Avoir son propre pommier et croquer dans sa récolte, même si on habite un trois-pièces en ville? C'est dorénavant possible, en louant un arbre du verger Au coeur de la pomme, à Frelighsburg.

Une fois le pommier choisi parmi huit variétés (McIntosh, Paulared, Honey Crisp, etc.), le «locataire» reçoit un bail personnalisé et des comptes rendus de la vie au verger. L'automne venu, la récolte (18 kg de pommes) est envoyée par courrier. Pas besoin de se déplacer au verger... ce qui est bien dommage, quand on sait qu'on peut y pique-niquer, au bord de la jolie petite rivière aux Brochets.

«L'idée est intéressante pour les gens qui ne peuvent pas se rendre à la campagne: la campagne leur arrive par la poste, fait valoir Stéphanie Levasseur, copropriétaire d'Au coeur de la pomme. L'avantage, c'est que les gens sont proches de la production, de tout ce qui se passe dans le verger.»

Les premiers locataires ont ainsi appris que l'hiver dernier, les chevreuils n'ont pas mangé les bourgeons à fruits des pommiers, dont ils raffolent. Le peu de neige accumulé au sol ne leur a pas permis de franchir les clôtures... Ils ont aussi découvert qu'il faut tailler les pommiers, faucher les mauvaises herbes et se méfier de la tavelure, un champignon qui s'attaque aux vergers. Être pomiculteur ne nous occupe pas que l'automne.

Acheter un abonnement saisonnier à la ferme

«Avoir ces nouvelles, c'est agréable pour les enfants, qui voient que les pommes ne poussent pas sur les tablettes des magasins», note Mme Levasseur. Même les adultes ont perdu contact avec l'agriculture: en juin, la pomicultrice s'est fait demander par un adulte si elle avait des pommes de cette année!

Louer un pommier coûte 75$ par an, ce qui inclut la livraison d'un minot de pommes partout au Québec. «C'est sûr que ça nous permet de vendre des pommes au prix de détail, plutôt qu'au prix de gros à un emballeur, reconnaît Mme Levasseur. C'est une façon pour nous de rentabiliser l'entreprise, et pour les consommateurs de savoir d'où viennent leurs pommes.»

Autre proposition originale: la ferme Quinn, à Notre-Dame-de-l'Île-Perrôt, vend des abonnements saisonniers, comme le font les stations de ski. Les membres peuvent visiter la ferme et faire des balades en tracteur à satiété, en plus de cueillir bleuets, pommes, citrouilles et arbres de Noël.

Créer un lien social

«Depuis plusieurs années maintenant, on assiste à la mise sur pied d'initiatives visant à créer des liens plus étroits entre des producteurs et les mangeurs», observe Alain Girard, sociologue de l'alimentation à l'UQAM.

Les rapports aux aliments sont devenus abstraits, la saisonnalité a disparu des supermarchés, qui vendent des fraises en janvier. Le populaire programme de fermiers de famille d'Équiterre (11 000 paniers livrés cet été), l'agriculture urbaine, même la location de pommier tentent de corriger cette perte de contact avec la terre, selon lui.

«L'idée directrice est non seulement de manger mieux et de consommer de manière responsable, estime M. Girard. Mais aussi de créer un lien social, de construire des communautés par l'alimentation.» Quoi de mieux que de le faire autour de la pomme, «produit emblématique du terroir québécois depuis très longtemps», comme le souligne le sociologue?

«Nous allons avoir 50% d'une récolte normale», prédit Stéphanie Levasseur, copropriétaire du verger Au coeur de la pomme, à Frelighsburg. Le temps exceptionnellement doux de mars a fait sortir trop tôt les bourgeons des pommiers. Malheureusement, ces imprudents boutons ont gelé par la suite. Résultat: des pommiers qui devraient crouler sous les fruits en ce mois de juillet en sont presque exempts, tandis que d'autres laissent prévoir un bon rendement. «Notre parcelle qui est orientée franc sud-est plus touchée», a dit la pomicultrice. La grêle a aussi fait des ravages: tombée en mai, elle a laissé sur certains fruits de petites taches brunes, qui seront toujours visibles au moment de la récolte. «Ces pommes vont être déclassées», déplore Mme Levasseur. Le consommateur d'ici, qui exige la perfection, n'en voudra pas à l'épicerie. Vendues pour la fabrication de jus ou de compotes, ces pommes rapporteront moins.