La cuisine du sud des États-Unis n'est pas souvent associée à la fine gastronomie. Le poulet frit, le porc effiloché, le maïs et les sauces évoquent davantage la bouffe minute. Au pied des Smoky Mountains du Tennessee, la Blackberry Farm s'avère pourtant l'une des tables les plus célébrées du pays.

Quand Sam Beall a pris les rênes de la Blackberry Farm au milieu des années 90, le grand blond bouclé avait un objectif en tête: mettre en valeur la cuisine de la région afin qu'elle devienne une destination gastronomique. Rien de moins.

«Les gens qui viennent nous visiter sont originaires du nord et de l'ouest des États-Unis, mais aussi du Canada et de l'Europe. Je ne veux pas qu'ils vivent une expérience qu'ils ont déjà eue ailleurs. Je veux qu'ils repartent en se disant: «Ça alors! Voilà comment on se sent dans l'est du Tennessee. Voilà les odeurs et les saveurs de la région», explique M. Beall.

Il ne s'en cache pas, pour réussir à bâtir une renommée et aussi devenir le seul membre de Relais&Châteaux de l'État du Tennessee, Sam Beall a dû réinventer certains classiques pour les associer davantage à la haute cuisine.

Le classique porc effiloché illustre bien son approche. Souvent servi en sandwich dans les restaurants, le pulled pork se présente de façon toute particulière à la Blackberry Farm. La viande de porc biologique et de race patrimoniale est cuite pendant huit heures sur le barbecue, «de cette façon la plus belle et traditionnelle», décrit M. Beall. Une fois refroidie et effilochée, la viande est toutefois pressée dans une terrine à laquelle on ajoute du jus de cuisson. Puis, des tranches sont découpées et saisies dans une poêle.

«C'est du porc effiloché et c'est du barbecue, mais dans le langage de la haute cuisine, c'est une terrine. Dans l'assiette, ça s'apparente à une longe de porc belle et raffinée. Pour la servir, on ajoute des pousses vertes et quelques légumes qui viennent de notre jardin», dit-il.

Le «poulet et dumplings» a reçu le même coup de baguette - presque magique - qui transforme ce plat ultraréconfortant des grands-mamans du coin en recette qui rivalise d'élégance. Entre la soupe et le mijoté, le «poulet et dumplings» est traditionnellement préparé avec du pain rassis. Or, dans cette campagne, ce mets est composé de pâtes qui font penser à des gnocchis italiens, de champignons sauvages, de morceaux de poulet confit, le tout nappé d'un bouillon de poulet maison, puis décoré de délicates fleurs colorées.

«Traditionnellement, on associe la cuisine du Sud au poulet frit, aux biscuits [pains épais et non sucrés] et aux barbecues. Ici, on ne pratique pas tout à fait cette cuisine. On va servir les plats traditionnels, mais en les réinterprétant à notre manière», dit-il, assis dans une chaise à bascule derrière la maison de son enfance.





Le coup de pouce des voisins

Les vallons et les recoins de la Blackberry Farm, Sam Beall les connaît depuis qu'il est tout petit puisqu'il a grandi sur la propriété que ses parents ont achetée, au milieu des années 70, après avoir eu le coup de foudre pour l'endroit situé au pied des Smoky Mountains. En prenant la direction de la fermette, M. Beall a élargi les frontières du domaine pour se donner les moyens de ses ambitions.

Une magnifique grange rouge a été transportée du Connecticut jusque dans cette campagne de Walland. Elle a été transformée en élégante salle à manger. C'est alentour de cette structure magnifique qu'ont surgi le potager, la fromagerie, la laiterie, la distillerie et la cuisine qui sert à mettre en conserve les victuailles cueillies dans le potager et dans la forêt.

En voyant les légumes qui poussent dans le potager, les quelques dindes élevées pour le repas de l'Action de grâce, les fromages affinés artisanalement ou les whiskies et les bières qui y sont distillés, tout porte à croire que Sam Beall veut produire l'entièreté de ce qu'il sert à ses clients. Et pourtant...

«Quand on se promène dans la vallée, on croise plusieurs fermiers qui sont nos voisins et ces gens savent faire de merveilleuses choses. Ce sont de petites fermes familiales. Comme c'est une industrie en difficulté, ça n'aurait pas de sens de se mettre à cultiver des légumes comme le blé d'Inde, qui prend beaucoup d'espace et d'énergie, quand un voisin peut le faire pour nous et de manière biologique», dit-il.

