Même dans les maisons les plus modestes, les Géorgiens reçoivent avec panache. La table déborde de plats colorés, les coupes sont toujours pleines et un toast bien senti n'attend pas l'autre. Accueillez ces délicieux festins du Caucase dans vos jardins et sur vos terrasses cet été. Vous en serez transporté!

«Supra» repas

Lorsqu'on arrive dans une maison géorgienne à l'heure du repas, la table est mise et plusieurs plats froids y sont déjà: salade de tomates et concombres, feuilles de vigne, aubergines à la pâte de noix, asperges sauvages, fromages, etc. Attention, ce n'est que l'apéro!

Rapidement, on a un verre à la main et une fourchette dans l'autre. Il est important de savoir se ménager. Les Géorgiens sont faits forts ! Suivent généralement les féculents : pains farcis, dodus raviolis (khinkalis) remplis de viande, de fromage ou de pommes de terre, elargi (type de polenta au fromage extensible). Il y aura ensuite des plats de viande mijotés, des grillades et des pommes de terre.

Par chance, le dessert est pratiquement inexistant en Géorgie, hormis une assiette de fruits frais, des cuirs de fruit maison (tklapi) ou encore ces «saucissons» de noix trempés dans le jus de raisin épaissi puis séchés au soleil (tchourtchkhela). Pour faire une cure de sucre, rien ne vaut ce pays à la dent salée!

On appelle «supra» cette manière de recevoir en grand et la coutume fait partie du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO depuis 2017.

Tous les repas géorgiens ne sont pas des supras, bien entendu. Mais si on les réservait autrefois aux anniversaires et aux funérailles, ils semblent être de plus en plus fréquents, question de tourisme, entre autres.

Il faut savoir qu'en Géorgie, le supra n'est rien de moins qu'une pratique identitaire, presque spirituelle. Des chants polyphoniques et de la danse peuvent s'y mêler. Le supra existe depuis des siècles et aurait une filiation avec les symposiums de la Grèce antique. Mais, plus récemment, il a joué un rôle important dans la conservation de l'identité nationale face aux puissances étrangères envahissantes (la Russie, deux fois, entre autres!). C'était la seule forme de socialisation d'un peuple qui avait vu sa mobilité réduite et ses loisirs fort limités.

Ces beaux festins attirent l'attention internationale, depuis quelques années. Des livres ont été écrits sur le vin et la cuisine géorgienne, dont For the Love of Wine, d'Alice Feiring, et Tasting Georgia, de Carla Capalbo. Naomi Duguid l'inclut également dans son ouvrage Persia. Cela semble avoir ragaillardi les hôtes hors pair de ce petit pays du Caucase!

Située à la fois en Europe de l'Est et en Asie, la Géorgie se considère comme européenne et regarde vers l'ouest. Sa magnifique capitale, Tbilissi, en fait foi, avec ses centaines de bars à vins, ses boîtes de nuit qui rivalisent avec celles de Berlin et sa mode on ne peut plus edgy.

Nourriture et pinard sont indissociables, ici.

C'est d'ailleurs en partie grâce à la (re)découverte des vins traditionnels élevés en amphores (kvevris), dont nombre de vins ambrés ou «orange», que les hédonistes de ce monde s'intéressent à l'art de la table géorgien.

Règle générale, surtout dans les maisons de vignerons, ce sont les femmes, leurs soeurs, leurs cousines, voire leurs copines du village qui s'affairent dans la cuisine. Elles connaissent toutes les recettes classiques sur le bout des doigts, savent préparer le fameux pain farci au fromage (khatchapouri) avec ses variantes régionales, le poulet en sauce aux noix de Grenoble et les incroyables khinkalis, ses raviolis en forme de petits baluchons. La Géorgie est encore une société - disons - «traditionnelle»: les femmes dans la cuisine, les hommes à table.

Parmi les traditions plus réjouissantes, il y a celle qui consiste à nommer un tamada (toastmaster) pour la soirée. Régulièrement, pendant la soirée, cette personne bien en verve se lève et porte un toast bien développé aux ancêtres, aux disparus, aux invités, aux hôtes, etc. S'ensuit un gaumarjos (santé!) à l'unisson et chacun vide son verre. Il faut être fait fort, comme on disait.

Aucun repas n'est complet sans quelques rondes de chacha. C'est la grappa géorgienne. Tous les vignerons récupèrent leur précieux marc et distillent ce tord-boyaux chez eux, dans des alambics de fortune. À défaut de chacha, non offerte à la SAQ, une eau-de-vie italienne fait très bien l'affaire.

Si nous vous parlons de Géorgie, cette semaine, c'est parce qu'on y est allée, bien sûr! Mais c'est surtout parce qu'on y a découvert une manière résolument conviviale de recevoir. Y a-t-il plus estival qu'un bel assortiment de plats simples (et de bouteilles) posés au centre de la table, à apprécier en bonne compagnie? À vous de jouer!

Quelques ingrédients incontournables de la cuisine géorgienne

Huile de tournesol

En Géorgie, elle est d'un jaune profond, presque orangé, avec un goût puissant de graines torréfiées. Pour reproduire cette intensité, prenez une huile de tournesol extra-vierge locale (comme celle du Moulin des Cèdres) et ajoutez quelques gouttes d'huile de sésame grillé.

Fenugrec

Le fenugrec bleu semble introuvable au Québec, pour l'instant. On se contentera donc du fenugrec classique, auquel on peut toujours ajouter quelques feuilles, pour se rapprocher de l'original.

Coriandre en grains

Facile à trouver ici, elle est partout.

Sel de Svanétie

Les Géorgiens raffolent de ce merveilleux condiment. Il s'agit d'un mélange de sel, d'ail et d'épices qui rehausse à peu près n'importe quelle salade. Comme on n'en trouve pas (encore) ici, en voici une recette à saupoudrer librement: https://www.eatstowest.net/sel-svaneti/

Herbes fraîches

Aneth, basilic pourpre, coriandre, estragon, menthe, etc., parfument salades, sauces et mijotés à tout coup.

Haricots secs

Abordables et polyvalents, ils se préparent en sauce, en purée ou en salade. Il faut s'y prendre d'avance, toutefois, et faire tremper toute une nuit, avant la cuisson.

À table

Pour vérifier l'authenticité de notre menu géorgien, nous avons invité à la table des gens du milieu du vin qui ont fait le voyage là-bas, au mois de mai: la sommelière et restauratrice Vanya Filipovic (Joe Beef, Vin Papillon, Mon Lapin), également propriétaire de l'agence Les vins dame-jeanne, Cyril Kérébel (agence La Qv) et Vadim Fonta (Agence sans nom). Ce sont eux qui figurent dans nos photos.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Aucun repas n'est complet sans quelques rondes de chacha. C'est la grappa géorgienne. À défaut de chacha, non offerte à la SAQ, une eau-de-vie italienne fait très bien l'affaire.