Au cours de la dernière année, on a vu apparaître de charmants petits commerces alimentaires qui ne sont ni des épiceries fines, ni des dépanneurs, ni des fruiteries, ni des magasins d'aliments naturels. Ce sont les nouvelles épiceries de quartier.

Dans ces petites épiceries de quartier, on trouve tous les ingrédients nécessaires à la préparation des repas, mais sans avoir à choisir entre 30 saveurs de yogourts, 10 variétés de tomates fades, 500 pieds carrés de pain tranché. Les épiciers de ces échoppes s'efforcent de tenir un maximum de denrées locales et quelques produits artisanaux. La nouvelle épicerie de quartier fait cohabiter denrées quotidiennes de qualité et luxe discret. Elle offre des produits uniques et favorise la découverte.

«Les gens passent devant la bâtisse et, parce que c'est joli, aéré, ils imaginent que ça va coûter cher», lance Maya Ramacieri, copropriétaire de La Cena épicerie-traiteur, avant de se lancer dans les comparaisons. «Mais ça coûte moins cher chez nous d'acheter six limes qu'à la fruiterie sur la rue Jarry. Nos bananes sont à 50 sous la livre, alors qu'elles coûtent souvent un dollar la livre au supermarché. Un repas prêt à manger pour une famille de quatre, avec soupe, lasagne et dessert, coûtera une quarantaine de dollars, alors que le take-out asiatique que j'ai commandé l'autre soir, pour mes deux fils et moi, m'en a coûté près de 80.»

À la future épicerie Fardoche, qui ouvrira dans le Vieux-Rosemont (angle Lafond et Dandurand) au printemps, l'accessibilité est la priorité. «Notre mandat est de démocratiser l'aliment québécois pour tous les jours. Nous voulons prouver qu'il est possible de payer le même prix pour des aliments produits à petite échelle par des familles agricoles de chez nous que pour des fruits, légumes et viandes industriels qui viennent d'ailleurs», déclare Alex Cruz, cofondateur de Société-Orignal.

Inspirer 

Ce sont les iconoclastes de l'agriculture et des pêcheries québécoises qui sont à l'origine de ce projet d'épicerie tout à fait unique. C'est entre autres parce qu'elle assure sa propre distribution que l'entreprise réussira à pratiquer des prix raisonnables.

Tout en respectant la culture de consommation actuelle - de (presque) tout trouver sous le même toit, à longueur d'année -, ces nouveaux commerces souhaitent inspirer les gens à choisir le fruit en saison, le poisson bien pêché, l'huile locale de qualité, le légume difforme mais délicieux. Quand, de surcroît, le panier ne coûte pas plus cher qu'au supermarché, pourquoi ne pas donner une chance à son épicier de quartier?

Comme au magasin général

La Cena épicerie-traiteur 

422, rue Guizot Est 

Ouverture: Mai 2014

Spécialité: cuisine et produits italiens, mais pas seulement

On y va pour: les viandes de qualité, dont certaines sont fumées sur place, le sandwich à la porchetta du vendredi, le tiramisu de Maya, le chocolat bean-to-bar de Palette de bine

Prix: bananes à 50 cents la livre, litre de lait bio Nutrinor à 3,50 $, 2 livres de carottes à 1,20 $, poulet de grain à 7,50 $ le kilo, sac de 2 poivrons (rouge et jaune) à 2,50 $

La Cena a ouvert dans Villeray sans tambour ni trompette. «On n'a pas fait de publicité. On a voulu se donner le temps de s'adapter à l'espace et à la clientèle.»

Maya Ramacieri, qui a suivi ses cours de cuisine italienne et de pâtisserie à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ), et Jean Olivier Beaucage, chef et boucher, travaillaient comme traiteurs à domicile. Le couple en avait assez de louer des cuisines à gauche et à droite pour faire sa préparation. Résidants de Villeray, les entrepreneurs gourmands ont craqué pour une propriété au potentiel inouï, qu'ils ont acquise. Le rez-de-chaussée de l'ancienne maison unifamiliale a été transformé en superbe espace, qui rappelle l'ancien magasin général, en plus épuré. Une grande table communale permet de s'asseoir avec un café et une tranche de pain aux bananes ou de manger son sandwich aux charcuteries artisanales sans trop se presser.

Le traiteur, le comptoir de prêt-à-manger et l'épicerie se complètent et permettent d'éviter les pertes. Les produits frais ont trois vies. Souvent, ce sont les ingrédients qui ont servi à préparer un repas pour un événement. Commandés en grande quantité, ils se trouvent ensuite dans la section épicerie de La Cena, à prix très compétitif. Ce qui ne trouve pas preneur assez rapidement sera transformé en soupe, salade, plat cuisiné de la section prêt-à-manger.

Viandes et poissons viennent pour la plupart des Cantons-de-l'Est. Les fruits et légumes sont québécois lorsque la saison le permet. Les produits secs (pâtes, confitures, marinades, etc.) viennent de petits importateurs qui cherchent à percer le marché. «On partage les choses qu'on aime.»

Aujourd'hui, on peut trouver, à La Cena, tout ce qu'il faut pour concocter ses repas de A à Z. «Il y a une partie de la clientèle qui vient et qui dit: "Qu'est-ce qu'on mange ?" Et comme les saucisses, les viandes marinées, les poissons, les plats cuisinés changent toutes les semaines, on peut revenir régulièrement et goûter chaque fois des choses différentes.»

