Omnivore célèbre la jeune cuisine. Française d'abord, puis de plus en plus internationale. La caravane du Omnivore World Tour 2012 fait escale dans une ville différente tous les mois et elle se posera à Montréal en août. Pour savoir de quoi il en retourne, la journaliste Ève Dumas et le photographe François Roy ont fait un saut dans la Ville lumière la semaine dernière. Ils ont suivi la petite «délégation québécoise» invitée à participer à ce beau festival.

Omnivore, c'est un amalgame étourdissant et, surtout, très alléchant de cours de maître culinaires, tant salées que sucrées, de rencontres, de fiestas arrosées, de stands de producteurs et autres animations. Puis, en soirée, il y a ce que le chef new-yorkais David Chang a un jour baptisé les «Fucking Dinners». Ces repas à quatre mains ressemblent beaucoup à ce qui se fait dans nos restaurants pendant Montréal en lumière. C'est-à-dire un chef qui prend les commandes des fourneaux d'un autre.

Lundi soir, Gregory Marchand, chef du Frenchie à Paris, recevait son ami Derek Dammann, patron des cuisines du DNA à Montréal. Les deux hommes se sont connus à Londres. Le premier quittait le Fifteen, la grande table de la superstar Jamie Oliver, tandis que le deuxième prenait la relève. Ils se sont ensuite revus au Gramercy Tavern, dans La Grosse Pomme.

En tournée de repérage à Montréal, l'automne dernier, le directeur d'Omnivore, Luc Dubanchet, est tombé sous le charme de la cuisine inventive et «responsable» de Derek. Il a invité le rouquin tatoué à Paris. Le jumelage avec Gregory s'est fait tout naturellement.

Entrevue à deux voix sur le travail à quatre mains, à une petite heure du repas au Frenchie

Comment s'y prendre pour réaliser un repas à quatre mains?

Derek: Nous aimons tous les deux les massages à quatre mains, alors c'était un prolongement naturel! Blague à part... Il y a quelques mois déjà, nous avons commencé à échanger des courriels et nous nous sommes entendus sur une manière de travailler. Le point de départ était le produit. Nous avons fait une liste d'ingrédients avec lesquels nous avions envie de travailler et, une fois fixés, nous avons proposé notre interprétation respective du produit, sous forme de recette.

Greg: Par exemple, nous avons décidé d'utiliser le pigeon. Vous goûterez donc à deux versions ce soir. Moi, j'ai la poitrine et Derek a hérité de la cuisse. À la base, Derek et moi avons une philosophie de la cuisine assez semblable. C'est une cuisine généreuse et pas trop compliquée, mais toujours avec une petite touche spéciale qui la différencie de ce qu'on ferait à la maison. J'utilise la cuisson à basse température et une ou deux autres techniques plus avancées, mais c'est tout.

Comment concilier produits français et québécois?

G: Comme Derek, je travaille directement avec des producteurs et des cueilleurs. J'essaie d'utiliser le bon produit au bon moment, qu'il s'agisse d'un fruit, d'un légume ou d'un poisson. Mars, c'est une période un peu difficile, chez nous comme chez vous. On a hâte que la nature se réveille.

D: Question de faire découvrir quelques goûts du Québec à Paris, j'ai mis dans ma valise des produits de la Société Orignal (NDLR: cette jeune entreprise qui favorise le développement du terroir québécois). J'ai apporté de la poutargue d'oursins, une tartinade de salami N'duja que je fais au resto, du piment d'argile, des câpres de baies de genièvre immatures et plein d'autres trucs.

Qu'allez-vous retenir de l'expérience?

G: J'en ressors avec une recette vraiment top de N'duja!

D: En nous promenant dans Paris, nous sommes tombés sur deux marchés avec des produits incroyables. Ça m'a donné plein d'idées. Puis j'ai assisté à quelques classes de maître. J'ai eu un coup de coeur pour The Young Turks, deux jeunes Anglais dynamiques qui ont travaillé dans les meilleurs restaurants de Londres, dont The Fat Duck et St. John. J'adore voyager.

Avez-vous l'intention de donner suite à cet échange?

G: Je vais venir à Montréal au mois d'août. Même sans jamais y avoir mis les pieds, je connais un peu le Québec parce que Laura (NDLR: Laura Vidal, la sommelière du Frenchie, qui est québécoise) en parle beaucoup.