Une chair noire et visqueuse, renfermée dans une coquille conique plus grosse que le poing: en ragoût comme en soupe, le goût des escargots géants est succulent, à en croire de nombreux Nigérians qui raffolent de cette délicatesse de la cuisine locale.

«On dit des escargots que c'est de la viande blanche (...) Non seulement c'est délicieux mais en plus c'est excellent pour la santé, contrairement à la viande rouge», explique Yemisi Adedoyin Shyllon, un inconditionnel.

Généralement cuisinés avec du piment et des oignons, ces «igbin», leur nom en langue yoruba, qui peuvent aussi être bouillis ou frits à part, sont traditionnellement servis avec des légumes, du manioc, du riz ou de l'amala, une pâte à base d'igname.

Moins populaire dans le nord, le mets est très prisé par les Nigérians du centre et du sud.

«Les médecins recommandent d'en manger (...) c'est bon contre l'hypertension», assure Yemisi.

Ce passionné d'art, propriétaire d'une des plus grandes collections du Nigeria, possède son propre élevage d'escargots et affirme en consommer tous les jours, un luxe au regard de leur prix sur les marchés comme dans les restaurants.

Dans un coin de son immense jardin rempli de sculptures de bronze où se pavanent des paons, une cage d'environ 5 mètres carrés renferme une cinquantaine de colimaçons, prêts à être dévorés.

Yemisi en attrape un plus grand que sa main. «C'est ma principale source de protéines», sourit-il.

Interrogé sur le goût et la consistance, il hésite. «C'est très dur (...) c'est un peu comme du plastique dans votre bouche mais le goût est le même que celui de la viande», décrit-il.

Selon l'âge et la taille de l'escargot, sa consistance peut aussi être très tendre, «fondante», assurent d'autres amateurs.

Seul bémol, s'il ne sont pas nettoyés correctement, ces gastéropodes peuvent causer des intoxications alimentaires mortelles.

«Il faut les nettoyer avec de la pierre d'alun», explique Yemi Ahmed, qui vend les escargots géants au petit marché aux poissons installé sous un pont central de Lagos.

Démonstration immédiate : d'un coup de tournevis elle en déloge un de sa coquille, le tranche en deux et frotte énergiquement la chair contre de petits morceaux de cette roche blanche.

Par centaines, ses escargots, vivants, sont entassés dans trois corbeilles posées sur le sol. À côté, un petit seau en plastique contient quelques centimètres d'un liquide marron.

«C'est l'eau des escargots, c'est très bon. Vous la mélangez avec du miel, vous la réchauffez, c'est excellent contre la toux», garantit la commerçante en remuant le liquide précieux extrait des animaux.

Tous les quinze jours, elle se rend dans les États d'Ondo ou d'Edo, dans le sud-ouest du Nigeria, pour se ravitailler auprès des «chasseurs d'escargots» qui les attrapent dans la nature, la nuit.

«Normalement je vends les gros 250 nairas pièce (1,10 euros). Mais maintenant, à cause de l'harmattan (le vent chaud qui souffle en cette saison en Afrique de l'ouest), ils se cachent dans des trous et sont plus difficiles à trouver, alors je les vends 300 nairas», explique Yemi.

«C'est un bon business», se réjouit-elle. Mais le produit n'est pas à la portée de tous. La plupart des Nigérians n'en consomment que lors d'occasions spéciales».

«Vous n'en trouvez pas partout à Lagos. Dans les petites cuisines de rue, on vous sert essentiellement de la viande, c'est cinq fois moins cher», regrette Patrick, 31 ans, qui en mangerait volontiers plus souvent.