remonte à l'antiquité, qu'ils ont trouvé en Corse et qui jouit selon eux d'«une résistance à 100 % aux pathologies relevant du système d'immunodéfense des huîtres».

Ces huîtres sauvages sont capables de filtrer les toxines au niveau cellulaire, qu'il s'agisse «de virus, de bactéries, de parasites, de phytotoxines planctoniques ou de polluants chimiques», assurent les deux experts.

Ils ont trouvé une résistance similaire sur d'autres souches sauvages provenant de lagunes du Maroc, de Tunisie, de Libye ou de Grèce.

Refusant de transférer ces huîtres hors de leur biotope pour préserver leur résistance, M. Lebrun veut recourir à la cryoconservation du sperme et des ovules pour obtenir des individus hybrides.

En introduisant une souche saine dans un milieu ravagé par la maladie, le procédé s'apparenterait à celui mis en oeuvre pour l'éradication du phylloxéra à la fin du 19ème siècle, avec la greffe d'une vigne européenne sur un porte-greffe de vigne américaine.

«Aujourd'hui personne ne conteste que l'huître creuse japonaise (Crassostrea gigas) agonise», relève Guy Lebrun pour qui «elle est devenue la première victime aquacole de la mondialisation».

Il émet les plus grandes réserves à l'égard des huîtres triploïdes, nées d'une manipulation en laboratoire qui les rend stériles, aussi appelées «huîtres des quatre saisons» consommables tout l'année et produites en deux ans et estime d'une manière générale qu'«en élevage, on appauvrit la diversité génétique».

Cette analyse est cependant rejetée par Jean-Pierre Baud, spécialiste de la qualité des procédés aquacoles à l'Institut français d'exploitation de la mer (Ifremer).

«Tous nos généticiens disent que l'huître creuse est encore dans le domaine du sauvage et dispose d'une variabilité génétique avérée», a déclaré à l'AFP M. Baud, pour qui «il est plus intéressant de puiser dans cette diversité pour sélectionner des individus qui peuvent être résistants ou tolérants aux pathogènes».

Dans les années 80, l'Ifremer a déjà fait des tentatives de croisement entre différentes espèces du genre Crassostrea, indique par ailleurs M. Baud, en ajoutant qu'elles ont abouti à des échecs parce que les hybrides ne grandissaient pas beaucoup ou avaient de mauvaises qualités gustatives.

Si l'Ifremer ne croit pas actuellement à la solution du croisement des huîtres, M. Baud n'est pas pour autant opposé par principe à ce type de solution.

Mais il souligne que pour prouver que l'hybridation fonctionne, «il faut produire les individus et les tester dans le milieu naturel, ce qui prendra entre quatre et six ans pour avoir une réponse solide».