La mobilisation de ses admirateurs n'y a rien fait, la mimolette française ne peut plus désormais être importée aux États-Unis, où les autorités sanitaires estiment qu'il s'agit d'un fromage «dégoûtant».

«Cet article semble être, en totalité ou en partie, composée d'une substance dégoûtante, putride, ou décomposée, ou autrement inadaptée comme nourriture», ont écrit les inspecteurs de la FDA (administration fédérale chargée de la sécurité alimentaire), pour expliquer leur refus d'autoriser désormais la célèbre boule de fromage orange, plus ou moins vieillie, sur le sol américain.

Depuis mars, l'entreprise normande Isigny Sainte-Mère, principal exportateur aux États-Unis, a une cargaison de 1,5 tonne bloquée en douane.

Le motif? Le fromage compte plus de 6 mites au pouce carré (6,45 cm2). Les mites du fromage, ou cirons, sont des acariens microscopiques cultivés à dessein sur la croûte, dont la FDA affirme qu'ils sont allergènes.

Isigny Sainte-Mère, qui exporte de la mimolette aux États-Unis depuis près de 20 ans, n'est pas la seule touchée. «Plus personne ne peut importer de mimolette à l'heure actuelle», explique Stéphane Plessis, responsable export pour les fromages chez Isigny, qui l'an dernier en avait vendu 60 tonnes aux États-Unis.

Pourtant, regrette-t-il, de passage à New York pour le salon «Summer Fancy food show», «aucune étude ne prouve que les mites (de fromage) sont allergènes». «Elles sont présentes naturellement dans toutes les caves d'affinage, ajoute-t-il. Et de toute façon, personne ou presque ne mange la croûte».

La une du Washington Post

Pour Benoît de Vitton, responsable aux États-Unis de l'entreprise, qui souligne que rien n'a changé dans leur fabrication depuis des années, c'est une «volonté précise, délibérée de l'administration américaine de bloquer les fromages avec des mites».

Prolaidis, les Fromages du Moulin, César Losfled, et la Société fromagère de Bouvron ont tous été récemment frappés du même refus. Pour les mêmes raisons.

Isigny, qui a suspendu ses exportations, va donc le coeur gros ordonner la destruction des 1500 kg de mimolette bloqués en douane. «On ne peut même pas les approcher», souligne Benoit de Vitton.

L'entreprise, qui avait vu progresser ses ventes de mimolette de 40% l'an dernier aux États-Unis, ne s'avoue pas pour autant vaincue.

Les normes de la FDA en terme de mites sont «inatteignables», selon son directeur export. Isigny réfléchit donc désormais à «décroûter le fromage à hauteur de 10 à 15% du poids total, pour retirer la croûte naturelle, et ensuite le placer dans des bains de cire». En espérant qu'ainsi, le fromage, dont le processus d'affinage ne changera pas, pourra passer le contrôle de la FDA.

Les États-Unis ne représentent que 60 des 3000 tonnes de mimolette qu'elle vend chaque année, mais la mimolette vieille y est perçue comme un produit de prestige, vendu jusqu'à 80 euros le kilo.

D'où la passion des amateurs. Certains s'étaient mobilisés en avril dernier, manifestant à Greenwich village à New York en distribuant des dés de leur fromage préféré. D'autres se sont associés à une campagne internet lancée par un fromager de la banlieue de Washington, Cheesestique, demandant aux amateurs de poster une photo d'eux grimaçants de douleur à l'idée d'être privés de mimolette.

La controverse a même fait la une du Washington Post et été l'objet d'un éditorial du Washington Times dénonçant les «nounous» de la FDA qui feraient mieux de «nous laisser tranquilles».

«Les Américains adorent la mimolette», souligne Benoit de Vitton. «Ils n'ont pas peur des mites. C'est pour cela que c'est d'autant plus absurde».