Un site internet danois transforme les voisins en fournisseurs de plats à emporter, en permettant à ses utilisateurs d'afficher ce qu'ils mijotent, pour quelle heure et à quel prix.

«Parfois je mets en vente une portion, parfois jusqu'à 20. Tout dépend de ce que je prépare et du temps que j'ai», explique Ana Teresa Salas, consultante de 32 ans à Copenhague.

Dinnersurfer.dk, lancé en février, est la version gastronomique des sites de location de chambres chez l'habitant. De la même manière que cette chambre est normalement moins chère et plus personnalisée, le repas fleure bon la cuisine maison.

«Ça m'avait l'air génial. Je cuisine pour ma famille tous les jours quoiqu'il arrive, et j'en fais toujours trop», explique Ana Teresa, qui vend ses repas deux à trois fois par semaine.

La plupart du temps, ils sont inspirés par ses origines argentines, et attirent des clients en grande majorité jeunes et célibataires, qui déboursent 35 couronnes (environ 4,70 euros) pour un plat principal.

Elle a réussi à cerner qui va sonner à sa porte. «Quand je fais des plats légers ce sont souvent des femmes et quand ce sont des pâtes ou quelque chose dans le genre, essentiellement des hommes», relève-t-elle.

Le site est plus populaire dans les quartiers branchés de Copenhague, Nørrebro et Vesterbro. Mais n'importe qui dans le monde peut créer son mini-restaurant sur la version anglaise en .com.

Sur un total de 2900 inscrits, dont 460 comme cuisiniers, les utilisateurs sont peu nombreux pour l'instant en dehors du Danemark.

Le secteur peut rapporter gros, comme le prouve la réussite d'un autre site danois de nourriture à emporter, Just-Eat.com, qui permet de commander auprès de 36 000 restaurants dans 13 pays dont la France, la Belgique, la Suisse et le Canada. Fondé en 2001, il a été introduit à la Bourse de Londres en mars avec une capitalisation de 1,47 milliard de livres (1,8 milliard d'euros).

Les fondateurs de Dinnersurfer, deux étudiants en école de commerce et un informaticien connaissent les limites de la restauration à emporter.

«On travaillait très tard sur un autre projet et on mangeait beaucoup de fast-food, dont on commençait vraiment à se lasser», raconte l'un d'eux, Kasper Kraegpeh.

«On voyait beaucoup de gens cuisiner leur propre repas et on s'est dit: pourquoi on ne peut pas simplement acheter de leur nourriture? On a pensé que ce serait une idée marrante qu'il y ait un service pour que les gens qui veulent la vendre trouvent d'autres personnes qui veulent l'acheter», ajoute-t-il.

Sa dernière commande: un poulet tikka masala pour 30 couronnes (4 euros). «Et ça comprenait le riz et le nan», précise-t-il.

Les cuisiniers échappent totalement aux inspections sanitaires, alors qu'au Danemark, le ministère de l'Alimentation, l'Agriculture et la Pêche publie sur internet les résultats détaillés de ses inspections de restaurants.

Sur un forum danois, des internautes se sont demandé comment un acheteur pouvait déterminer que son plat n'avait pas été préparé dans une cuisine insalubre, ou si la viande était bien celle indiquée.

«On ne supervise pas les cuisiniers», concède M. Kraegpøth. «Mais avec notre système de notation vous pouvez voir s'ils ont reçu de bonnes ou de mauvaises critiques». Et «jusqu'ici on n'a jamais entendu parler de quelqu'un qui serait tombé malade», affirme-t-il.

Autre question épineuse, dans le pays où les impôts sont les plus lourds au monde: la possibilité d'en faire un travail non déclaré.

Le site, à la page Foire aux questions, consacre deux lignes à ce thème, conseillant aux vendeurs de se rapprocher du fisc s'ils ont un doute sur l'imposition de leur chiffre d'affaires. «C'est à l'utilisateur de payer le montant correct d'impôts», tranche le cofondateur.

Ana Teresa Salas ne se voit pas comme une commerçante tenue d'ajouter une ligne à sa déclaration de revenus. «Ce n'est pas mon but de gagner de l'argent. Je pense que c'est sympa, et au mieux ça rendra mes propres repas un peu moins chers», estime-t-elle.