Elle coûte le double voire le triple du prix de la volaille conventionnelle, ce qui fait de la Chantecler une «poule» des grandes occasions. Mais au-delà de son coût élevé, la race patrimoniale n'est ni difficile ni capricieuse. C'est même la plus rustique des volailles québécoises, en voie de décrocher une appellation de spécificité traditionnelle. (Re)découvrons cet oiseau surprenant, récemment sauvé de l'extinction.

En septembre 2009, on annonçait que 10 éleveurs de volaille Chantecler avaient l'autorisation de reconstituer un troupeau suffisant pour sauver la race et aussi pour vendre de manière plus rentable les oeufs et la viande de cette poule.

Le Dr Frederic Silversides, généticien avicole pour Agriculture et Agroalimentaire Canada, est celui qui a déterminé le niveau de population requis pour assurer la survie de la Chantecler. Il estime très important de cultiver la diversité génétique, notamment pour venir au secours des races hybrides en cas de maladie.

En 2009, la population canadienne de Chantecler oscillait entre 1000 et 1500 poules. Deux ans plus tard elle est à peine plus élevée, avec 2000 têtes. C'est que les 10 éleveurs choisis (parmi une trentaine) pour perpétuer et entretenir la race n'ont pas encore réussi à terminer leurs nouvelles installations, qui exigent un investissement de plusieurs centaines de milliers de dollars.

«Passer d'un incubateur de 42 oeufs à un incubateur de 2000-2500 oeufs, ça coûte des sous!», lance André Auclair, directeur général de la Fédération des producteurs de races patrimoniales du Québec (FPRPQ). Et c'est sans compter la construction d'enclos spéciaux (des épinettes) pour cette race de parcours, qui a besoin d'espace et qui va dehors, même l'hiver.

«Il faudra trois à cinq ans avant qu'on atteigne le plein régime de production», affirme M. Auclair.

Ce plein régime prévoit que chacun des 10 éleveurs autorisés garde environ 150 poules pondeuses et 15 coqs. Environ 30000 oeufs pourront être envoyés à l'incubation chaque année. La production annuelle tournerait donc autour de 200000 oiseaux.

Christine Desmarais ne fait pas partie de ces 10 éleveurs. Dans sa fermette de Saint-Lambert-de-Lauzon, près de Québec, elle tient une douzaine de Chantecler pour sa consommation personnelle. C'est elle qui a «présenté» la jolie poule blanche au chef du Château Frontenac, Jean Soulard. Il en a gardé quelques-unes sur le toit du Château, l'été dernier.

«Année après année, j'avais un problème récurrent, raconte la sympathique éleveuse et présidente de Folia Design, une entreprise de décoration horticole. Mes poules avaient froid et mes coqs gelaient de la crête. Il a même fallu que j'en garde un dans ma maison pendant une semaine! Comme elle est bien plumée et qu'elle n'a pratiquement pas de crête, la Chantecler a réglé mon problème.»

Pourquoi ça coûte cher?

Parce qu'elle prend deux fois plus de temps à arriver à maturité que les hybrides plus performants, parce qu'elle «mange bien», la volaille Chantecler est destinée à un marché de niche. Pour l'instant, on vise principalement les restaurants à nappes blanches et les consommateurs de produits hauts de gamme.

«Le client achète un oiseau de plein air, qui a une assiette très diversifiée parce qu'il a mangé toutes sortes de verdures et de micro-organismes de même que des céréales et de la luzerne déshydratée l'hiver. C'est ce qui lui donne son goût distinctif, explique M. Auclair. La Chantecler est aussi rustique qu'une perdrix sauvage. Elle est nourrie au lait de vache canadienne pendant deux semaines pour l'attendrir.»

Les produits de la race Chantecler sont nombreux, en plus du poulet et des oeufs. La poularde Chantecler de tradition est abattue juste avant le début de la ponte et pèse environ 1,6 kg. Le chapon est une grosse pièce noble dépassant les trois kilos, parfait pour les grandes occasions. Le coq est plus ferme et a développé un goût intense. On lui fait passer la nuit dans un bain de vin rouge et le tour est joué! Restent la jeune poule, le coquelet et la bonne poule à bouillir comme celle utilisée dans la recette de poule au pot qui suit.