Les trufficulteurs français partent en guerre contre la truffe chinoise, bourrée d'arômes de synthèse et tellement moins chère; et revendiquent le droit à la transparence sur l'origine comme pour la viande ou les fruits.

La truffe «Made in France» était à l'honneur mercredi au salon de l'agriculture. Il faut «redresser la production» de ce «champignon magnifique» en France, expliquait le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, lors de la signature du protocole truffe avec les professionnels et FranceAgrimer, pour les sept prochaines années.

Depuis 1993, les professionnels ont l'habitude de signer des «protocoles» avec l'État. Cette fois-ci, le cap est clair: défendre la truffe française, qui subit la concurrence déloyale de la Chine.

«On est concurrencé par de mauvais chefs qui prennent des truffes chinoises et les aspergent d'arômes sans en informer leurs clients», s'énerve Michel Santinelli, responsable de la Fédération française des trufficulteurs (FFT) en PACA, une des principales régions productrices avec le Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes.

Car si la truffe chinoise (tuber indicum) est si peu chère (30 euros le kilo, contre 500 euros en moyenne pour la truffe noire du Périgord ou tuber melanosporum), c'est bien parce qu'elle n'a pas le même goût.

Pour pallier ce déficit gustatif, quelques gouttes d'arômes suffisent. À l'oeil nu, le consommateur lui, ne voit rien.

«Il est donc impératif de mieux informer le consommateur»,  demande Jean-Charles Savignac, président de la FFT.

Le protocole signé mercredi prévoit de mieux informer de public sur les différentes espèces ainsi que sur l'emploi des arômes.

Les producteurs souhaitent également que la truffe noire du Périgord bénéficie d'un signe de qualité qui la protège du type AOP (Appellation d'origine protégée) ou STG (spécialité traditionnelle garantie).

Ils veulent aussi que les espèces de truffes qui ne sont pas traditionnellement récoltées sur le territoire soient classées «espèces exotiques envahissantes».

Car la filière s'inquiète de l'invasion possible de cette truffe de Chine directement dans les truffières, ce qui aurait des conséquences gastronomiques et économiques beaucoup plus graves.

Au petit bonheur du «pif»

Pour lutter contre les arômes et les truffes chinoises, les trufficulteurs ont un autre défi à relever, celui-là beaucoup plus aléatoire: augmenter la production.

Car la production française est «structurellement déficitaire», rappelle Jean-Charles Savignac.

La France, l'Espagne et l'Italie sont les trois principaux pays producteurs en Europe. Mais à eux seuls ils ne parviennent pas à satisfaire les palais délicats du monde entier.

Rien qu'en France, 20 à 25 tonnes de truffes chinoises sont importées chaque année, soit environ la moitié de la production française.

La production française s'élève en moyenne à 50 tonnes, avec des fluctuations importantes. En 2012/2013, les trufficulteurs tricolores ont produit 42 tonnes de truffes, contre près de 50 un an plus tôt.

Mais la production est difficilement rationalisable et c'est encore un peu au petit bonheur du «pif».

«On sait qu'il faut un sol calcaire, un climat tempéré sans gel profond et de l'humidité» mais beaucoup reste à découvrir notamment sur l'adaptation au changement climatique, la sécheresse étant désignée comme une des causes du déclin de production depuis une quarantaine d'années.

Pour améliorer les conditions de culture, le protocole, doté de 200 000 euros par an, prévoit donc de développer la recherche et l'expérimentation.

«On  va sélectionner des parcelles dans les principales régions productrices et on va planter des arbres truffiers (chêne vert, noisetier, tilleul...) en variant les conditions --arrosage, taille de l'arbre...-- et voir ce qu'il se passe», détaille Jean-Charles Savignac.

D'ici là, les 20 000 trufficulteurs français s'engagent à planter 300 000 à 400 000 plants par an pour tenter d'augmenter la production. C'est un peu plus que le rythme des dernières années où 285 000 plants avaient été mis en terre en moyenne chaque année.

«Mais il nous faut les moyens de le faire, car il faut entretenir les arbres pendant 10 ans avant d'avoir, peut-être, la première récolte de truffes», conclut Michel Santinelli.