Où trouve-t-on à la fois les meilleurs pains, la meilleure baguette ET les meilleures viennoiseries du Québec? À l'Amour du Pain, à Boucherville. C'est là que travaille Sébastien Konzola, l'artisan le plus talentueux de la province récompensé lors du tout premier concours de boulangerie jamais organisé au Québec.

Au total, vingt-deux boulangers s'affrontaient lors de cette première, inspirée des grandes compétitions qui ont lieu chaque année en France. Réunis au palais de Congrès pendant le Salon de l'innovation alimentaire (SIAL), cinq juges ont passé la journée de jeudi à goûter du pain - et l'ont terminé la panse bien remplie! - pour en évaluer non seulement la fraîcheur, le goût et la texture des pâtes, mais aussi la beauté. Sébastien Konzola les a séduits tant avec le craquant de sa baguette, ses viennoiseries - dont une chocolatine parfumée à la menthe fraîche - le craquant de sa baguette et la mie grasse de son pain aux graines de chia et farine de maïs torréfié, riche en Oméga-3 (deux recettes développées expressément pour le concours, pas encore en vente à Boucherville).



«Je m'étais inscrit pour me faire critiquer, savoir si les professionnels aussi aimaient mes produits et ce que je devais améliorer», confiait-il aujourd'hui, aussi fier que surpris. Après tout, ce premier grand gagnant n'était pas du tout destiné à pétrir du pain. Adolescent, le jeune Français rêvait plutôt de se lancer dans le travail du bois et quand il quitte les bancs d'école, ce sont des ébénistes qu'il appelle pour leur demander du travail. Échec sur toute la ligne. Sauf qu'en refermant le bottin, il tombe par hasard sur la publicité d'un boulanger de Lyon, M. Laland, qu'il contacte par dépit et qui accepte de le prendre sous son aile, alors qu'il n'a pas la moindre expérience. Ce sera le coup de foudre. «Maintenant, j'aime tout du pain! dit-il. Je ne me serais jamais imaginé travailler derrière un bureau, mais le pain est mieux que tout: il est vivant. Même si on le côtoie tous les jours, il n'est jamais le même.»



Une qualité surprenante


La qualité du travail des boulangers en compétition a surpris les juges, qui ont aussi remis des prix distincts pour la catégorie «meilleures viennoiseries» à Robert Dubé, de Bridor (fournisseur des boulangeries Au Pain Doré du Québec), «meilleure baguette» à Bruno Connet, aussi de Bridor, et «meilleur pain de variété» (à grains entiers) à Julien Racco, du Première Moisson situé au Marché Jean-Talon. La compétition a été si serrée et il a fallu goûter uen deuxième fois les pains aux grains entiers pour départager les trois derniers finalistes. « On n'aurait pas vu cela il y a 15 ans au Québec», a noté l'un des juges, James MacGuire, consultant en alimentation et ancien propriétaire du réputé Passe-Partout.



Les goûts changent, remarque aussi Mario Fortin, codirecteur de l'Association des boulangers artisanaux du Québec (ANAQ) et président du jury. La tendance est à la baguette travaillée avec des farines mixtes plutôt que blanches, à la mie souvent un peu plus humide et à la croûte moins craquante. Les artisans misent aussi sur l'originalité pour se démarquer. Freddy Isidore Martinho, de l'hôtel Fairmont Reine Élizabeth, à Montréal, notamment présenté un étonnant croissant à la farine de pistache d'un joli vert pomme et une chocolatine doublement gourmande, faite d'une pâte chocolatée farcie de bâtons de chocolat et d'écorces d'orange confites.



Valoriser le métier




Si la boulangerie a pris du galon au Québec ces dernières années, force est de constater que les étrangers y sont pour beaucoup: 18 des 22 boulangers en compétition étaient d'origine européenne. «Ce n'est pas un métier aussi valorisé ici qu'en France ou en Belgique. On a du travail à faire», remarque Mario Fortin. Il espère que ce genre de concours motivera les boulangers à faire encore mieux, à suivre plus de formations, à échanger davantage. « Il y a plus de boulangeries artisanales au Québec maintenant, mais elles ne sont pas toutes bonnes malheureusement. Si on peut former davantage d'artisans, ce sera un gros gain», dit Guy Bonraisin de l'ANAQ.



Cela dit, Sébastien Konzola, a été épaté par ce qu'il a goûté en arrivant au Québec, il y a quatre ans à peine. «En France, je crains que l'on soit en train de baisser un peu de qualité alors qu'ici, on fait plus de recherche, on a plus de liberté, peut-être parce qu'il n'y a pas le poids de la tradition.»

À suivre l'an prochain.