La pression de se dépasser en cuisine va-t-elle trop loin? Idées simples et formules rapides pour passer plus de temps ensemble à manger plutôt qu'à cuisiner.

La chroniqueuse culinaire du New York Times, Alison Roman, dans une récente chronique, émet le désir de passer moins de temps aux fourneaux et plus de temps à table. Et si, comme elle le suggère, on simplifiait nos repas?

Les émissions culinaires, les livres de recettes et les magazines spécialisés abondent. Les influenceurs avides de dévoiler leurs dernières découvertes ou plus récents exploits, aussi. On n'a jamais eu autant de sources d'inspiration pour cuisiner, autant d'images devant lesquelles saliver et un désir aussi grand d'afficher nos compétences en cuisine.

«On est tous, en quelque sorte, devenus des chefs, estime Pasquale Vari, enseignant à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ). La cuisine, c'est facile de s'y attacher. Ça rejoint tout le monde.» Le danger, observe-t-il toutefois, est de basculer dans la surenchère.

«Lorsqu'on vous reçoit avec un cinq-services, vous sentez la pression de faire la même chose en retour.»

Dans son texte, Alison Roman témoigne de ces soirées passées à cuisiner sans vraiment être présente auprès de ses invités. «On finissait tous par s'asseoir et manger rapidement ce que j'avais préparé avant que la soirée ne tire à sa fin», peut-on y lire. Désormais, les invitations pour des craquelins et fromages et autres repas simplissimes sont chose de plus en plus courante chez elle, avoue la journaliste et auteure culinaire, même si elle écrit apprécier encore le fait de cuisiner des repas plus élaborés à l'occasion.

Diminuer la pression

Dans un quotidien déjà bien chargé d'obligations familiales, sociales et professionnelles, la cuisine est la tâche redondante qui finit parfois par peser lourd. Le marché des repas livrés à domicile et des boîtes d'ingrédients à cuisiner comme Goodfood, MissFresh ou Cook it est d'ailleurs en croissance.

Malgré des attentes élevées et des intentions louables, le temps dont on dispose pour cuisiner ne s'est pas étiré.

«On est peut-être en train de se dire que préparer à manger, c'est compliqué, alors que la réalité est autre», estime Stéphanie Côté, nutritionniste.

Revenons à la base: l'idée, rappelle Pasquale Vari, est de bien manger, mais surtout, de passer du temps ensemble et d'échanger. Cette volonté de passer moins de temps à cuisiner n'est pas nouvelle, soutient Stéphanie Côté. Mais comprendre l'intérêt de s'asseoir et de prendre le temps de se retrouver autour d'un repas l'est peut-être plus. «C'est une bonne nouvelle, parce qu'on sait à quel point le repas partagé en famille, mais aussi en bonne compagnie, a des bienfaits sur la santé.»

La nouvelle mouture du Guide alimentaire canadien recommande d'ailleurs de prendre les repas ensemble, «en famille, le plus souvent possible».

Des études ont en effet démontré que le fait de manger en famille permet aux enfants de développer de meilleures habitudes alimentaires et d'avoir une alimentation plus diversifiée. D'un point de vue psychologique, partager un repas permet aussi de tisser des liens ou de les resserrer. Dans la mesure, évidemment, où l'on ferme le téléviseur et l'on garde les appareils électroniques loin de la table. Et pour être rassembleur, le repas n'a pas besoin d'être compliqué.

Les nutritionnistes prodiguent des conseils pour bien manger rapidement depuis des années, fait valoir Stéphanie Côté. «Parfois, on pense que la pizza surgelée va nous aider à gagner du temps, mais il faut la faire cuire 20 minutes et compléter avec une salade pour avoir un repas équilibré. C'est aussi rapide de préparer un saumon, un poulet ou d'ouvrir une boîte de pois chiches.»

Et ce qui vaut pour les soirs de semaine vaut aussi pour les amis. «Je dis toujours, plus c'est simple, meilleur c'est, lance l'enseignant de l'ITHQ. Mettre plusieurs entrées sur la table comme on le fait dans plusieurs cultures, c'est une façon très conviviale de manger.»