Sam Beall a la manie de répéter qu'il ne jure que par des ingrédients de qualité. Ça pourrait ressembler à de la vanité. Or, malgré ses grandes ambitions, l'homme reste très humble, terre à terre, à l'image de sa propriété. Et c'est ce qui contribue à son succès.

Photo fournie par Blackberry Farm

Un potager au pied des montagnes

Le jardin de la Blackberry Farm ressemble à première vue à un potager du Québec. Parmi les tomates, les carottes et les aubergines, on distingue cependant quelques variétés de fruits et de légumes typiques du sud des États-Unis. Visite guidée avec Jeff Ross, directeur du potager.

Okras

L'okra fait sans aucun doute partie des légumes les plus populaires du Tennessee et des autres États du sud des États-Unis. Dans n'importe quel restaurant de barbecue, ces petits légumes velus sont frits et servis avec le porc effiloché ou les briskets, c'est-à-dire les poitrines de boeuf. Certains trouvent que ces légumes, aussi appelés gombos, goûtent les haricots verts et l'aubergine.

> À la Blackberry Farm:

Les okras sont marinés dans le vinaigre et mis en conserve. Avec une gousse d'ail des bois, ce condiment décore les Bloody Caesar. Aussi, il remplace les olives dans les martinis.

> Ici: On en trouve toute l'année dans certaines épiceries ethniques. Dans les supermarchés, les okras sont vendus parmi les légumes surgelés.

Cornilles

Il s'agit d'un haricot qu'on appelle aussi dolique à oeil noir. En anglais, ce sont des black-eyed peas. «Les cornilles viennent de l'ouest de l'Afrique, plus précisément du Sénégal. À l'époque où les esclaves étaient déportés aux États-Unis, ils transportaient avec eux des plantes comme l'okra ou les cornilles», explique M. Ross.

> À la Blackberry Farm: Elles sont notamment servies en mijoté ou en purée à l'ail grillé et à l'huile d'olive. À l'apéro, les cornilles frites et salées sont servies en collation.

> Ici: Dans les supermarchés, les doliques à oeil noir sont séchés et vendus parmi les aliments non périssables.

Sorgho

Le sorgho est une céréale particulièrement appréciée de ceux qui souffrent de la maladie coeliaque, car elle est sans gluten. On en fait de la farine ou du sirop en pressant les épis. «Au Québec et en Nouvelle-Angleterre, vous avez le sirop d'érable. Ici, on a très peu d'érables. On utilise donc le miel ou le sirop de sorgho comme sucre», dit M. Ross.

> À la Blackberry Farm: C'est l'une des céréales utilisées pour la fabrication de bières et de whiskies. «Ce qu'il y a d'intéressant avec le sorgho, c'est que l'on peut faire éclater les grains comme du maïs soufflé. Ça donne des petits pop-corn tout mignons!» Ces grains de sorgho éclatés sont saupoudrés sur certaines salades pour ajouter une texture craquante.

>Ici: La farine de sorgho est facile à trouver. C'est une tout autre histoire pour le sirop. Dans les recettes, il suffit de le remplacer par du sirop d'érable.

Figuiers

Les figues n'ont plus de secret pour bien des Québécois. Les feuilles, quant à elles, restent un peu plus mystérieuses. En les froissant, on s'attendrait à ce qu'elles sentent comme le fruit de l'arbre. Pourtant, elles ont plutôt une odeur de fruits exotiques quelque part entre l'ananas et la noix de coco. Les feuilles ne se mangent pas, mais leur parfum sert à aromatiser certaines viandes ou certains poissons.

> À la Blackberry Farm: Les figues sont souvent servies en dessert. On en fait aussi des vinaigrettes pour la salade ou des marinades pour les viandes. Les cuisiniers se servent également des feuilles pour envelopper des viandes, des poissons et même du fromage qu'ils font cuire à la vapeur.

> Ici: Les figues fraîches se trouvent dans les supermarchés. Pour se procurer des feuilles de figuier, mieux vaut cultiver un arbre ou trouver un ami qui en fait pousser un!

