«J'adore créer», déclare Marie-Michèle Désormeaux, qui nous invite à admirer son catalogue de gâteaux de mariage, de baptême et de communion. Allergique à la banalité et «aux petites carottes à côté», cette reine des fourneaux de Rivière-des-Prairies n'est pas une grand-mère haïtienne ordinaire. Formée en cuisine d'établissement à l'ITHQ, Marie-Michèle est chef cuisinière dans un CPE et exploite un service de traiteur.

Son type de cuisine? «Un alliage d'antillais, de français et de nord-américain», résume celle qui, au gré de ses inspirations, passe du griot à l'haïtienne au quinoa, sa découverte alimentaire des derniers mois. «La cuisine antillaise est très grasse, très riche; c'est pourquoi je pousse toujours pour inclure des légumes dans mes menus. Et je fais rôtir le griot, jamais frire.»

Le jour de notre visite, elle nous invite à goûter à son pain au maïs - un délice sucré aux arômes de banane et de noix de coco - et à ses succulents petits feuilletés au poisson.

Avec Jean-Robert, son mari (qui d'habitude se charge de faire les courses pour la maisonnée), nous prenons la direction du Marché Unik, rue Pascal à Montréal-Nord. Logée dans un petit centre commercial, cette épicerie tenue par des Marocains (!) avoisine un salon de coiffure pour têtes crépues. La puissante chaîne stéréo d'une voiture garée devant le marché assure l'ambiance musicale antillaise.

Coffre aux trésors pour nostalgiques des tropiques, Unik a tout ce que désire la cuisinière antillaise. Derrière le comptoir-caisse, des rallonges de cheveux et autres produits de beauté accentuent l'exotisme des lieux.

Dans le rayon des fruits et légumes, Marie-Michèle nous explique que la patate douce antillaise n'est pas le long tubercule orange auquel les Québécois sont habitués. «Regarde: la pelure est mauve foncé, elle est plus petite et son intérieur est pâle.» Chez Unik, Marie-Michèle et Jean-Robert font aussi provision d'épices fraîches, de morue salée (pour les petits feuilletés), d'arachides, de plantains et de cassave, le pain haïtien à base de manioc. Ils achètent aussi des légumineuses et des «pois pigeons verts» congelés.

Après ces achats, nous prenons la direction du gros Maxi du boulevard Maurice-Duplessis pour les denrées de base comme le lait, les oeufs, les yogourts. Un endroit moins exotique, certes, mais qui dessert convenablement les besoins de la clientèle métissée du quartier. «Les patates douces sont beaucoup plus chères ici. Les limes aussi», observe Marie-Michèle. Pas d'achat de viande cette semaine-là pour le couple, qui se rend toujours à la même boucherie de Montréal-Nord et qui congèle pour le mois.

Si le riz aux pois collés, mets national des Haïtiens, est un classique qu'on prépare chaque semaine, Marie-Michèle, une fan de Top Chef Australia, s'aventure souvent dans des audaces culinaires. «Je peux décider une journée qu'on mange latino et le lendemain, italien. J'aime la cuisine multiethnique et je déteste la monotonie.»

D'où lui est venue sa passion pour la cuisine? «Quand j'étais petite, en Haïti, on faisait la cuisine sur charbon de bois, avec un réchaud à trois places. Ma mère m'a offert un petit chaudron et la cuisinière me laissait une place pour faire ma nourriture.»

Aujourd'hui, on lui commande ses spécialités antillaises à l'occasion des fréquentes fêtes familiales. Les week-ends, Marie-Michèle mobilise aussi le sous-sol pour la préparation de banquets pour des mariages.

Au retour des courses, nous sommes accueillies par une délégation de gourmands. Frédéryke, Loik et Kamilylia, les trois petits-enfants de Marie-Michèle et Jean-Robert, accompagnent leur père Francky pour une visite avant d'aller assister à un match de football. La grand-mère Élimise, mère de Marie-Michèle, accepte gentiment d'interrompre sa lecture de la bible pour la photo de famille.

Une cuisine antillaise, revue et allégée, pour quatre générations qui se régalent des créations de Marie-Michèle.



Dans les paniers


Patate douce haïtienne, pois pigeons, morue séchée, quinoa, tofu, tubercules antillais, cassaves, plantains, arachides, viande de porc (pour le griot)

Adresses

Marché Unik : 6342, rue Pascal

Maxi : 7605, boul. Maurice-Duplessis

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Chez Unik, Marie-Michèle et Jean-Robert font aussi provision d'épices fraîches, de morue salée (pour les petits feuilletés), d'arachides, de plantains et de cassave, le pain haïtien à base de manioc.