Comme pour le vin, dont il faut analyser la robe, le nez puis la structure et le goût, la dégustation du chocolat, toujours un régal, est aussi un art à pratiquer régulièrement pour gagner en précision.

«Il faut déjà regarder la matière», explique le pâtissier-chocolatier Pierre Hermé. «Je la maltraite un peu, je l'écrase pour tester sa résistance», dit-il à l'occasion d'une dégustation du Club des croqueurs de chocolat, appuyant une lame couchée sur différentes portions du bonbon en chocolat dans son assiette.

Ensuite, ce palais affûté se montre attentif à «l'intensité, l'acidité, la légèreté de la texture, la longueur en bouche» et si c'est un chocolat parfumé, «à l'équilibre entre l'arôme choisi et le goût du chocolat».

Sans oublier un critère primordial, «le plaisir».

Les 150 membres du Club, créé il y a une trentaine d'années, se réunissent cinq fois par an, en compagnie de quelques uns des meilleurs artisans français, pour goûter toutes sortes de produits à base de cacao: de la tablette aux truffes en passant par mousses, biscuits, pâtisseries ou glaces...

Le rituel est immuable. Il faut s'équiper d'un canif, mais aussi d'un verre d'eau et de pain pour se rincer le palais.

«Le couteau est indispensable, surtout quand il s'agit de bonbons de chocolat», explique Claude Lebey, doyen des critiques gastronomiques français et l'un des fondateurs du Club. «Il faut les couper en deux, pour voir l'épaisseur de la couverture. Elle doit être résistante mais pas trop imposante, sinon cela gêne pour goûter ce qui est à l'intérieur», dit-il.

Doser les saveurs représente des mois de travail

Ce fondu de ganache cache des chocolats dans plusieurs coins de son appartement pour pouvoir, sans chercher trop longtemps, en croquer régulièrement tout au long de la journée.

«Le café est très bien dosé dans celui-là», dit-il du bonbon intitulé "Brasilia" de Jean-Paul Hévin, l'un des chocolatiers parisiens les plus acclamés, y compris au Japon ou à Hong Kong où il possède plusieurs boutiques.

«C'est une ganache au chocolat noir mais j'ai mis un peu de lait pour faire remonter le parfum du café», explique ce dernier, affirmant utiliser du café de Colombie et du Brésil et non, comme beaucoup d'artisans, de l'instantané.

Les croqueurs du Club, réunis dans un hôtel particulier, essaient un autre bonbon, parfumé au thé Earl Grey. «La bergamote pourrait être un peu plus marquée», dit l'un des dégustateurs. «Oui mais c'est risqué, la bergamote ça envahit vite le palais», répond son voisin.

«Doser les saveurs, c'est particulièrement difficile, c'est des mois de travail», dit Jean-Paul Hévin.

«Le plus souvent, je privilégie le goût du chocolat plutôt que l'autre parfum», affirme-t-il. Mais parfois, comme sur un bonbon au thé fumé, «je fais le contraire. Je suis très amateur de thé et là, j'ai mis la dose pour que ça ressorte. Je voulais quelque chose de plus puissant, de viril», s'amuse-t-il.