La Cena, c'est un concept qui s'adresse à plusieurs types de clientèle, que ce soit le retraité qui va prendre son café et son pain aux bananes tous les matins, la famille de Villeray qui veut sa lasagne, le célibataire en mal de steak, le ou la locavore à la recherche de fruits et légumes produits dans la proximité, l'italophile qui souhaite nourrir sa passion, etc.

Le petit local en coin

Le petit coin

45, rue Beaubien

Ouverture: Janvier 2015

Spécialité: Un peu de tout, du Kraft Dinner au foie gras!

On y va pour: les biscuits en pain d'épices de Gourmantine, les pousses de Jaziel Petrone, les saucisses d'Ils en fument du bon et une bonne sélection de produits Société-Orignal

Prix: Tomate de serre du Québec et banane biologique à 1,69 $ la livre, lait Société orignal (Run de lait), 3,8 %, 5 $, cuisse de poulet Fernando, 7,49 $/kilo, toutes les pommes à moins de 1 $ la livre, 5 citrons pour 1 $, 3 limes pour 1 $.

Trois chefs, soit Martin Juneau et Louis-Philippe Breton (Pastaga, Pub Sir Joseph, Commerce, Monsieur Crémeux), puis David Ferguson (restaurant Gus) ont décidé d'unir leurs forces et d'ouvrir une épicerie dans un petit local en coin, près de leurs restaurants. M. Breton, qui consacre le plus clair de son temps à ce nouveau «bébé» depuis quelques mois, a répondu à nos questions.

Pourquoi ouvrir une épicerie?

On aimait l'idée de pouvoir offrir aux clients des produits auxquels seuls les restaurants ont accès normalement. Ça leur permet d'acheter autre chose que ce qui se trouve sur les tablettes des supermarchés. C'est une petite entreprise le fun, sans prétention, un hybride entre les petits marchés en France et les anciennes épiceries de quartier qui existaient avant que les géants de l'alimentation débarquent.

Quel lien y a-t-il entre l'épicerie et vos restaurants?

Pastaga et Gus vont s'y approvisionner en fruits et légumes. L'idée, c'est aussi de créer un roulement pour toujours avoir les produits les plus frais possible.

À quoi ressemble la clientèle, pour l'instant?

On a une clientèle de quartier, très variée, puis une clientèle foodie, qui vient pour les produits plus spécialisés, comme le café de Saint-Henri microtorréfacteur, les sirops à cocktails, les conserves de Preservation Society. C'est un coin assez multiethnique aussi, et on essaie de s'adapter. Les gens veulent des bananes plantains, par exemple. Pour nous, tant que ça se vend, on est prêts à essayer.

Quelle est votre politique de prix?

On veut offrir des prix accessibles. Pour les fruits et légumes, on vend moins cher au public que les fournisseurs vendent aux restos. Nos prix sont aussi souvent inférieurs à ceux des supermarchés.

Photo Robert Skinner, La Presse

Des produits choisis avec soin

Épicerie Fardoche de Société-Orignal  

3436, rue Dandurand 

Ouverture: À venir en mai-juin 2015

Spécialité: Produits québécois à environ 80 %, frais et transformés

On ira pour: des viandes non conventionnelles comme le pigeon, le lièvre, les volailles et le gros gibier (bref, « autre chose que du porc et du gros boeuf » !), des douzaines d'oeufs dans lesquelles chaque coco aura une taille, voire une couleur, différente, des légumes « laids » mais savoureux, des petits fruits d'ici comme l'airelle, la chicoutai, l'amélanche, etc.

Prix: le plus abordables possible!

Les fondateurs de Société-Orignal, Alex Cruz et Cyril Gonzales, sur...

Le métier d'épicier 

«Une épicerie, ça commence avec des épiciers. Dans notre cas, on aura une épicière en chef et partenaire, Vanessa Niewerth, qui travaille pour Société-Orignal depuis le début. Son compagnon, Jean-Paul Girouard, s'occupera de la boucherie, de la poissonnerie et du prêt-à-manger. Jérôme Verdoni se spécialisera en fruits et légumes. L'épicier doit bien connaître ses produits, avoir une opinion sur ce qu'il vend et savoir conseiller les clients.»

Les supermarchés 

«Ils créent l'illusion d'abondance. Mais c'est une fausse abondance. On offre 10 huiles d'olive, mais il n'y en a pas une seule qui vaille la peine. Le frigo propose 30 saveurs de yogourt. C'est impossible pour le client de s'y retrouver et ça ne fait que démontrer un manque de personnalité de la part des épiciers. Chez nous, il y aura une seule huile d'olive, portugaise, choisie avec soin. Il y aura un bon miel en vrac et quelques miels plus fins en pots. Une semaine, on vendra du brocoli et l'autre, ce sera du chou-fleur, en alternance ! On ne veut pas accommoder, on veut inspirer.»

Les grands marchés publics 

«À l'épicerie Fardoche, dans un espace de 1200 pieds carrés, il y aura les produits d'un plus grand nombre de familles agricoles qu'au marché Jean-Talon. Je vous laisse faire le calcul au pied carré.»