Photo fournie par Blackberry Farm

Tartelettes à la confiture d'hiver et à la croûte d'amandes

Rendement: 10 portions

Ingrédients

Pour la confiture d'hiver

  • 1/2 tasse de figues séchées, coupées en cubes
  • 1/2 tasse d'abricots séchés et tranchés
  • 1/2 tasse de dattes séchées, dénoyautées et tranchées
  • 1/2 tasse de prunes séchées, dénoyautées et tranchées
  • 1/2 tasse de canneberges séchées
  • 1/2 tasse de cerises séchées
  • 1/2 tasse de raisins secs
  • 1/2 tasses de raisins dorés secs
  • 5 c. à soupe de sucre de canne
  • 1 c. à soupe de rhum
  • 1 ruban épais de zeste d'orange
  • 2 c. à thé de jus d'orange fraîchement pressé
  • 1 ruban épais de zeste de citron
  • 1 c. à thé de jus de citron fraîchement pressé
  • 1 c. à thé d'extrait de vanille
  • 1/2 c. à thé de cannelle moulue
  • 1/2 c. à thé de piment de la Jamaïque moulu
  • 1/8 c. à thé d'anis étoilé moulu
  • 2 tasses d'eau
  • 1 pincée de sel de Maldon ou de sel casher
Pour la croûte

  • 1/2 tasse d'amandes effilées et rôties
  • 2 tasses de farine tout usage
  • 2 c. à soupe de sucre de canne
  • 1 c. à thé de sel casher
  • 2/3 tasse de beurre non salé, coupé en cubes et réfrigéré
  • 2 c. à soupe d'huile d'olive extra-vierge
  • 1/3 à 1/2 tasse d'eau froide

Préparation

  1. Placer tous les ingrédients de la confiture dans une grande casserole et porter à ébullition. Réduire la chaleur et laisser mijoter 10 minutes. Retirer du feu et transférer les fruits dans un contenant hermétique. Placer une feuille de papier parchemin sur le dessus de la confiture. Fermer le contenant et le placer au réfrigérateur pour la nuit.
  2. Le lendemain, placer la préparation de fruits dans une petite casserole et ajouter 1/2 tasse d'eau. En remuant fréquemment, porter à ébullition à chaleur élevée. Réduire le feu à moyen doux et laisser mijoter en remuant souvent, jusqu'à ce que la confiture réduise suffisamment pour tenir sa forme dans une cuillère (environ 15 minutes). Jeter les zestes d'agrumes et mettre la confiture de côté jusqu'à ce qu'elle refroidisse.
  3. Pendant ce temps, placer les amandes, la farine, le sucre de canne et le sel dans un robot culinaire. Réduire en poudre. Transférer la préparation dans le récipient d'un batteur sur socle muni d'un fouet plat. Ajouter le beurre et l'huile d'olive. Mélanger jusqu'à ce que la pâte devienne granuleuse et que les morceaux soient de la taille de petits pois. Ajouter l'eau, 1 c. à soupe à la fois, jusqu'à ce que la pâte forme une belle boule. Il ne faut pas trop mélanger la pâte.
  4. Former un disque avec la pâte et envelopper dans une pellicule de plastique. Réfrigérer de 1 heure à 3 jours. (On peut envelopper la pâte dans une pellicule de plastique hermétique et la congeler.)
  5. Sur un plan de travail fariné, abaisser la pâte à 3 mm d'épaisseur (1/8 po). Découper 8 ronds de 12 cm (5 po). Sur une plaque à pâtisserie recouverte d'un papier parchemin, empiler les ronds en insérant entre eux des bouts de papier parchemin ou de papier ciré. Couvrir d'une pellicule de plastique et réfrigérer jusqu'au besoin.
  6. Travailler un rond de pâte à la fois sur une surface de travail légèrement farinée. Déposer 1 cuillère à soupe comble de confiture d'hiver au centre de la pâte. Replier les bordures pour contenir la confiture sans la recouvrir au complet. Transférer délicatement le baluchon sur la plaque à pâtisserie. Répéter l'opération avec les ronds de pâte restants.
  7. Cuire jusqu'à ce que la croûte soit dorée et que la confiture bouillonne, soit de 35 à 40 minutes. Transférer la feuille de papier parchemin sur une grille de refroidissement à pâtisserie. Laisser refroidir 5 minutes et servir chaud ou à température ambiante. Présenter avec une cuillère de crème fraîche, si désiré.

La recette provient du livre The Foothills Cuisine of Blackberry Farm, de Sam Beall, éd. Clarkson Potter, 287p., 68$

Photo fournie par Blackberry Farm