Le lièvre est la seule viande sauvage qui peut être vendue dans les boucheries et les restaurants. À l'aube de l'ouverture de la chasse, nous avons accompagné un trappeur d'expérience dans une forêt du Saguenay et cuisiné le petit gibier avec une chef reconnue de la région.

Promenons-nous dans les bois...

André Maltais est intarissable lorsqu'il entre dans ce qu'il appelle «son laboratoire». Il parle des peaux d'animaux suspendues au plafond, manipule des glandes de castor odorantes qu'il vend aux parfumeries et parle d'un leurre qu'il a concocté avec de l'urine de loup. C'est dans ce cabanon, derrière sa résidence de Chicoutimi, qu'il nous a conviés pour piéger le lièvre.

André trappe dans une zone d'exploitation contrôlée (ZEC) et sur une ancienne ferme laitière convertie en framboisière qui appartient à l'un de ses amis. La veille de notre rencontre, il a posé une dizaine de collets sur l'immense terrain agricole fait de vallons enneigés et de secteurs boisés.

Sur sa motoneige, André est à l'affût des traces d'animaux laissées dans la neige. Il pointe des pistes de perdrix et les empreintes d'un vison qui a traversé un ruisseau.

André a appris la trappe assez jeune. Son père trappait le lièvre, mais c'est plutôt un ami montagnais qui lui a donné la passion. Un jour, en forêt, son camarade lui a montré comment distinguer les traces de lynx, de martre et de loutre. Le Saguenéen a ensuite pris contact avec des trappeurs expérimentés pour apprendre comment nettoyer les castors.

Jusqu'à sa retraite, il y a un an et demi, André a travaillé comme technicien en urbanisme pour la Ville de Chicoutimi. Malgré son emploi, il a toujours occupé ses temps libres à piéger des animaux pour leur fourrure. À la fin des années 70, la peau d'un lynx valait jusqu'à 1000 $, raconte-t-il. Aujourd'hui, ce sont plutôt les martres qui sont à la mode, et leur peau rapporte en moyenne 75 $ dans les ventes aux enchères.

Le lièvre est une espèce bien différente. L'animal n'est pas prisé pour sa fourrure trop fragile, mais pour sa viande. «La viande a un goût prononcé. Elle goûte l'amande en début de saison et le sapin vers la fin de l'hiver, dit André. C'est une viande rouge beaucoup plus foncée que le lapin et elle est maigre. C'est pour ça que les cuisiniers vont souvent faire cuire un autre morceau de viande, de porc par exemple, avec le lièvre.»

Où sont les lièvres? 

À partir du bâtiment principal de la ferme, André conduit sa motoneige une dizaine de minutes pour se rendre au premier collet qu'il a posé, à l'orée d'un bois. Une fois le véhicule immobilisé, il chausse des raquettes pour éviter de s'enfoncer dans la neige. Il se dirige vers le piège qu'il a fabriqué avec un fil de laiton et attaché à une branche près du sol.

Le premier piège est... vide. Tout comme le deuxième, le troisième, le quatrième...

Plus la journée avance, plus les chances d'attraper un petit animal s'amenuisent.

«C'est drôle. Dans mes collets à renard et à lynx, j'attrape plein de lièvres et ce n'est pas ce que je veux. Et là, quand je veux en attraper, je n'en ai pas. C'est à n'y rien comprendre», s'étonne l'homme des bois.

Les lièvres sont plus faciles à attraper l'automne, car ils empruntent toujours les mêmes sentiers. «C'est comme des autoroutes de lièvres», explique André.

Quand l'heure du dîner arrive, le trappeur aguerri constate qu'il n'a capturé aucune proie. André regarde aux alentours du piège, le dernier qu'il a tendu. Il tente de comprendre pourquoi les lièvres l'ont contourné. «Quand tu retournes voir tes collets et qu'ils sont vides, tu essaies d'analyser ce qui s'est passé. Dans ce cas-ci, je pense que le lièvre est passé à côté du piège parce que je vois un bâton cassé.»

«C'est facile de voir leurs traces. Leur chemin est tout tapé et il est parsemé d'épines de sapin et de crottes. Aussi, ils grugent tout le long de leur sentier pour entretenir le chemin.»

Le colleteur ne se décourage pas. «Normalement, il va repasser par ici. On a peut-être une chance de le pogner cette nuit.»

André chasse parfois le chevreuil et l'orignal, mais il préfère le piégeage. «La trappe, c'est toujours un défi. Si tu as mal posé un collet, tu n'attraperas rien. Mais si tu tires un lièvre avec un gros 12, il n'aura pas de grosses chances», explique le coloré personnage.

Le trappeur pose de nouveaux collets dans l'espoir d'attraper un petit gibier. Il plante quelques branches mortes dans la neige pour être sûr que les lièvres n'aient qu'un seul chemin à suivre: celui qui mène vers un piège.

En cette journée de fin d'hiver, André repart bredouille. Mais ce n'est que partie remise pour le lendemain.

Un petit butin 

Tôt le matin suivant, André saute sur sa motoneige. Au premier piège, un lièvre blanc est figé sur le dos, les quatre pattes en l'air. Un peu plus loin, une deuxième bête est inerte dans la même position.

Une fois que les pièges sont tous inspectés, André dépouille les animaux. D'un coup sec, il tire sur la fourrure et la peau se détache facilement du gibier. Avec un couteau, il coupe la tête, la queue, les intestins et l'estomac de l'animal. Il enlève une partie du sang sur les lièvres avec un peu de neige. Il terminera le nettoyage plus tard dans l'évier de la maison.

Dépecer un animal n'est pas ce qu'André aime le plus. Mais il sait que la viande qu'il récoltera sera de grande qualité, meilleure que toutes celles qu'il pourrait acheter en épicerie et «sans produits chimiques», dit-il.

Et son goût, il lui rappellera les fameuses tourtières de porc et de lièvre de sa maman.

Photo Olivier PontBriand, La Presse

André Maltais a appris la trappe assez jeune. Son père trappait le lièvre, mais c'est plutôt un ami montagnais qui lui a donné la piqûre.