Le Québec vire au rouge. Rouge pomme, il va sans dire! La pluie abondante de l'été et les dernières semaines ensoleillées nous promettent une des meilleures récoltes depuis 10 ans. 

En cette période de cueillette, voici donc la pomme dans tous ses états, de la McIntosh à l'étrange pomme-pêche. Et les invitantes recettes de Masami Waki, la pâtissière du Club Chasse et Pêche. Sur les 250 variétés de pommes adaptées à notre climat, une poignée seulement parvient jusqu'aux supermarchés. Afin d'éviter que des fruits sombrent dans l'oubli, un organisme de la Côte-du-Sud a entrepris la quête plutôt inédite de les retrouver afin de les protéger. En retraçant de vieux pommiers, Ruralys espère conserver un précieux patrimoine: la diversité du goût.

Il y a une centaine d'années, les Québécois croquaient la Saint-Laurent d'hiver, une pomme verte mouchetée de rouge violacé au goût sucré rappelant de près celui du miel. Aujourd'hui, elle a presque disparu du paysage, cédant du terrain aux pommes commerciales comme la Lobo, la McIntosh et la Cortland.

«Les variétés de pommes anciennes ne sont pas compétitives parce qu'elles se conservent moins longtemps, ou encore parce qu'elles se meurtrissent facilement, explique Catherine Plante, agente de développement pour Ruralys, organisme voué à la protection du patrimoine de la Côte-du-Sud, à l'est de Québec. Mais elles sont tout de même très goûteuses! On doit les protéger quelque part.»

C'est donc la mission que s'est donné Ruralys en démarrant, il y a cinq ans, un projet de verger-musée. Le Verger conservatoire de la Côte-du-Sud rassemble 14 variétés de pommes ainsi que des prunes et des poires que l'organisme a dû dénicher une à une dans la région. Un véritable travail d'archéologue.

Dans des vergers, des terres à l'abandon et sur le terrain de propriétaires intrigués, les historiens ont retrouvé des pommes comme l'Alexandre, la Wealthy, la Calville et la Duchesse d'Oldenburg.

«C'est un patrimoine à conserver, assure Mme Plante. On le voit quand des personnes plus âgées nous disent qu'ils retrouvent enfin le goût de leur enfance.»

L'organisme s'applique depuis cinq ans à reproduire ces anciens pommiers. Grâce à des greffes, Ruralys et ses partenaires ont réussi à multiplier ces variétés. Chaque printemps, le public peut en acheter, et profiter du goût de ces fruits dans leur propre cour.

«L'engouement pour les anciennes variétés est assez dépeignant, s'exclame Mme Plante. On en a vendu dans plusieurs régions du Québec!»

Goûteuses, mais pas compétitives

Même en reproduisant des centaines de fois les pommiers de la Saint-Laurent d'hiver, des organismes comme Ruralys ne parviendront probablement pas à gruger le marché des pommes commerciales. Au Québec, environ 10% des variétés cultivables parviennent jusqu'aux supermarchés.

«Le gros problème des anciennes pommes, ce n'est pas nécessairement leur goût: c'est leur capacité de conservation et leur chair qui n'est pas assez ferme, dit Daniel Ruel, directeur général de la Fédération des producteurs de pommes du Québec. Nous devons rechercher des variétés de pommes qui répondent au désir des consommateurs, et ce qu'ils veulent c'est un fruit ferme avec beaucoup de saveur.»

Voilà pourquoi donc la Paulared, la Lobo, la Spartan, la McIntosh, la Cortland et l'Empire occupent presque tout le marché. «Évidemment, il serait intéressant d'avoir plus d'espace dans les épiceries pour présenter de nouveaux produits, mais je pense que le public sait que pour goûter des nouveautés, il doit se déplacer chez les producteurs et dans les marchés», croit Benoit Bouthiller, propriétaire du verger Les trois pommes, à Rougemont.

Des nouveautés

Malgré la popularité des pommes commerciales au Québec, les producteurs tâtent le terrain et testent de nouvelles variétés moins connues. C'est ainsi que la Sunrise, une pomme ferme, sucrée, à la chair jaunâtre et très populaire en Colombie-Britannique, intéresse plusieurs entreprises d'ici.

La Honey Crisp, un fruit sucré, ferme et qui s'oxyde très lentement, fait aussi sa place, et se retrouve de plus en plus dans les marchés publics. D'après M. Ruel, cette pomme a beaucoup de potentiel.

Les producteurs de la province se montrent toutefois prudents. «On essaie de nouvelles variétés, mais de là à acheter 100 arbres et produire une nouvelle variété, il y a un risque que je ne suis pas prêt à prendre, explique M. Bouthiller. Ce n'est pas comme la production de tomates où, si une semence plaît moins au public, on change de variété l'année d'après. Moi, mes arbres vont durer 30 ans. Autant être certain que le goût plaira longtemps!»

Plus de renseignements: www.lapommeduquebec.ca et www.ruralys.org