Par exemple, le repas «lego», qui consiste à déposer les ingrédients sur la table en pièces détachées et à refiler aux autres le plaisir de les assembler. La formule est simple : une protéine avec une céréale et des légumes et fruits. Un saumon fumé, par exemple, accompagné d'une variété de craquelins ou de pains, de crudités et de quelques condiments, se compose rapidement et fait un repas équilibré, suggère Stéphanie Côté. Rassemblez des tomates tranchées en éventail autour de thon en conserve, ajoutez quelques olives, des tranches de pain et vous avez une salade nourrissante, propose encore Pasquale Vari.

«Ce ne sont pas des recettes, mais des repas composés au moins avec des aliments de base très peu transformés», souligne la nutritionniste. En ayant sous la main des ingrédients de base, on peut facilement les décliner de différentes façons: en salades, sandwichs, croque-monsieur, burritos, tacos, bols de type poké, pizza maison...

Des aliments dépanneurs

Au congélateur

Poulet et autres viandes déjà cuites, poissons fumés, crevettes, pétoncles et poissons à cuisson rapide, pains (naan, pita et pains divers), grains cuits (orge, quinoa, riz, épeautre, sarrasin concassé, boulgour)

Dans l'armoire

Poissons en conserve (ex.: sardines, hareng, maquereau, thon), légumineuses, craquelins, pitas grillés, noix, graines et pâtes à cuisson rapide comme le couscous et les vermicelles de riz.

Au frigo

Fromages, légumes marinés et fermentés, olives, confitures (oignons, marmelade, fruits), gelées, chutneys, oeufs durs, tofu, seitan, houmous, vinaigrettes maison, crème sure, mayonnaises.

Mettez-y de la fantaisie

Le secret, comme l'a remarqué Alison Roman, est d'agrémenter les éléments de base du repas de divers à-côtés disposés dans différents petits contenants. Proposez une variété de sauces, vinaigrettes, condiments ou aromates en complément. Variez les pains, craquelins, noix, fruits séchés, fromages ou légumes fermentés. Pensez à multiplier les saveurs avec des aliments salés, sucrés, acides, épicés. Nuancez les textures en proposant notamment du croquant, suggère-t-elle. 

Congelez, récupérez

On ne réinvente pas la roue: avoir sous la main les aliments qui permettent de composer rapidement un repas exige un minimum de planification. Pensez à congeler des viandes déjà cuites, des pâtes, grains et pains. «Si c'était bon au départ, il n'y a aucune raison que ce ne le soit plus après la congélation», affirme Pasquale Vari, qui suggère également de cuisiner des quiches, pâtés, ragoûts, timbales, plats gratinés, viandes ou légumes en sauce lorsque le temps et l'envie sont réunis. «Tout ça se congèle très bien.»

Réhabilitez fondues et raclettes

Sortez vos caquelons et votre four à raclette des fonds d'armoire pour dynamiser les repas en semaine. Quelques cubes de poisson cru ou de tofu, des crevettes, pétoncles, émincés de viande, oeufs fouettés et légumes déposés sur la table autour du four à raclette font un repas prêt en quelques minutes. Idem pour la fondue qui peut se passer d'un bouillon élaboré.

Cuisson sans attention

«Faire cuire des aliments, ça ne veut pas nécessairement dire de rester devant la cuisinière, fait remarquer Stéphanie Côté. Mettre un poulet au four ou badigeonner un saumon d'un mélange de moutarde et de sirop d'érable, et le faire cuire 10 minutes sur le gril, ça prend 10 minutes durant lesquelles on peut faire autre chose.» On trouve par ailleurs plusieurs recettes de repas sur la plaque sur l'internet, où tous les éléments du repas sont cuits en même temps avec un minimum d'effort et de vaisselle.

Photo Édouard Plante-Fréchette, archives La Presse

Les tourtières, quiches et autres pâtés sont des plats qui se congèlent très bien.