La confiture nous prend par les sentiments, évoque des souvenirs d'enfance et de petits-déjeuners sucrés. À l'autre bout du spectre gourmand, elle se prête aussi à des préparations expérimentales et gastronomiques, qui accompagnent fromages et viandes, par exemple. Nous nous sommes d'abord arrêtés dans la cuisine de la «maman» Hemela Pourafzal, propriétaire du café Byblos depuis 21 ans, où on trouve presque toujours une confiture sur le feu. Puis, chez le confiturier Simon Turcotte, nous avons découvert des produits haut de gamme d'une rare délicatesse, à déguster sans se presser.

Les confitures avec Hemela Pourafzal, propriétaire du Byblos 

Il y a toujours une confiture qui se prépare dans la cuisine du Byblos. C'est que le café de l'avenue Laurier, bien connu pour ses petits-déjeuners d'inspiration moyen-orientale, en propose près d'une vingtaine à ses fidèles clients: pétales de rose et pistaches, orange et carotte, ananas et gingembre, lime et nectarine, kaki et citron, figues, papaye, cantaloup et eau de rose, pour n'en nommer que quelques-unes. On les tartine sur le pain sucré de la maison, au pavot ou au sésame.

En Iran, le pays d'origine d'Hemela, la confiture fait partie du quotidien. Elle accompagne le petit-déjeuner, bien sûr, mais aussi le thé. «On la mange à la cuiller, puis on fait suivre d'une gorgée de thé», explique la «maman» de céans.

 

Hemela a appris à faire des confitures avec sa mère et sa tante, et ne déroge pas de la méthode traditionnelle, bien qu'elle ne se gêne pas pour créer de nouveaux parfums. Instinctive et, surtout, expérimentée, Hemela ne mesure plus ses quantités. Elle y va à l'oeil et au goût. Elle fait d'abord macérer ses fruits dans le sucre toute une nuit, puis procède ensuite à la cuisson, à trois cuissons en fait, suivies chacune d'une journée de repos. «Ça permet d'utiliser un peu moins de sucre, puisque le fruit l'absorbe à chaque nouveau coup de chaleur.»

La restauratrice s'approvisionne au marché Jean-Talon, où certains commerçants et maraîchers lui réservent des caisses de fruits bien mûrs. Elle y fait une petite virée au moins une fois par semaine et parfois plus souvent l'été, puisqu'elle aime bien faire ses réserves pendant la période d'abondance. En ce moment, Hemela fait le plein de bleuets, de fraises, de figues, de poires. Viendront très bientôt la pomme et la citrouille.

 

Photo: André Tremblay, La Presse

Hemela Pourafzal préparent ses confitures.

Les confitures avec Simon Turcotte, confiturier

C'est au Marché des saveurs qu'on a découvert les divines conserves de l'entreprise En robe des champs, située dans Lanaudière. Comment résister à une confiture de poire, vanille et pamplemousse? C'est d'ailleurs un des produits phare de la compagnie créée il y a quelques années par Simon Turcotte, chef cuisinier qui en avait soupé de la restauration.

Un peu plus tard cet automne, il prévoit d'ailleurs faire cuire environ 900 kg de Beauté flamande, une variété de poire cultivée au Québec qui se conserve longtemps en chambre froide. Au moment où nous l'avons joint au téléphone à sa cuisine-boutique de Sainte-Marcelline, le confiturier, qui aime bien travailler en saison, venait de prendre livraison d'une importante quantité de bleuets. Il s'est laissé par la suite tenter par la prune bleue de chez nous. «C'est un fruit moins populaire que la poire et la fraise, par exemple, mais c'est un de mes préférés, un vrai fruit à confiture. On peut mettre moins de sucre grâce à sa pectine naturelle qui lui assure une belle consistance.»

La guerre contre les glucides a rendu presque désuète l'ancienne règle d'or selon laquelle on utilise un kilo de sucre pour un kilo de fruit. Simon Turcotte s'en tient habituellement à 750 grammes de sucre de canne biologique et aimerait même diminuer à 500-600 grammes. «Mais j'aurais peut-être un problème d'appellation. Après tout, la confiture, c'est un fruit confit dans le sucre.»

Simon Turcotte fait aussi dans la gelée. Il faut essayer le parfum Pommette et basilic frais, qui accompagne à merveille certains fromages et les viandes rôties. Le marché d'accompagnement est d'ailleurs celui qu'il aimerait mettre en valeur avec sa nouvelle image de marque, «Simon Turcotte confiturier», qui sera lancée au Salon des métiers d'art de Montréal, en décembre. Il nous proposera une gamme «petit-déjeuner», une gamme «fromages» et une gamme plus expérimentale, nommée «secrets de cuisine».

En véritable artisan, Simon Turcotte travaille avec des petites quantités, deux ou trois kilos de fruits à la fois. Il adapte sa méthode aux exigences de chaque fruit. La framboise cuit beaucoup plus rapidement que la poire, par exemple. Certains fruits ont naturellement une haute teneur en pectine, d'autres en sont dépourvus.

Et pourquoi la confiture? «Il y a quelque chose dans la poésie, dans la délicatesse des fruits qui me parle. En plus, je tenais absolument à vivre à la campagne et je ne pouvais imaginer une plus belle manière de gagner ma vie dans un cadre champêtre.»

Deux trucs pour savoir si la confiture est prête

1 Cuiller

Plongez une cuiller de métal dans la confiture, retirez-la et inclinez-la. La confiture doit couler uniformément et tomber en gouttes épaisses.

2 Assiette

Versez un peu de confiture chaude sur une assiette froide. Si les gouttes se figent, la confiture est prête.

Photo: frounie par Simon Turcotte

Simon Turcotte, confiturier